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Quelle orientation idéologique pour le Parti libéral du Canada après l’ère Trudeau ? [1]
['Daniel Béland', 'Louis Massé']
Date: 2025-02-13 16:42:45+00:00
La course à la chefferie du Parti libéral du Canada se tient dans le contexte exceptionnel des menaces tarifaires de l'administration Trump.
Pour le moment, les relations entre le Canada et les États-Unis occupent le premier plan de cette course, éclipsant la question de l'orientation idéologique future du Parti libéral.
Néanmoins, cette question demeure essentielle, car la personne qui gagnera cette course héritera d'un Parti libéral positionné plus à gauche sur l'échiquier politique.
Depuis 2015, nous observons une expansion des politiques sociales du gouvernement fédéral, au contraire de la tendance ailleurs dans le monde. Les dernières années du gouvernement de Justin Trudeau sont aussi marquées par l’entente inédite de collaboration avec le Nouveau Parti démocratique (NPD).
La Presse canadienne/Adrian Wyld
Cette dernière entente et son rôle dans l'évolution récente du Parti libéral du Canada jusqu'à la démission de Justin Trudeau est cruciale pour comprendre le contexte dans lequel se tient l'actuelle course à la chefferie. Elle représente l’aboutissement de changements tant dans les idées du PLC que dans ses relations avec les autres partis. Les aspirants chefs doivent ainsi se positionner vis-à-vis cette histoire récente du Parti, ses stratégies politiques, et décider de recentrer ou non son orientation idéologique.
Professeur de science politique à l'Université McGill et doctorant en science politique à l'Université d'Ottawa, nos travaux portent sur les politiques sociales et économiques au Canada.
Trois mouvements concomitants
L’émergence d’une telle collaboration entre les libéraux et les néo-démocrates s’explique par trois mouvements concomitants dans le système partisan fédéral.
Premièrement, les deux partis ont successivement partagé un nombre grandissant de propositions politiques, telles que le programme national de garderie, l’assurance-médicaments ou l’assurance dentaire. Ces propositions sont des demandes de longue date du NPD, ce rapprochement exprimant essentiellement une ouverture du PLC sous Justin Trudeau à l’amélioration des politiques sociales.
Deuxièmement, alors que le Parti libéral et le NPD se sont rapprochés, le Parti conservateur est demeuré ancré à droite (en privilégiant les crédits d’impôt aux prestations sociales) et s’est déplacé davantage vers la droite sur les questions fiscales depuis que Pierre Poilievre en est devenu le chef.
Cette situation entraîne une polarisation plus grande entre les deux partis aux plans idéologique et affectif : les sympathisants de chaque parti se jugent plus négativement que par le passé.
Troisièmement, cette situation crée une double course entre les partis politiques.
D’un côté, l’opposition entre un camp progressiste qui a appris à collaborer pour mettre en place des politiques sociales et le Parti conservateur du Canada.
D’un autre côté, un affrontement interne s'est déroulé entre le Parti libéral de Justin Trudeau et le NPD pour déterminer l’identité de ce camp de gauche modérée. Il y a un débat sur l’accent mis sur les classes moyennes ou sur la classe ouvrière. Tous deux se réclament du progressisme, mais n’en partagent pas la même définition.
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Quant au Bloc québécois, il est plus proche des libéraux et du NPD sur le plan idéologique, mais il se rapproche des conservateurs en ce qui concerne la vision décentralisatrice du fédéralisme.
Se battre contre Trump ou réfléchir sur le fond?
Compte tenu des menaces économiques et politiques proférées récemment par Donald Trump à l’endroit du Canada, l'accent de la course libérale porte davantage sur les enjeux de politique étrangère qu'à l'habitude. Cela laissera moins de temps de temps aux aspirants chefs pour discuter des enjeux domestiques.
Toutefois, la réponse canadienne aux menaces tarifaires et l'effet potentiellement dévastateur des tarifs sur l'économie canadienne ouvrent aussi un espace pour que les candidats présentent leurs propositions politiques.
Dans un contexte de déficit budgétaire récurrent, agrandi par l'intervention fédérale durant la pandémie de COVID-19, les questions fiscales demeurent au premier plan. C'est-à-dire, le gouvernement fédéral doit-il dépenser plus ou moins, où doit-il dépenser, et où doit-il couper? Ces questions sont cruciales, car elles se rapportent aux demandes américaines (le militaire et la frontière), à la protection des entreprises et travailleurs en période de crise, au fardeau fiscal et à la transformation de l'économie nationale dans un double contexte de dépendance aux États-Unis et de transition écologique.
D'autant plus qu'étant en année électorale, l'adversaire principal du Parti libéral (le Parti conservateur), tout comme son ancien collaborateur (le NPD), y vont de leurs propres propositions, notamment sur le plan fiscal. Les aspirants chefs devront ainsi se positionner vis-à-vis de ces deux partis, tout comme sur les choix fiscaux des 10 dernières années libérales, qui favorisaient l'État-providence.
Vers un recentrage idéologique?
Peu importe qui remplacera Justin Trudeau, la direction idéologique du parti lors de la prochaine campagne électorale et au-delà sera prise en fonction des calculs électoraux servant à déterminer quelle est la meilleure stratégie politique pour les libéraux.
Depuis que Trudeau est devenu chef en 2013, le parti s’est orienté vers la gauche dans le but de séduire les progressistes et de contester les votes du NPD. La question principale pour les libéraux est de savoir si cette stratégie est toujours viable électoralement en 2025.
Les propositions en matière de politiques publiques des différents candidats et candidates à la chefferie devraient nous donner une idée assez claire de leur orientation idéologique et de la direction dans laquelle ils comptent mener le parti. Ici le choix offert aux libéraux est principalement entre l’ancienne ministre des Finances Chrystia Freeland et l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney, qui est clairement en tête à la fois dans les sondages et dans le nombre d'appuis qu'il a reçus de la part de débutés et de ministres libéraux.
La Presse canadienne/Adrian Wyld
Taxe sur le carbone et équilibre budgétaire
D’un point de vue idéologique, un test important pour les libéraux sera la position du nouveau chef concernant la taxe fédérale sur le carbone, vertement critiquée par les conservateurs de Pierre Poilievre, qui accusent cette politique phare du gouvernement Trudeau de faire augmenter le coût de la vie. Même si cette affirmation suscite un débat parmi les économistes, cette taxe, qui ne s’applique pas à toutes les provinces, est impopulaire, ce qui incite des candidats potentiels à la direction du Parti libéral à s’en distancer.
Même si elle a soutenu la taxe sur le carbone pendant des années en tant que ministre libérale, Freeland souhaite maintenant remplacer cette politique controversée. Quant à Mark Carney, il a laissé entendre qu’il travaillerait sur une solution de remplacement. En tant que gouverneur de la banque d’Angleterre, Carney a notamment participé à la mise en place du Network for Greening the Financial System, dont les objectifs sont d’intégrer les risques climatiques aux pratiques financières.
Un autre test idéologique important pour les aspirants chefs concerne la question de l’équilibre budgétaire. Depuis 2015, il est clair que l’équilibre budgétaire n’est pas une priorité pour les libéraux, une situation qui a favorisé l’augmentation des dépenses sociales. Si le nouveau chef du parti décide d’accorder la priorité à l’équilibre budgétaire aux dépens de l’expansion de l’État-providence, cela signalerait certainement un recentrage idéologique du parti et, peut-être, un retour au centrisme des années Chrétien.
Sur la base des déclarations récentes de Carney et de Freeland, y compris la critique que cette dernière a formulée envers les chèques de 250 dollars qu’avait promis Trudeau à l’automne, on semble se diriger vers une approche budgétaire plus traditionnelle qui cadrerait avec l’idée d’un recentrage du parti en prévision des prochaines élections fédérales.
Même si le retour à l'équilibre budgétaire ne devient pas la priorité du nouveau chef, il est semble que, dans le contexte de la présidence Trump, on se dirige vers des dépenses militaires en hausse et un accent plus grand sur les politiques économiques et fiscales que sur les politiques sociales liées à l'État-providence.
Si cette tendance se concrétise, on assisterait ainsi au sein du parti à une certaine rupture idéologique par rapport aux années Justin Trudeau.
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