(C) The Conversation
This story was originally published by The Conversation and is unaltered.
. . . . . . . . . .



Santé mentale : les liens génétiques et cliniques cachés entre certains troubles psychiatriques [1]

['Camille Williams', 'Leland Fleming']

Date: 2024-12-29 17:40:23+00:00

En s’appuyant sur le UK Biobank, l’une des plus grandes bases de données biomédicales au monde, une étude s’intéresse aux similitudes entre différents troubles psychiatriques, sur le plan génétique et symptomatique. Ce type de recherches pourrait, à terme, aider à traiter simultanément plusieurs troubles.

Le sprinter olympique Noah Lyles, récemment désigné « l’homme le plus rapide du monde » aux Jeux olympiques de Paris, a partagé publiquement le fait qu’il luttait contre l’anxiété et la dépression, en plus des nombreux obstacles qu’il a dû surmonter pour décrocher son titre.

Ceux qui souffrent de plusieurs maladies psychiatriques

Si ses capacités de coureur d’élite sont extrêmement rares, sa « comorbidité », c’est-à-dire la présence simultanée de plusieurs maladies, est beaucoup plus fréquente. Ainsi, comme Noah Lyles, les personnes souffrant de dépression sont plus susceptibles de souffrir d’autres troubles psychiatriques tels que l’anxiété.

Effectivement, plus de la moitié des personnes souffrant d’un trouble mental répondent également aux critères de diagnostic d’un autre trouble. Certains troubles présentent également de nombreux symptômes similaires, comme la dépression et le trouble de stress post-traumatique, qui ont tous les deux des manifestations dépressives.

Depuis quelques années, la recherche en psychiatrie se concentre de plus en plus sur les co-occurrences fréquentes entre les troubles psychiatriques, et cherche à mieux comprendre les causes de cette comorbidité. En s’attaquant à ce problème, les professionnels de santé pourraient potentiellement traiter simultanément plusieurs symptômes et troubles psychiatriques, améliorant ainsi l’efficacité des soins et le bien-être des patients.

Une grande base de données britannique pour étudier les gènes impliqués

Comme pour tous les traits, les gènes et l’environnement contribuent aux différences individuelles dans la prévalence et la manifestation des troubles mentaux.

En étudiant les gènes impliqués dans plusieurs troubles psychiatriques, les chercheurs pourraient identifier ou créer des médicaments et des thérapies ciblant les symptômes communs à ces troubles ayant des bases génétiques similaires.

Dans un article récent publié dans la revue Nature Mental Health, les auteurs ont cherché à savoir si les mêmes gènes contribuent au développement de troubles psychiatriques qui se manifestent de façon concomitante. Pour ce faire, ils ont analysé les données de la UK Biobank, l’une des plus grandes bases de données biomédicales au monde, qui contient des données génétiques, de mode de vie, de santé et de neuro-imagerie provenant de près d’un demi-million de volontaires britanniques.

Une cohérence au niveau génétique et comportemental

Les résultats de l’étude ont révélé que le degré de symptômes partagés et la comorbidité – c’est-à-dire la présence de manière simultanée – avec d’autres maladies en santé mentale varient selon les troubles psychiatriques. Certains troubles partagent davantage de symptômes ou présentent un risque plus élevé de double diagnostic. Il en va de même au niveau génétique : certains troubles partagent plus de gènes que d’autres.

De manière plus générale, les résultats ont montré une cohérence au niveau génétique et comportemental : les troubles avec le plus de similarité au niveau génétique avaient tendance à avoir plus de symptômes en communs et une plus grande probabilité de co-occurrence.

Mais on relevait des exceptions intéressantes. Par exemple, bien que l’anxiété et la dépression aient des bases génétiques très proches, elles ne présentaient qu’une similarité partielle en termes de symptômes. À l’inverse, les troubles liés à l’usage de substances et les troubles obsessionnels compulsifs partageaient des symptômes similaires, mais leurs bases génétiques différaient.

Catégoriser selon les similitudes cliniques ou génétiques ?

Les auteurs se sont ensuite penchés sur l’impact de ces différences dans la catégorisation des troubles mentaux. La classification des maladies psychiatriques permet aux chercheurs d’identifier les facteurs environnementaux et génétiques qui influencent ces troubles au sein d’un même groupe.

En utilisant des méthodes de réduction de données, ils ont constaté que les troubles pouvaient être regroupés en fonction de grandes dimensions, comme les troubles « internalisés » (anxiété, dépression…), « externalisés » (troubles liés à l’usage de substances, troubles du comportement), ou encore les troubles « de la pensée » (schizophrénie, bipolarité) et les troubles « compulsifs » (caractérisés par des comportements répétitifs et incontrôlés, comme les troubles obsessionnels compulsifs ou l’hyperphagie boulimique). Ces regroupements ont été fondés sur les similitudes observées entre les troubles psychiatriques, qu’il s’agisse de leurs manifestations cliniques ou de leurs bases génétiques.

Cependant, la classification de certains troubles varie si l’on utilise des données comportementales plutôt que génétiques pour les regrouper. Le regroupement des troubles « de la pensée » et des troubles « internalisés » était généralement cohérent, mais celui des troubles « externalisés » et « compulsifs » différait quand on utilisait des données comportementales plutôt que génétiques pour les classer.

Par exemple, l’anxiété et la dépression appartenaient au même groupe (en vert), tandis que les troubles « compulsifs » étaient fortement associés aux troubles « internalisés » sur le plan comportemental (en vert), mais moins sur le plan génétique, ce qui les plaçait dans une catégorie distincte (en bleu).

Prendre aussi en compte l’environnement

Comment est-ce possible ? Ces différences pourraient s’expliquer par des effets environnementaux. Des vulnérabilités génétiques similaires peuvent se manifester par des symptômes distincts. C’est le cas notamment pour l’anxiété ou la dépression, en fonction du mode de vie, du contexte social ou d’autres facteurs environnementaux.

À l’inverse, des vulnérabilités génétiques différentes, comme celles associées aux troubles obsessionnels compulsifs et aux dépendances aux drogues, peuvent converger vers des symptômes similaires, sous l’influence de ces mêmes facteurs environnementaux.

Les gènes et l’environnement agissent ensemble sur le développement et l’interaction des troubles. La génétique seule ne suffit pas à expliquer l’apparition d’une condition psychiatrique. Par exemple, la schizophrénie, bien qu’étroitement liée à des facteurs génétiques, peut se manifester chez un seul membre d’une paire de jumeaux identiques.

Cela ne signifie pas pour autant que la génétique ne joue aucun rôle. Les différences génétiques expliquent en partie pourquoi certaines personnes sont plus susceptibles de développer un trouble de stress post-traumatique après avoir été exposées à un traumatisme. Cependant, les gènes ne sont pas le facteur le plus déterminant pour ces troubles.

Le monde de la psychiatrie a encore du chemin à faire avant de comprendre pleinement les points communs et les différences entre les troubles mentaux. Ce type de recherche nous rapproche de l’objectif d’aider les personnes atteintes d’un ou de plusieurs troubles de santé mentale. Peut-être pas pour devenir des champions olympiques comme Noah Lyles, mais pour mener une vie épanouie et en meilleure santé.

[END]
---
[1] Url: https://theconversation.com/sante-mentale-les-liens-genetiques-et-cliniques-caches-entre-certains-troubles-psychiatriques-245104

Published and (C) by The Conversation
Content appears here under this condition or license: Creative Commons CC BY-ND 4.0.

via Magical.Fish Gopher News Feeds:
gopher://magical.fish/1/feeds/news/theconversation/