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Demain, des colles plus écologiques issues de fibres de moules ? [1]
['Jérôme Thibonnet', 'Lopes Ferreira Caroline']
Date: 2024-10-17 13:31:00+00:00
Le byssus est une fibre produite à partir de certaines moules. Ses propriétés de résistance et d’adhérence en milieu humide intéressent l’industrie, notamment en biotechnologie, et le design pour fabriquer du matériel médical biocompatible et des colles plus écologiques.
Le byssus, aussi appelé « soie de mer », est une fibre produite par certaines moules pour se fixer solidement sur des surfaces marines comme les rochers ou les coques de bateaux.
Considéré comme l’or de la mer, il est connu depuis l’Antiquité. La Bible mentionne ce matériau fin, associé aux tissus du roi Salomon et de la reine Hécube, et Aristote en parle dans son ouvrage Histoire des animaux (Historia animalium).
Une tradition de textiles conçus avec cette « soie de mer »
Chaque moule peut sécréter entre cinquante et cent fibres, qui durcissent au contact de l’eau salée, formant une colle naturelle d’une résistance exceptionnelle souvent qualifiée de « colle la plus puissante au monde ».
Historiquement, le byssus était utilisé pour créer des textiles rares et précieux, un savoir-faire qui persiste encore en Sardaigne. Les fibres étaient traditionnellement récoltées à la main, aujourd’hui avec une machine spéciale « une débyssusseuse », sans endommager les moules.
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Demain, des colles biodégradables, adhésifs médicaux et autres matériaux innovants ?
Actuellement, ces fibres intéressent de plus en plus les chercheurs en raison de leur adhérence en milieu humide, de leur résistance aux ultraviolets, aux sels et aux températures extrêmes. Elles sont prometteuses pour des applications comme les colles biodégradables, les adhésifs médicaux et des matériaux innovants respectueux de l’environnement.
Cependant, des défis liés à la production et à l’intégration industrielles freinent encore le développement à grande échelle de cette filière. Les prochaines avancées détermineront si cette « soie de mer » pourra révolutionner certains secteurs grâce à ses propriétés uniques.
Résistance, capacités d’adhésion et propriétés antimicrobiennes
Les fibres de byssus, bien que rares, offrent en effet des perspectives fascinantes dans divers domaines. Leur résistance exceptionnelle et leur capacité à adhérer sous l’eau en font un matériau d’intérêt pour les bio-ingénieurs qui explorent des applications dans le développement de nouveaux adhésifs chirurgicaux et médicaux, particulièrement utiles en milieu humide. Les propriétés antimicrobiennes naturelles des fibres ouvrent également des pistes dans le domaine de la santé.
De plus, l’étude des protéines spécifiques du byssus pourrait contribuer à la conception de matériaux biomimétiques. Reproduire la robustesse et l’élasticité de ces fibres pourrait ouvrir la voie à des applications allant de la réparation à la reconstruction de tissus humains.
Dans un tout autre secteur, l’industrie textile, la soie de mer, bien que marginale en raison de sa production complexe, pourrait inspirer la création de textiles ultrarésistants et durables.
Des filières de valorisation encore expérimentales
Les filières de valorisation du byssus de moules sont limitées et encore en développement. Mais elles présentent un potentiel prometteur. Les efforts de valorisation se concentrent sur l’extraction des protéines qui composent ces fibres, avec pour finalités des applications innovantes dans les industries biomédicales et technologiques.
Les biotechnologies explorent par exemple l’utilisation des propriétés adhésives du byssus pour développer des colles chirurgicales biodégradables. En parallèle, des initiatives commencent à émerger pour exploiter le byssus dans des produits cosmétiques ou des bioplastiques, capitalisant sur leur résilience et leur biocompatibilité.
Cependant, ces filières restent pour l’instant à l’état expérimental, en raison de la difficulté à récupérer ces fibres en quantité suffisante et de manière durable. La valorisation du byssus de moules pourrait s’accélérer avec des avancées technologiques majeures dans le domaine de la bio-inspiration.
Des recherches également en lien avec l’architecture et le design
Ella Perdereau , Author provided (no reuse)
Dans le cadre des recherches menées par le laboratoire « Synthèse et Isolement de Molécules Bioactives » (SIMBA), en collaboration avec l’agence du secteur du design hors-studio, le laboratoire explore la possibilité de créer de nouveaux matériaux à partir de colles naturelles combinées à des biomasses, telles que le byssus.
Ces matériaux pourraient être utilisés dans des applications architecturales et de design, offrant une alternative durable et innovante aux matériaux traditionnels. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre d’une bourse de thèse « Art & Sciences », réalisée en partenariat avec hors-studio.
Atouts et limites des liants biodégradables à base de fibres de byssus
Le byssus est capable de créer des liaisons solides, même en milieu humide, grâce à des protéines spécifiques (principalement la mfp-1 ou mussel foot protein-1 ainsi que d’autres protéines) qui ont la particularité de pouvoir interagir chimiquement avec les surfaces, en formant des liaisons robustes (appelées « liaisons covalentes ») tout en conservant une certaine flexibilité.
Les liants biodégradables à base de fibres de byssus de moules auraient la faculté de reproduire des propriétés adhésives naturelles. Ces liants présentent plusieurs atouts majeurs :
D’abord, leur adhérence exceptionnelle en milieu humide les rend idéaux pour des applications médicales, comme les colles chirurgicales, là où les adhésifs traditionnels échouent souvent.
De plus, leur biodégradabilité réduit leur impact environnemental. Ils se décomposent naturellement après usage, un avantage crucial dans les applications médicales où le retrait d’adhésifs pourrait être invasif. Dans le domaine de l’industrie, les liants à base de byssus pourraient se révéler idéaux en remplacement des colles synthétiques, souvent fabriquées à partir de produits pétrochimiques, qui laissent des résidus toxiques dans l’environnement.
Etant dérivés de substances naturelles, leur biocompatibilité les rend a priori non toxiques et compatibles avec les tissus humains, ce qui pourrait minimiser les risques de rejet ou de réaction immunitaire.
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Cependant, ces liants présentent aussi des limites. Leur coût de production reste élevé car l’extraction des protéines du byssus est complexe et leur synthèse nécessite des techniques biotechnologiques avancées.
Par ailleurs, leur stabilité ainsi que leur performance à long terme peuvent se révéler insuffisantes sous certaines conditions extrêmes et leur adhérence peut parfois être inférieure à celle des colles synthétiques. Enfin, leur durée de vie limitée, bien que ce soit un atout écologique, peut poser un problème pour des usages nécessitant une adhésion durable.
Réduire les coûts et rendre la fabrication plus accessible
Pour que les liants biodégradables conçus à partir des fibres de byssus de moules deviennent une alternative viable aux colles synthétiques, plusieurs étapes cruciales doivent encore être franchies.
Les recherches doivent se concentrer sur l’optimisation de la production en masse de ces protéines adhésives ou sur des techniques innovantes en extraction, afin de réduire les coûts et rendre leur fabrication plus accessible.
L’amélioration de la stabilité et de la performance des liants, tout en maintenant leur biodégradabilité, sera également essentielle pour élargir leur utilisation.
Une demande pour des solutions écologiques et biocompatibles
Cette filière est favorisée par une demande croissante pour des solutions écologiques et biocompatibles, ainsi que par les avancées en biotechnologie qui permettent de reproduire les protéines de byssus en laboratoire.
Cependant, son développement est freiné par les défis techniques liés à la production à grande échelle et à l’intégration de ces liants dans des processus industriels existants, où les colles synthétiques dominent depuis des décennies.
L’avenir de ces liants dépendra donc de l’équilibre entre innovation technologique, viabilité économique et sensibilisation accrue aux enjeux environnementaux.
Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 4 au 14 octobre 2024), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « océan de savoirs ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.
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