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Changement climatique : des proliférations d’algues observées pour la 1ere fois dans le lac Supérieur [1]

['Joshua Culpepper', 'Sapna Sharma']

Date: 2024-10-09 13:10:26+00:00

Le lac Supérieur est réputé pour la pureté de ses eaux, mais une combinaison d’apports de nutriments provenant d’une activité humaine croissante (incluant l’agriculture et le développement urbain), de l’élévation des températures et de conditions orageuses a causé une prolifération d’algues potentiellement dangereuses.

Les cyanobactéries se développent dans des systèmes d’eau douce dont la température est relativement élevée et où les apports en nutriments sont importants, ce qui est typique des zones fortement urbanisées et agricoles.

Les cyanobactéries peuvent produire des toxines, telles que les microcystines et d’autres cyanotoxines, qui risquent d’avoir des effets néfastes sur les humains et l’environnement.

Cet article fait partie de notre série Nos lacs : leurs secrets, leurs défis. Cet été, La Conversation vous propose une baignade fascinante dans nos lacs. Armés de leurs loupes, microscopes ou lunettes de plongée, nos scientifiques se penchent sur leur biodiversité, les processus qui s’y produisent et les enjeux auxquels ils font face. Ne manquez pas nos articles sur ces plans d’eau d’une richesse inouïe !

Ces toxines peuvent donner un goût et une odeur désagréables à l’eau, interférer avec le traitement des eaux, provoquer des troubles gastro-intestinaux et des lésions hépatiques chez les humains, et même être fatales pour les animaux domestiques et le bétail.

Malheureusement, à mesure que la planète se réchauffe, la prolifération d’algues nocives touche de plus en plus de régions du Canada. Notre équipe a entrepris de comprendre l’ampleur du problème dans le lac Supérieur et les actions à poser pour y remédier.

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Prolifération dans les Grands Lacs

Les proliférations de cyanobactéries ne sont pas nouvelles dans les Grands Lacs laurentiens. Le lac Érié, plus petit et plus chaud des Grands Lacs, en est victime chaque été.

Ce phénomène a lieu lorsque les températures sont élevées dans des zones d’eau douce où ruissellent des nutriments. Le lac Érié est entouré de champs agricoles et de quartiers urbains, dont les eaux de ruissellement provoquent souvent des éclosions d’algues en été. En 2014, une prolifération s’est produite dans l’alimentation en eau potable de Toledo, dans l’Ohio, ce qui a affecté plus de 400 000 citoyens.

Jusqu’à récemment, aucune prolifération de cyanobactéries n’avait été constatée dans le lac Supérieur.

Le lac Supérieur est le plus grand, le plus froid et sans doute le plus sain des Grands Lacs, en raison de sa situation septentrionale et de l’éloignement de sa population. Les températures froides de l’eau et les faibles concentrations de nutriments ont jusqu’ici empêché la croissance d’algues.

Cependant, c’est aussi un des lacs de la planète qui se réchauffent le plus rapidement. Depuis 150 ans, il a perdu plus de deux mois de couverture glaciaire. Au cours de l’hiver 2024, seuls 12 % de la surface du lac Supérieur étaient recouverts de glace, soit un cinquième de ce qui est recouvert normalement.

La diminution de la couverture de glace a prolongé la saison des eaux libres, entraînant une hausse de la température de l’eau et une réduction de la quantité d’oxygène pendant l’été. Des étés longs et chauds offrent des conditions optimales pour la prolifération d’algues et de cyanobactéries.

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Au cours de la dernière décennie, on a observé des éclosions de cyanobactéries le long des rives méridionales du lac Supérieur. Celles-ci ont été constatées pour la première fois en 2012 et chaque année depuis 2016. En 2018, la plus importante s’est étendue sur plus de 100 kilomètres, donnant à l’eau une couleur vert opaque.

Les données relatives à la prolifération de cyanobactéries sur les rives septentrionales du lac Supérieur sont toutefois beaucoup plus limitées. Des rapports de confirmation ont été transmis au ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs de l’Ontario en septembre 2019, pour une présence de cyanobactéries au nord-est de Thunder Bay. D’autres éclosions ont été observées en juillet 2021 à Black Bay, une zone moins développée de la partie occidentale du lac Supérieur, puis en juillet et en septembre 2023 et deux fois en août 2024, à l’est de Thunder Bay, dans la municipalité de Shuniah.

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Bien qu’il n’y ait aucune preuve de toxicité dans les proliférations du côté nord du lac Supérieur, l’échantillonnage a révélé que presque toutes les espèces de cyanobactéries identifiées peuvent produire des toxines. Toutefois, on ne sait pas encore dans quelles conditions environnementales les cyanobactéries « basculent » et se mettent à produire des toxines.

Des conditions qui changent

Des rapports faisant état de proliférations de cyanobactéries dans des rivières et des lacs isolés, clairs et en bonne santé indiquent que les changements climatiques jouent un rôle important dans la hausse de ce phénomène. Les cyanobactéries tolèrent bien les eaux chaudes et peuvent facilement flotter, ce qui leur permet de l’emporter sur d’autres algues dans leur quête de lumière.

Dans la région des Grands Lacs, les changements climatiques engendrent également une hausse de la fréquence et de l’intensité des tempêtes. Les fortes précipitations augmentent le ruissellement de l’eau, ce qui a pour effet de mélanger les nutriments du bassin versant aux masses d’eau locales. À titre d’exemple, l’importante prolifération d’algues observée dans le sud du lac Supérieur en 2018 est le résultat de fortes précipitations et d’inondations.

Les risques pour la santé publique liés aux cyanotoxines font ressortir la nécessité de lutter contre la dégradation environnementale à l’échelle mondiale afin d’empêcher les proliférations. Les éclosions occasionnelles mettent en lumière l’importance de mettre en place une surveillance continue et de sensibiliser le public dans le but de protéger les régions littorales dans la partie nord du lac Supérieur.

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Il est essentiel de limiter la quantité de nutriments introduits dans les plans d’eau pour diminuer les risques de prolifération d’algues nocives. Pour y parvenir, voici quelques solutions : réduction de l’utilisation d’engrais, modification du calendrier d’application des engrais afin de restreindre la quantité de nutriments atteignant les lacs et les affluents, promotion d’infrastructures urbaines qui permettent de réduire le ruissellement des eaux pluviales ainsi que préservation des milieux humides et de la végétation riveraine.

À ce jour, on a constaté relativement peu de proliférations d’algues du côté nord du lac Supérieur. Cependant, elles peuvent être difficiles à surveiller, en partie à cause de la taille du lac, ainsi que de leur nature éphémère.

Les citoyens scientifiques sont au premier rang pour observer les proliférations d’algues. Nous encourageons vivement les membres des communautés avoisinantes à signaler les éclosions à leur bureau provincial de l’environnement afin d’approfondir notre compréhension de ce phénomène dans l’un des lacs les plus emblématiques du Canada.

Kirill Shchapov du Groupe des écosystèmes d’eau douce de l’Institut Cawthron a contribué à la rédaction de cet article.

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[1] Url: https://theconversation.com/changement-climatique-des-proliferations-dalgues-observees-pour-la-1ere-fois-dans-le-lac-superieur-240498

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