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Dans le débat Vance-Walz, deux versions opposées de la masculinité [1]

['Karrin Vasanderson']

Date: 2024-10-03 14:19:05+00:00

Peu de gens s’attendaient à ce que la campagne visant à élire la première femme présidente aux États-Unis déclenche un référendum sur la masculinité, et pourtant ce que signifie d’être un homme est devenu un thème majeur des élections, particulièrement prégnant lors du débat entre Tim Walz et J. D. Vance.

Le débat entre les candidats à la vice-présidence, le démocrate Tim Walz et le républicain J. D. Vance, qui s’est tenu le 1er octobre 2024, a mis en scène deux candidats qui avaient non seulement des styles de débat opposés, mais aussi des points de vue divergents sur l’égalité entre les droits des femmes et leur vision de la masculinité.

En tant que spécialiste de la communication politique, j’ai écrit sur la façon dont le genre a façonné la dynamique des débats présidentiels et vice-présidentiels mettant en scène des adversaires de sexe différent. Le débat Walz-Vance de 2024 illustre comment le genre peut devenir central dans un débat entre deux hommes.

La confiance a été un thème important tout au long du débat, révélant une distinction clé entre Walz, Vance et leurs partis politiques respectifs.

Au cours d’une longue discussion sur le droit à l’avortement, Vance a renforcé l’affirmation de son colistier Donald Trump selon laquelle les décisions relatives aux soins de santé reproductive des femmes devraient être prises par les assemblées législatives des États. Vance a ensuite introduit un nouvel argument, suggérant que le Parti républicain devrait s’efforcer de gagner la confiance des femmes en prouvant qu’il peut, d’une manière ou d’une autre, faire en sorte qu’il soit plus acceptable pour les femmes de… ne pas recourir à l’avortement.

Plus tard dans le débat, Vance a déclaré qu’il soutenait « un modèle de soins familiaux qui rend le choix possible », mais l’éventail des choix se référait aux options de garde d’enfants, et non au choix d’avoir ou non des enfants.

Walz, à l’inverse, a insisté sur le fait que les femmes devraient être libres de prendre leurs propres décisions en matière de procréation et de soins aux enfants, et qu’elles devraient pouvoir le faire en toute confiance.

Tout au long du débat, Vance a subtilement suggéré que l’autorité et l’autonomie sont du ressort des hommes, renforçant ainsi la façon dont le patriarcat façonne la stratégie républicaine.

La masculinité en campagne

Les partis républicain et démocrate ont tous deux mis en avant la masculinité dans leurs campagnes pour la Maison Blanche.

Bien que Vance et Walz se soient tous deux présentés comme « des hommes du Midwest », ils ne partagent pas la même vision des choses.

Walz a adopté le surnom de « père de l’Amérique » d’une manière à la fois traditionnelle et novatrice.

Le magazine Esquire a rapporté qu’il a inspiré « des milliers de messages sur les réseaux sociaux » qui « imaginent Walz en train de faire des trucs marrants, à la manière d’un papa fun du Midwest ».

En utilisant le hashtag « BigDadEnergy », les partisans de Walz imaginent que « Tim Walz emmènera votre équipe de ligue junior au Dairy Queen une [chaîne de fast-food, NDLR] même après que vous ayez perdu un match, parce que, bon sang, vous avez fait de votre mieux » et que « Tim Walz a aussi déblayé la neige de votre voiture, puisque vous étiez garé à côté de lui et qu’il avait déjà sorti cette fichue brosse ».

Mais il a également élargi ce stéréotype en renonçant à son statut de patriarche pour devenir le fidèle colistier de Kamala Harris et en prouvant que les chasseurs de faisan et les entraîneurs de football peuvent également défendre les enfants homosexuels et transgenres.

Vance s’est aussi présenté comme un bon père de famille dans son discours à la Convention nationale républicaine de 2024, mais son statut de membre éminent de la « manosphère » – un réseau non officiel de groupes d’hommes réactionnaires prônant la suprématie du patriarcat – donne à sa personnalité un côté viriliste et parfois extrême.

Des groupes politiques indépendants ont également fait de la masculinité l’une des préoccupations centrales de la campagne présidentielle. Le Projet Lincoln – une organisation composée de républicains de différentes gébérations opposés à Donald Trump – a récemment publié une publicité de campagne destinée aux électeurs modérés de l’échiquier politique, qui reprend l’iconographie du cœur de l’Amérique rendue célèbre par la publicité de la campagne de réélection du président Ronald Reagan en 1984, « Morning in America ».

La voix de l’acteur Sam Elliott, un cow-boy habitué du grand écran et à la voix très grave, y interroge les électeurs : « Alors, qu’est-ce que vous attendez, bon sang ? Parce que si c’est à cause des femmes, il est temps de passer à autre chose… Il est temps d’être un homme et de voter pour une femme ».

Le groupe « White Dudes for Harris » a adopté une approche différente du même discours, en publiant une publicité avec un narrateur masculin qui déclare que les hommes « en ont assez d’entendre à quel point nous sommes nuls », mais soutient que « Trump et tous ses copains MAGA (Make America Great Again) aggravent les choses, en criant des absurdités avec leurs stupides chapeaux rouges et en agissant comme s’ils parlaient en notre nom alors que ce n’est pas le cas ».

Le narrateur déclare ensuite que Harris et Walz « parlent réellement à des gens comme nous » et proposent « de vraies solutions qui protègent nos libertés et nous aident à prendre soin des gens qui comptent ». Le spot conclut : En fin de compte, vous êtes responsable. C’est à vous de décider. Mais si quelqu’un vous emmerde à ce sujet, dites-lui que ce ne sont pas ses affaires », reprenant l’une des punchlines les plus populaires de Walz.

Le débat a mis en concurrence directe les visions de la masculinité de Walz et de Vance, alors qu’ils s’adressaient aux électeurs.

Des stratégies différentes

Avant le débat, le journaliste politique du Washington Post Ashley Parker s’est demandé si Walz, « qui porte de la flanelle, nettoie les caniveaux et entraîne les joueurs de football », serait plus à l’aise devant une « foule amicale » qu’en face d’un adversaire qui ne cesse de s’en prendre à lui.

Vance, à l’inverse, a adopté le rôle traditionnel de « chien d’attaque » du candidat à la vice-présidence. » Il fait campagne en « empruntant le mode d’emploi de son patron, qui consiste à se battre ouvertement avec les médias et à ne rarement, voire jamais, s’excuser pour ce qu’il dit », comme le rapporte Vivian Salama du Wall Street Journal.

Mais Vance a adopté une approche différente au cours du débat, enchaînant des affirmations confiantes mais cordiales tout en convenant avec magnanimité que lui et Walz partageaient de bonnes intentions à l’égard du peuple américain.

Il s’est montré moins magnanime lorsqu’il s’est adressé aux femmes ou qu’il a parlé d’elles.

Vingt-huit minutes après le début du débat, le micro de Vance a été coupé après qu’il ait expliqué la loi sur l’immigration à la modératrice Margaret Brennan.

Brennan corrigeait l’affirmation de Vance selon laquelle l’immigration illégale nuisait aux citoyens de Springfield, dans l’Ohio, en notant que l’afflux de migrants haïtiens à Springfield était le fruit de l’immigration légale.

Après que Vance ait continué à parler au-delà du temps qui lui était imparti, les producteurs ont coupé son micro. Fait révélateur, Vance a violé les règles du débat lorsqu’une femme modératrice l’a corrigé.

Vance a également indiqué, à plusieurs reprises, que l’on pouvait faire confiance à Walz, mais pas à Kamala Harris.

Il n’est évidemment pas inhabituel pour un candidat à la vice-présidence d’attaquer le ticket adverse. Traditionnellement, c’est la priorité d’un candidat à la vice-présidence lors du débat des vice-présidents.

Mais Vance a pris soin de s’en remettre à son homologue blanc et masculin et d’insister sur le fait que la femme noire à la tête du parti démocrate constituait le véritable problème.

Par exemple, en réponse à une question sur les prix du logement, Walz a affirmé que les immigrés ne devaient pas être tenus pour responsables de l’augmentation des coûts du logement, en réponse à une affirmation de Vance sur le logement à Springfield, Ohio.

Plutôt que de s’opposer à la vérification des faits de Walz – comme il l’avait fait pour M. Brennan plus tôt dans le débat – Vance a déclaré : « Tim vient de dire quelque chose avec lequel je suis d’accord. Nous ne voulons pas blâmer les immigrés pour la hausse des prix du logement, mais nous voulons blâmer Kamala Harris pour avoir laissé entrer des millions d’étrangers illégaux dans ce pays, ce qui augmente les coûts, Tim ».

Vance a fait mine d’être d’accord avec son adversaire blanc tout en redoublant de critiques à l’égard des immigrés et de la femme noire qui se présente à l’élection présidentielle.

Il s’agit d’une stratégie subtile, mais qui pourrait s’avérer efficace auprès des électeurs qui ont réagi positivement à l’énergie de « Big Dad » de Walz, mais qui, consciemment ou non, sont sceptiques à l’idée de voter pour une candidate noire.

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[1] Url: https://theconversation.com/dans-le-debat-vance-walz-deux-versions-opposees-de-la-masculinite-240491

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