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Les étirements augmentent votre tolérance à la douleur
By: ['Hugo Massé-Alarie']
Date: 2021-05-04 15:57:26+00:00
S’étirer ou pas ? Avant ou après l’exercice ? Pour prévenir ou guérir les blessures ? La question des étirements est toujours un sujet chaud. Efficaces pour améliorer la flexibilité, leur utilité pour réduire la douleur est cependant remise en question.
Le mal de dos (ou lombalgie) est une des conditions de santé les plus présentes dans notre société. Il est estimé que jusqu’à 80 % de la population pourrait en souffrir au moins une fois dans sa vie. Aussi, il est fréquent que la condition de plusieurs personnes qui en souffrent ne s’améliore pas à la suite des traitements. Qu’est-ce qui fait que ces traitements fonctionnent ou non ? Lorsque nous pourrons répondre à cette question, nous améliorerons la qualité de vie de millions de personnes.
Des exercices, comme les étirements, sont souvent prescrits par les professionnels de la santé, comme les physiothérapeutes, pour diminuer la douleur. Il a été longtemps admis que les étirements procurent un soulagement par une augmentation de l’amplitude du mouvement et une diminution du tonus musculaire, qui mèneraient éventuellement à une diminution de la douleur.
Par contre, il est rare que ce soulagement perçu soit directement associé à la diminution de la douleur. Une récente étude a montré que l’augmentation de la flexibilité était en fait associée à une augmentation de la tolérance à la douleur lors de l’étirement. Donc, il est possible que les étirements aient un impact direct sur la perception de la douleur, plutôt que par l’entremise d’une augmentation de flexibilité, en partie, grâce à une activation de régions de notre système nerveux central qui modulent la douleur.
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Professeur au programme de physiothérapie de l’Université Laval et chercheur au Cirris, je viens de publier avec des étudiants de l’Université Laval et McGill, un article sur l’effet des étirements sur la sensibilité à la douleur : « Stretch-induced hypoalgesia : a pilot study » dans le journal scientifique Scandinavian Journal of Pain.
Nous avons recruté 22 adultes en santé qui ne souffraient pas de maux de dos. Chaque participant devait réaliser un étirement de la région lombaire (bas du dos) suivi d’un étirement des muscles de l’avant-bras. Chaque étirement devait être maintenu de façon prolongée pendant trois minutes et produire une sensation modérée d’étirement.
L’étirement produit une hypoalgésie
Avant et après chacun des exercices, nous avons mesuré un seuil de sensibilité à la douleur pour un muscle du bas du dos (érecteurs du rachis lombaire) et un muscle de l’avant-bras (fléchisseurs du poignet) à l’aide d’un algomètre.
Un algomètre est un instrument de mesure muni d’un capteur qui permet de mesurer la pression nécessaire pour produire une douleur que l’on nomme le seuil de douleur. De cette façon, il est possible de mesurer la modulation de la sensibilité à la douleur, c’est-à-dire, le changement du seuil de douleur à la suite de l’étirement.
Cette modulation était calculée pour chaque étirement sur la zone étirée et sur une zone à distance des muscles étirés. Un changement enregistré dans une zone à distance de l’étirement suggère une activation des régions du système nerveux central impliquées dans le contrôle de la douleur, donc un effet systémique de l’étirement.
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Nous avons observé que les deux étirements produisaient une hypoalgésie, c’est-à-dire, une augmentation du seuil de sensibilité à la douleur. En d’autres mots, l’expérimentateur devait produire une pression plus grande pour produire de la douleur après que les participants aient réalisé les étirements. Par contre, l’hypoalgésie induite par l’étirement était restreinte à la zone étirée à la suite de l’étirement du poignet, tandis qu’elle était également présente à distance de la zone étirée (c’est-à-dire à l’avant-bras) à la suite de l’étirement du dos.
Un rôle pour le système nerveux central ?
Les étirements ne sont pas les seuls types d’exercices qui produisent une hypoalgésie. Plusieurs études ont démontré que des exercices aérobiques et des exercices impliquant des contractions musculaires maintenues induisaient également une hypoalgésie.
Ces formes d’exercices ont reçu beaucoup plus d’attention par la communauté scientifique que les étirements et certains groupes de chercheurs ont tenté d’en élucider les mécanismes. Par exemple, il a été suggéré que l’hypoalgésie induite par les exercices impliquait une activation et une interaction entre les systèmes opioïdes et endocannabinoïdes.
Ces systèmes nous permettent de contrôler la douleur. Dans une revue de littérature récente, des auteurs ont suggéré que l’hypoalgésie induite par les exercices pourrait s’expliquer par l’effet déplaisant, et même parfois douloureux, des exercices.
En effet, l’activation des nocicepteurs (des capteurs situés dans des structures du corps qui informent le système nerveux central des stimuli dangereux) induit une hypoalgésie par l’activation de systèmes qui modulent la douleur (dont les opioïdes). Par exemple, lorsque l’on maintient la main dans un sceau rempli d’eau froide, une douleur intense est produite et une hypoalgésie systémique est induite. Il est possible que des mécanismes similaires puissent expliquer nos résultats étant donné que l’étirement produit également une sensation parfois déplaisante et même douloureuse.
Les effets à distance, donc potentiellement systémiques, étaient présents seulement à la suite de l’étirement du dos. Nous pensons que l’étirement du dos pourrait impliquer l’étirement d’une plus grande masse de structures (muscles, ligaments, tendons, peau) que l’étirement du poignet, et donc produire un effet plus important. Ces hypothèses devront être testées dans de futures études.
Les étirements ne sont pas la panacée
Les bienfaits immédiats ressentis à la suite d’étirement chez les personnes qui ont mal au dos pourraient s’expliquer par l’activation des régions impliquées dans la modulation de la douleur. Cependant, plusieurs personnes qui souffrent de maux de dos chroniques bénéficient moins de l’hypoalgésie habituellement induite par les exercices. Ceci pourrait s’expliquer par des différences dans le fonctionnement de régions du système nerveux central impliquées dans le contrôle de la douleur.
Donc, les étirements du dos pourraient ne pas bénéficier à toutes les personnes qui souffrent de maux de dos. Les maux de dos sévères qui persistent dans le temps sont généralement multifactoriels, donc une prise en charge générale par un professionnel de la santé, comme un physiothérapeute, peut s’avérer nécessaire pour diminuer ou contrôler sa douleur. Les étirements ne sont qu’un des outils de traitement disponible pour améliorer sa condition de santé et non la panacée !
[1] Url:
https://theconversation.com/les-etirements-augmentent-votre-tolerance-a-la-douleur-158479