PARTIE I : CITOYENNETE
COMMUNE ET
DIVERSITE
1.1 L'identite canadienne : des valeurs
communes
1.2 Droits conferes par la citoyennete
selon la Charte
1.3 Reconnaissance du caractere
distinct du Quebec
1.4 Les premiers habitants du Canada
1.5 Affirmation de l'identite
canadienne dans la Constitution
Propositions
Annexes
PARTIE II : DES INSTITUTIONS
RECEPTIVES AU
SERVICE D'UN
CANADA MODERNE
2.1 Reforme de la Chambre des
communes
2.2 Reforme du Senat
2.3 La Cour supreme du Canada
2.4 La formule de modification de la
Constitution
Propositions
PARTIE III : PREPARER UN
AVENIR PLUS
PROSPERE
3.1 Une union economique plus
etroite
L'amelioration du commerce
et de la mobilite au Canada
Le renforcement de l'union
economique
L'harmonisation des
politiques economiques
3.2 Mieux servir les Canadiens
1. La formation de la main-
d'oeuvre
2. L'immigration
3. La culture
4. La radiodiffusion
5. Le pouvoir residuel du
gouvernement federal
6. Le pouvoir declaratoire du
gouvernement federal
7. Reconnaissance des spheres
de competences provinciale
8. Rationalisation des services
gouvernementaux
Delegation de
responsabilites
administratives
Delegation de
responsabilites
legislatives
Candidats a la
rationalisation
3.3 Le pouvoir de depenser du federal
3.4 Travailler ensemble
Propositions
CONCLUSION : COMMENT
PARVENIR AU BUT
ANNEXE I : LISTE DES PROPOSITIONS
Avant-propos
Fiers de la terre de leurs aoeux, attaches a leurs valeurs
communes, les Canadiens tiennent aussi a leur citoyennete et aux
avantages qu'ils en tirent. Mais ils sont maintenant en quete de
nouveaux arrangements qui formeraient un projet de pays. En fait,
nous voulons tous des changements, pourvu que soit preserve ce qui
rend ce pays si attachant, et renforcee sa capacite de faire face aux
exigences d'un nouveau monde assailli par la concurrence.
Durant l'annee qui vient de s'ecouler, le gouvernement du
Canada a elabore des propositions qui serviront a reviser les regles de
la vie politique du pays. Plusieurs de ces regles se trouvent dans la
Constitution. Pour les changer, il faudra donc apporter a celle-ci des
modifications formelles. Mais le present document fait aussi des
propositions qui n'exigent pas de changement a la Constitution.
Ces propositions visent a circonscrire le dialogue. C'est une
invitation lancee aux Canadiens et aux Canadiennes de participer a un
veritable renouveau politique. L'objectif est evidemment d'edifier un
pays meilleur et plus fort qui reflete nos valeurs et permette
d'atteindre nos buts communs dans le respect de notre diversite. Les
propositions tendent a mettre en relief certaines realites fondamentales
et une idee generale pour orienter le debat. Mais le gouvernement
accueillera toute suggestion propre a ameliorer ces propositions.
Un Comite mixte special de la Chambre des communes et du
Senat a ete mis sur pied afin de permettre aux citoyens de participer
au processus de renouvellement. L'entreprise ne peut que profiter
d'une large participation. Des commissions parlementaires et des
groupes de travail sont aussi a l'oeuvre dans les provinces. De
nombreuses initiatives privees sont d'autre part en cours de
realisation. Le gouvernement, en preparant ses propositions, a deja
beneficie d'un certain apport de la population, notamment les
suggestions que des milliers de Canadiens ont adressees au Forum des
citoyens sur l'avenir du Canada. Le gouvernement souhaite vivement
que les Canadiens examinent avec attention ces propositions et fassent
connaitre leurs reactions et leurs opinions. Durant les cinq prochains
mois, ils auront acces a une tribune exceptionnelle pour le faire.
Quand le pays aura dit ce qu'il en pense, le gouvernement ira
resolument de l'avant afin de mettre en oeuvre les changements
necessaires pour consolider la federation et preparer un avenir
prospere.
Introduction
Batir ensemble l'avenir du
Canada
Le Canada d'aujourd'hui est une terre de liberte, de tolerance et
de compassion.
Notre histoire foisonne de realisations qui remontent a des
milliers d'annees, quand les autochtones, premieres societes
organisees en Amerique du Nord, occupaient deja le territoire. Il y a
pres de cinq siecles, les Europeens y debarquent, suivis de gens
venant de toutes les parties du monde. Ils s'y installent et parsement
le continent de leurs colonies. Et le pays qu'ils ont bati a grandi. Tant
et si bien que le Canada se distingue par la qualite de ses regimes de
services sociaux et de soins de sante. Sa reputation de leader du
maintien de la paix dans le monde lui vaut le respect et l'amitie des
peuples. Son economie est l'une des plus prosperes au monde. Sa
croissance lui a fait joindre le cercle des sept principaux pays
industrialises. La beaute de son immense territoire constitue un riche
patrimoine dont la garde nous a ete confiee pour les generations a
venir.
Il faut dire que les Peres de la Confederation voyaient grand. En
1867, George-Etienne Cartier exprimait, en effet, sa vision du pays en
ces termes :
J'espere que ce grand projet de confederation, realise dans
les meilleures conditions, produira des resultats aussi
satisfaisants que durables. Nous avons scelle notre pacte
federal sans effusion de sang et sans qu'il y ait exploitation
du faible par le fort. Il a seulement fallu de l'equite et de la
justice et certains compromis de part et d'autre.
J'espere que s'il faut un jour le modifier, ce ne sera pas pour
restreindre les principes d'equite sur lesquels il est fonde,
mais pour les etendre encore davantage...
Les architectes du Canada en 1867 avaient compris que le
federalisme etait la seule voie qui nous permettrait de construire ce
pays. Ils y ont vu le meilleur moyen d'allier des elements
d'autonomie gouvernementale et de partage de pouvoirs, de sorte que
des collectivites differentes puissent vivre et se gouverner en commun
sans perdre leur identite. Car non seulement le federalisme laisse-t-il
assez de latitude aux regions et aux provinces pour prendre des
decisions dans leurs propres domaines, mais il leur permet aussi de
realiser des objectifs communs dans d'autres domaines. Voila
pourquoi le regime federal canadien a su resister et faire preuve de
souplesse en s'adaptant a l'evolution de nos besoins depuis la
Confederation.
Mais le Canada de cette fin du XXe siecle ne ressemble plus
guere au dominion britannique de 1867, ni par le territoire qu'il
occupe, ni par sa population, ni par son economie, ni par sa culture.
Inchanges a certains egards, ses institutions politiques et son regime
federal ont par ailleurs subi de profondes transformations.
La Confederation est en grande partie le fruit d'un pacte politique
entre deux societes : l'une majoritairement anglophone et protestante,
l'autre majoritairement francophone et catholique. La structure
federale de 1867 prenait en compte le droit du Quebec a la difference
au sein de l'union economique et politique canadienne en prevoyant
des dispositions particulieres qui reconnaissaient les traditions
linguistiques, culturelles et judiciaires differentes du Quebec. Le pacte
initial tenait egalement compte des besoins particuliers de la
Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick en matiere de finances et
de transport, et il ouvrait la voie a une nouvelle expansion vers
l'ouest par la colonisation.
Le Canada a connu par la suite de profondes mutations avant de
devenir le pays que nous connaissons aujourd'hui. D'aucuns disent
que le pacte conclu a l'origine n'a pas ete entierement respecte.
D'autres estiment que l'entente n'a pas ete suffisamment mise a jour
pour repondre aux nouveaux besoins. En realite, la teneur de cet
accord politique initial a ete considerablement modifiee au cours des
125 dernieres annees par des changements dans les pratiques
gouvernementales, des interpretations judiciaires et des modifications
apportees a la Constitution. Parmi ces dernieres, celle qui a eu la plus
grande portee est sans contredit la Loi constitutionnelle de 1982 qui
nous a donne la Charte canadienne des droits et libertes.
Plusieurs raisons militent toutefois en faveur d'un nouvel effort
de renouvellement de la Constitution.
Nos concitoyens autochtones deplorent en effet que la
Constitution ne reconnaisse pas adequatement la place toute
particuliere qu'ils occupent au sein de la societe canadienne. Apres
avoir accompli un progres notable grace a la consecration dans la
Constitution de leurs droits ancestraux et les droits issus de traites en
1982, et a une modification couronnee de succes en 1983, les
Canadiens autochtones ont vu leurs frustrations s'accroitre par suite
de l'echec de trois conferences successives des premiers ministres
(1984, 1985, 1987) dont le but etait justement d'inclure dans la
Constitution leur droit a l'autonomie gouvernementale.
Le Canada doit aussi tenir compte du desir maintes fois exprime
par le Quebec d'obtenir la reconnaissance de son caractere distinct, de
meme que la maitrise des domaines qui touchent a cette specificite.
On a fait aux Quebecois la promesse solennelle, faut-il le rappeler,
que s'ils votaient " non " au referendum de 1980 sur la souverainete,
le federalisme serait renouvele. Malheureusement, les modifications
apportees a la Constitution de 1982 ont ete faites sans le
consentement du gouvernement du Quebec et malgre la tres profonde
desapprobation manifestee par les deputes de l'Assemblee nationale.
Et les efforts deployes, lors de l'Accord du lac Meech, pour ramener
le Quebec dans la famille constitutionnelle ont echoue en 1990, faute
d'une ratification par toutes les legislatures de la modification
approuvee par tous les premiers ministres, comme l'exige la formule
de modification de la Constitution. Ces deux evenements suffisent a
expliquer a eux seuls pourquoi tant de Quebecois se sont sentis rejetes
par le reste du Canada.
Par ailleurs de nombreux Canadiens, particulierement dans
l'Ouest, mais aussi dans les provinces de l'Atlantique, en Ontario et
dans le Nord, sont de plus en plus mecontents de la facon dont
fonctionne notre regime federal. Ils reclament des institutions
politiques plus sensibles a leurs attentes, plus soucieuses d'integrite
et moins portees a la confrontation. Ils veulent des services
gouvernementaux plus fonctionnels qui reduisent au minimum les
chevauchements. Les Canadiens de toutes les regions du pays
reclament un systeme de gouvernement qui soit davantage a l'ecoute
des aspirations du pays et qui sache y repondre.
Ces pressions de l'interieur s'accompagnent de nouvelles
pressions de l'exterieur. Les forces de la globalisation mondiale ont
des consequences sur la souverainete des Etats et tendent a augmenter
leur interdependance. Meme les plus grands Etats semblent desormais
trop petits pour affronter seuls les problemes nombreux que posent
l'economie, la securite et l'environnement. Mais, parallelement, on
constate un mouvement mondial en faveur de la decentralisation des
prises de decisions politiques. Et, comme bien d'autres pays, le
Canada est tiraille entre ces deux tendances.
Le Canada doit malgre cela trouver la volonte de relever avec
ingeniosite les defis economiques du siecle prochain. C'est a cette
condition que sera preservee la prosperite du pays et qu'il sera
possible d'assurer un niveau de vie eleve aux generations futures. Car
pour arriver a reduire les disparites regionales, et demeurer fideles a
l'un des grands principes sur lesquels s'appuyait le pacte confederatif,
nous devons etre prets a oeuvrer ensemble, dans un climat d'harmonie
et d'efficacite. Nous devons avoir une union economique moderne et
vraiment fonctionnelle.
Le defi majeur des Canadiens consiste donc a construire une
meilleure federation prete a entrer dans le XXIe siecle, une federation
qui exprime et reflete a la fois la prodigieuse diversite du Canada :
terre des premiers habitants du continent et lieu de rencontre de
nombreux autres peuples venus d'ailleurs, patrie des deux grandes
majorites linguistiques, terre de regions diverses, societe libre et
democratique, terre d'egalite respectueuse des differences, union
economique puissante, communaute soucieuse de l'egalite des chances
et de la securite economique de ses citoyens, et partenaire respecte sur
la scene internationale.
Le federalisme est le seul regime politique qui saura respecter les
caracteristiques de ce pays, telles que l'histoire les a inscrites dans
notre conscience collective. Il offre de nombreux avantages sur les
autres formes d'union ou d'association politique, et dans un pays
aussi etendu et respectueux des nombreuses differences qui font sa
richesse, il fait echec a la centralisation excessive, propre aux regimes
unitaires. En revanche, une association d'Etats aux liens plus laches
ne serait pas assez efficace pour gerer le bien commun du pays et
assurer une redistribution equitable des richesses entre les regions.
A bien des egards, le defi d'aujourd'hui rappelle celui de 1867.
Il faut s'assurer que la federation puisse rassembler les Canadiens
dans la realisation d'objectifs communs, sans pour cela restreindre
l'authentique diversite du pays. Plus que jamais il nous est demande
de concilier efficacement notre besoin d'unite et notre respect de la
diversite.
Les Canadiens ont reussi a batir ensemble un pays qui compte
parmi les grandes reussites de notre epoque. Malgre ses faiblesses, le
Canada possede de grandes forces. Certes, nous pouvons le modifier
et meme au besoin redefinir en profondeur notre regime federal. Mais
nous devons preserver, pour nous et nos enfants, ce que ce pays a de
grand.
Nous en sommes maintenant a la ronde Canada. Nous devons
completer le processus amorce en 1982 en modernisant notre
Constitution et nous preparer a aborder le XXIe siecle en nous dotant
d'un systeme gouvernemental qui sache repondre aux aspirations de
tous les Canadiens. Les bases sont deja la. Ensemble nous pouvons
construire un pays a la hauteur de nos aspirations.
Partie I
Citoyennete commune et
diversite
Le Canada a ete l'inspiration de mon existence. Je me suis
laisse guider par une politique de veritable canadianisme, de
moderation et de conciliation. Je m'y suis constamment
conforme depuis 1896 et c'est avec confiance que j'invite le
peuple canadien tout entier a me soutenir dans l'application
de cette politique de canadianisme sense qui fait la grandeur
de notre pays...
Sir Wilfrid Laurier, 1911
La citoyennete canadienne, c'est un lien emotif, le sentiment de
partager certaines valeurs et certains engagements. Une citoyennete
commune, c'est l'expression meme de l'appartenance a un meme
pays.
Il n'est pas necessaire pour autant que les Canadiens soient tous
coules dans le meme moule. Liee a des valeurs communes, la
citoyennete n'exclut pas le respect des diversites qui nous
enrichissent. Bon nombre de Canadiens s'attachent a leur collectivite,
a leur langue, a leur region, a leur communaute autochtone, a leur
culture distinctive, a leurs racines ethniques. C'est les cas des
Quebecois qui se reclament de leur societe distincte. D'autres
Canadiens preferent se distinguer d'apres leur sexe, leur occupation,
leur religion ou leurs convictions politiques. Mais tous partagent une
meme appartenance a un grand pays, et une meme fierte d'etre
Canadiens.
Le Canada est en effet un pays oy l'on croit a la liberte, a la
dignite et au respect, a l'egalite et au traitement equitable et a la
possibilite pour chaque citoyen de participer a la vie collective. C'est
aussi un pays qui se preoccupe de ceux qui sont desavantages, un
pays qui prefere regler pacifiquement les differends. Meme s'il nous
arrive de perdre de vue cette facon de vivre, cela ne nous empeche
pas, en tant que Canadiens et d'un ocean a l'autre, d'avoir des valeurs
essentielles en commun. Au fil des ans, ces valeurs ont ete enoncees
de bien des facons et en bien des endroits. Et il y a deja 30 ans que
la Declaration canadienne des droits est venue en consacrer plusieurs,
notamment en ce qui a trait a la dignite, a la liberte et au respect de
la personne.
1.1 L'identite canadienne : des valeurs communes
Durant l'annee qui vient de s'ecouler, les Canadiens ont profite
des occasions que leur offraient le Forum des citoyens sur l'avenir du
Canada, les diverses commissions provinciales et de nombreux
sondages prives pour exprimer leur point de vue sur l'identite
canadienne. La plupart des intervenants ont exprime une volonte
claire de changement, ainsi que leurs frustrations et leur impatience
a l'egard du statu quo.
Nombreux sont ceux qui, au cours de leurs temoignages aux
audiences du Forum des citoyens, ont manifeste leur attachement a
une identite canadienne qui nous distingue des citoyens des autres
pays. Ils disent avoir le sentiment profond de partager un ensemble
de valeurs avec tous les Canadiens : ils croient que l'egalite et
l'equite doivent etre les principes directeurs de notre societe et ils
croient a la consultation et au dialogue pacifique, a l'importance de
la conciliation et de la tolerance, au respect de la diversite, a la
necessite de faire preuve de compassion et de generosite, a la valeur
de la beaute naturelle du Canada et a l'importance d'une conscience
collective qui nous pousse a contribuer a la paix et au developpement
dans le monde.
Les Canadiens nous ont dit qu'ils tiennent a leur citoyennete.
Pour plusieurs nouveaux venus en ce pays, le Canada a ete, comme
pour les premiers explorateurs et pionniers de ce pays, une terre de
liberte personnelle, de victoire sur les privations et la faim. Ces
nouveaux venus ont fui de vieilles oppressions et se sont mis a la
recherche de nouvelles possibilites. Et ils ont decouvert que le Canada
offre assez d'espace pour que tous puissent respirer a l'aise.
Il est vrai que l'avenement de ce pays n'a pas eu lieu sans
douleur et sans souffrance. Les autochtones, en particulier, ont paye
cherement la recherche de liberte des autres peuples. Le Canada n'a
pas toujours ete accueillant pour les etrangers et nombreux sont ceux
qui n'ont jamais pu profiter des avantages de la citoyennete. Malgre
ces lacunes, que nous ne faisons que commencer a reconnaitre et a
essayer de corriger, notre pays demeure un symbole de liberte dans
son sens le plus large. Et ils sont nombreux dans le monde a souhaiter
ardemment venir s'etablir ici et partager avec nous ce que nous avons
bati. Car dans bien des pays, des gens risquent encore leur vie et
sacrifient leur securite pour jouir des libertes que les generations
precedentes nous ont leguees en ce pays.
Mais par dela l'absence de toute oppression, la citoyennete
signifie egalement le droit de participer a la vie du pays. Et nos droits
democratiques sont si importants pour nous que nous devons
continuellement chercher a les etendre et a les ameliorer. Meme au
Canada, les droits democratiques des femmes, des autochtones et de
certains groupes ethniques n'ont ete assures qu'apres une longue lutte.
Nous devons demeurer vigilants et avoir a coeur d'ameliorer notre
democratie et de veiller a ce que tous les membres de la societe
puissent participer a la vie de ses institutions.
Depuis sa creation, qu'il s'agisse de democratie, de liberte ou des
regles de droit, le Canada s'est en fait dote progressivement d'une
facon unique de se gouverner et de nouer des relations entre le
citoyen et l'Etat. Que ce soit par ingeniosite ou par necessite, les
architectes du Canada ont etabli un cadre qui nous a permis de batir
un pays qui a su reconcilier de facon typiquement canadienne les
valeurs universelles, de liberte, d'egalite, de compassion et d'entraide
communautaire.
1.2 Droits conferes par la citoyennete selon la Charte
En 1982, la protection des droits fondamentaux des Canadiens a
pris un tournant important grace a l'insertion de la Charte canadienne
des droits et libertes dans la Constitution. Depuis ce temps, nos
libertes fondamentales ne sont plus seulement enoncees dans des
conventions et des lois qui peuvent etre modifiees par le Parlement ou
par les assemblees legislatives. Elles sont maitenant inscrites dans la
Constitution. Et la Charte prescrit que les lois ne peuvent restreindre
les libertes que dans des limites raisonnables. Ce qui veut dire que les
droits et libertes de la personne ne sont limites que par la necessite
pour tous de jouir des memes droits et libertes.
La Charte contient diverses mesures de protection de l'egalite qui
repondent aux aspirations des Canadiens.
Selon la Cour supreme, le but des droits a l'egalite est de
remedier a la discrimination contre les groupes qui sont desavantages
sur les plans social, politique ou juridique, ou d'empecher cette meme
discrimination. Au pays, de nombreux groupes ont du ou doivent
encore surmonter de formidables obstacles pour faire partie de notre
societe et etre acceptes pour ce qu'ils sont. Ceux qui souffrent d'un
handicap physique ou mental, les peuples autochtones, les minorites
visibles, les groupes minoritaires de l'une des langues officielles et
certains autres doivent relever des defis que le reste de la societe ne
comprend pas toujours. Le but de l'egalite n'est pas d'en arriver a un
traitement egal pour tous. Les droits a l'egalite visent plutot l'egalite
des chances pour les personnes ou les groupes desavantages en
debarrassant les lois de leurs distinctions discriminatoires. En fait, la
Cour supreme a declare que la reconnaissance des differences est
l'essence meme de la vraie egalite.
Dans l'histoire de notre pays, il n'a jamais ete suffisant de ne
proteger que les droits universels des individus. Ici, la Constitution et
les lois protegent aussi les droits accordes aux personnes en tant que
membres de certaines collectivites. Cette conciliation des deux genres
de droits donne a notre Constitution un caractere unique et une valeur
typiquement canadienne : celle d'une egalite qui admet les
differences. L'existence des droits collectifs et des droits individuels
dans une meme constitution, la notre, est en effet au coeur meme du
projet canadien.
Le gouvernement du Canada reaffirme categoriquement son
adhesion aux droits garantis par la Charte. Et comme la Charte ne
garantit pas le droit a la propriete, le gouvernement du Canada est
d'avis qu'il faut modifier la Charte canadienne des droits et libertes
pour qu'elle garantisse ce droit.
La Charte reconnait que les droits et libertes qu'elle garantit sont
soumis a des limites raisonnables correspondant aux valeurs d'une
societe libre et democratique. Car il faut parfois limiter les droits
d'une personne s'ils entrent en conflit avec les droits et les interets
d'autres personnes ou de la collectivite dans son ensemble. La liberte
d'expression, par exemple, ne va pas jusqu'a justifier la diffamation
ou la propagande haineuse, et nos tribunaux sont appeles a jouer un
role crucial dans l'etablissement de ce genre d'equilibre.
Une autre limitation decoule du recours a une clause derogatoire
incluse dans la Constitution en 1982 au moment oy la Charte
canadienne des droits et libertes y a ete inscrite. Cette clause
derogatoire est communement appelee " clause nonobstant " (l'article
33). Elle permet aux legislatures federale et provinciales de supprimer
certaines dispositions de la Charte moyennant une loi ordinaire
adoptee a majorite simple par leur assemblee legislative. Cette
derogation reste en vigueur pendant cinq ans, au terme desquels elle
expire ou doit etre renouvelee par l'assemblee legislative en question.
Cette clause est vivement contestee. Ses adversaires affirment
qu'elle dilue la garantie des droits inscrits dans la Charte, le
Parlement et les assemblees legislatives pouvant se soustraire a la
portee de nombre de ces droits (mais pas tous) quand ils le jugent
necessaire. L'argument contraire, avance par ceux qui ont insiste pour
que cette disposition soit incluse dans la Charte lors de son adoption
en 1982, soutient qu'il est entierement indique que ce soient nos
representants elus, plutot que des juges, qui soient les arbitres
supremes des politiques de l'Etat et des besoins de la societe. La
clause derogatoire fut donc le resultat d'un compromis politique. Si
elle n'existait pas, les juges nommes a la Cour supreme du Canada
pourraient determiner non seulement la portee de tous les droits, mais
aussi les limites pouvant s'appliquer aux politiques de l'Etat.
Tout bien considere, une clause derogatoire demeurera, mais le
gouvernement du Canada est d'avis que le recours a cette disposition
devrait etre regi par des conditions plus strictes. Il propose donc que
le pourcentage des votes requis pour invoquer la clause derogatoire
de la Charte soit hausse d'une majorite simple a 60 pour 100 des
membres de l'assemblee legislative ou du Parlement du Canada.
1.3 Reconnaissance du caractere distinct du Quebec
J'ai toujours soutenu que si nous pouvions nous
entendre pour avoir un seul gouvernement et un seul
parlement, qui legifererait pour l'ensemble de ces
populations, ce serait la le meilleur regime de
gouvernement que nous puissions adopter. Mais, ... nous
nous sommes rendu compte que c'etait impossible ... le
peuple du Bas-Canada ne l'accepterait pas ... (ayant) une
langue, une nationalite et une religion differentes de
celles de la majorite ... on a constate que toute
proposition susceptible de se traduire par l'absorption de
l'individualite du Bas-Canada ... serait mal recue par sa
population. Nous avons donc ete forces de conclure
qu'il nous fallait concevoir un systeme d'union politique
dans lequel les differentes organisations provinciales
seraient preservees dans une certaine mesure.
Sir John A. Macdonald, 1865
Reconnaitre le caractere distinct de la societe quebecoise, c'est
reconnaitre une realite politique et sociologique. En fait, le Parlement
britannique a rompu avec la politique qu'il appliquait a toutes ses
autres colonies et a accorde au Quebec, par l'Acte de Quebec de
1774, le droit de conserver sa langue, sa religion, son droit civil, son
regime seigneurial, bref sa facon de vivre a la francaise, et de former
ainsi une societe distincte au sein du Canada. Cette societe distincte
existe depuis plus de 200 ans.
Cette reconnaissance du caractere distinct de la societe
quebecoise, fruit du realisme politique de la Grande-Bretagne, ne s'est
pas faite sans heurts. En 1867, place devant l'evidence que le Haut et
le Bas-Canada ne pouvaient etre unis legislativement, et suite a
l'echec du plan irreflechi visant a assimiler les Canadiens francais
sous l'Acte d'Union de 1840, le pays a opte pour un compromis
ingenieux : l'adoption d'un systeme federal destine a reconcilier d'une
part le droit a la difference des provinces (particulierement du
Quebec) et d'autre part, les mises en commun necessaires a
l'edification d'une union economique et d'un pays transcontinental,
dynamique et distinct des Etats-Unis.
Pour y arriver, il fut decide lors de la Confederation de remettre
en vigueur des articles importants de l'Acte de Quebec et de donner
au Quebec le pouvoir d'assurer la preservation et la promotion de sa
langue et de sa culture au sein de la nouvelle federation.
Depuis 1867, le Canada a toutefois change. Les identites
regionales se sont multipliees et renforcees et les immigrants de
partout dans le monde ont donne plus de vigueur au caractere
multiculturel du pays, tant au Quebec qu'a l'exterieur de la province.
Tout en proclamant son ouverture aux forces de la mondialisation
et en reaffirmant sa volonte de garantir dans la Constitution les droits
de sa communaute anglophone et de ses minorites ethniques, le
Quebec demande de moderniser la Constitution afin qu'elle reflete les
realites actuelles, tout en respectant le pacte initial de la
Confederation.
Le Quebec demande que la Constitution tienne compte du
caractere distinct de la province a titre de seule societe
majoritairement de langue et de culture francaises au Canada et en
Amerique du Nord.
La Charte canadienne des droits et libertes contient deja plusieurs
dispositions, notamment l'article 25 touchant les autochtones et
l'article 27 concernant notre patrimoine multiculturel, qui
reconnaissent l'importance de composantes particulieres de la societe
canadienne. Ces articles sont destines a servir de guides pour
l'interpretation de la portee et des limites des dispositions de la
Charte. Il est anormal que la Charte ne contienne actuellement rien de
semblable concernant le Quebec malgre son caractere distinct.
Le gouvernement du Canada propose donc que la Charte
canadienne des droits et libertes soit interpretee d'une maniere
compatible avec la preservation et la promotion au Quebec d'une
societe francophone dynamique qui protege la qualite et l'influence
du francais en tant qu'expression de sa culture et comme langue
principale de travail, d'enseignement, de communication, du
commerce et des affaires dans cette province. Et la definition qu'il
propose de la societe distincte a pour but de faire ressortir les
elements evidents du caractere distinct du Quebec.
En outre, reconnaissant que la dualite linguistique constitue une
caracteristique fondamentale du Canada, le gouvernement du Canada
est d'avis que toute interpretation de la Charte devrait aussi concorder
avec la preservation de l'existence des Canadiens d'expression
francaise et des Canadiens d'expression anglaise a l'echelle du pays,
les premiers majoritaires au Quebec et les seconds majoritaires a
l'exterieur du Quebec.
1.4 Les premiers habitants du Canada
Longtemps avant l'arrivee des Europeens, le territoire qui forme
aujourd'hui le Canada etait occupe par les peuples autochtones, dont
la langue, les traditions et les cultures se sont developpees et
enrichies. Ce role de premier plan qu'ont joue les autochtones dans
l'histoire du Canada constitue un element vital de l'identite
canadienne. De plus en plus, l'echange de points de vue entre
autochtones et non-autochtones est considere comme une source
d'enrichissement qu'il faut savoir apprecier et admirer, et qui doit etre
preservee dans un esprit de respect mutuel.
On se rend maintenant compte, plus que jamais auparavant, de
l'urgence d'assurer aux peuples autochtones du Canada leur place
legitime dans la societe canadienne. Bien que les tentatives destinees
a resoudre les problemes aient abouti a des echecs decevants, des
progres notables ont ete accomplis dans la recherche d'une plus
grande comprehension mutuelle. Nous avons maintenant l'occasion de
regler ces questions et d'etablir solidement les bases du genre
d'avenir auquel aspirent les premiers peuples du Canada.
Comme tous les Canadiens, les autochtones veulent que la
Constitution reflete leur vision du Canada et definisse la place qui
leur revient dans la federation canadienne. L'actuelle reforme
constitutionnelle vise a creer des conditions qui aideront les
collectivites autochtones a atteindre leur plein potentiel au sein du
Canada.
Les autochtones doivent prendre part au processus
L'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 enonce le
principe suivant : les gouvernements doivent faire participer les
peuples autochtones aux discussions relatives aux modifications
constitutionnelles qui les concernent directement. Le debat
constitutionnel qui s'amorce traitera de questions qui concernent
directement les peuples autochtones du Canada. En tant que
premiers habitants du Canada, les peuples autochtones doivent
avoir un role a jouer dans le processus constitutionnel qui
determinera l'avenir du pays.
Le droit des peuples autochtones a l'autonomie
gouvernementale devrait etre reconnu dans la Constitution
Les peuples autochtones se gouvernaient deja eux-memes au
moment de leurs premiers contacts avec les Europeens. Toutefois,
leurs pouvoirs a cet egard ont ete considerablement erodes par les
empietements des non-autochtones et par plus d'un siecle de
paternalisme sous le regime de la Loi sur les Indiens. Si on leur
accordait le pouvoir de se gouverner eux-memes a l'interieur de la
federation canadienne, de nombreux instruments et methodes
d'intervention federale qu'on trouve dans la Loi sur les Indiens
deviendraient inutiles. Cela contribuerait largement a maintenir le
caractere distinct et les droits collectifs des peuples autochtones.
Les Inuit, qui vivent dans les regions les plus septentrionales du
pays, consacrent depuis quelque temps beaucoup d'efforts aux
negociations complexes et detaillees qui entourent leurs revendications
territoriales. Ils veulent accroitre leur autonomie politique dans le
systeme gouvernemental et faire inscrire dans la Constitution leur
droit a l'autonomie gouvernementale. Ils voient aussi dans la creation
du territoire de Nunavut un moyen d'atteindre cet objectif.
Les Metis, pour leur part, ont joue un role primordial dans le
developpement de l'Ouest canadien. On les appelle souvent le peuple
oublie du Canada; le gouvernement canadien s'engage a aborder la
question des roles et responsabilites appropries des gouvernements
concernant les Metis.
Les gouvernements provinciaux ont generalement approuve l'idee
de conclure avec les autochtones des arrangements ayant trait a leur
autonomie gouvernementale. La nature et la portee de la
reconnaissance de ce principe dans la Constitution sont toutefois fort
controversees.
Le gouvernement du Canada propose de modifier la Constitution
de maniere a consacrer un droit a l'autonomie gouvernementale
autochtone invocable devant les tribunaux afin de reconnaitre
l'autorite des autochtones sur leurs propres affaires au sein de la
federation canadienne. Comme les tribunaux seront eventuellement
appeles a se prononcer sur cette question, le gouvernement du Canada
propose d'adopter deux mesures importantes qui serviront de cadre a
l'exercice de ce droit.
En premier lieu, il sera important de definir la nature de ce droit
dans des termes qui aideront les tribunaux a donner une interpretation
de l'autonomie gouvernementale compatible avec l'idee que s'en font
les autochtones et les non-autochtones. Par exemple, ce droit
permettrait de tenir compte des situations differentes dans lesquelles
se trouvent les peuples autochtones du Canada et de leurs besoins
particuliers, et il serait exerce dans le cadre constitutionnel canadien
et assujetti a la Charte canadienne des droits et libertes. De
nombreuses lois federales et provinciales d'application generale
resteraient en vigueur.
En second lieu, meme si la nature generale de ce droit etait
definie dans la Constitution, il sera essentiel de s'assurer que chacun
comprenne bien la relation precise entre les gouvernements
autochtones et non autochtones. Pour cette raison, et afin que la
transition s'effectue harmonieusement, le gouvernement du Canada
propose :
-que les gouvernements s'engagent a negocier des ententes
d'autonomie gouvernementale avec les peuples autochtones;
-que l'on tienne regulierement des conferences des premiers
ministres a ce sujet;
-que ce droit ne devienne executoire qu'apres une periode
maximale de 10 ans a partir de la date d'adoption de la
modification;
-que durant cette phase initiale, les negociations se poursuivent
et que les accords conclus recoivent aussitot une protection
constitutionnelle.
Apres la periode de transition, le droit a l'autonomie
gouvernementale pourrait devenir pleinement executoire. En pratique
toutefois, on s'attend a ce que la nature precise et la portee exacte de
l'autorite ainsi conferee aux autochtones soient definies au terme de
negociations avec les communautes autochtones.
Dans le contexte de la federation canadienne, les administrations
gouvernementales autochtones pourraient eventuellement exercer une
combinaison de competences appartenant actuellement aux
administrations federale, provinciales et municipales malgre le fait que
plusieurs lois federales et provinciales de portee generale
continueraient a s'appliquer. Selon les besoins et la situation de
chaque groupe autochtone, la juridiction des gouvernements
autochtones pourrait inclure un grand nombre de champs de
competences dont l'utilisation des terres et des ressources, la langue
et la culture, l'education, les services de police et l'administration de
la justice, la sante, le developpement social et economique et les
infrastructures communautaires.
Un processus constitutionnel concernant les questions
autochtones
Etant donne qu'il ne sera pas possible de regler toutes les
questions liees au dossier autochtone au cours de la periode prevue
pour ce processus, le gouvernement du Canada estime qu'il
conviendrait d'inscrire dans la Constitution l'obligation de mener a
terme, dans des delais raisonnables, un processus constitutionnel
destine aux questions autochtones en suspens. Les ministres et les
leaders autochtones devraient aussi utiliser ce forum pour suivre de
pres les progres accomplis au cours des negociations sur l'autonomie
gouvernementale.
La representation des autochtones au Senat
Certains pays ont pris des dispositions speciales pour que leurs
peuples autochtones soient representes dans leurs assemblees
legislatives. Les peuples autochtones du Canada ont toujours ete sous-
representes dans nos institutions politiques federales. Cette situation
est inacceptable et doit etre corrigee. En consequence, le
gouvernement du Canada propose de garantir la representation des
autochtones dans un Senat reforme.
1.5 Affirmation de l'identite canadienne dans la
Constitution
Une constitution obeit a deux fonctions essentielles. L'une est
juridique, l'autre est symbolique. Elle fixe les regles d'apres
lesquelles un peuple se gouverne. Mais elle ne sera vraiment complete
que si elle fait comprendre aussi le bien-fonde de ces regles, les
valeurs qui les sous-tendent, les grands objectifs et les traits
dominants du peuple auquel s'adresse le document. Les Canadiens
devraient donc pouvoir se reconnaitre dans la constitution du pays oy
ils sont nes ou qu'ils ont choisi.
Ce second element symbolique est particulierement faible dans
la Constitution du Canada. Le preambule de la Loi constitutionnelle
de 1867 mentionne bien que quatre provinces desiraient former
ensemble une federation appelee le Canada, avec un systeme
parlementaire de gouvernement reposant sur les memes principes que
celui du Royaume-Uni. La Charte canadienne des droits et libertes,
qui sert d'introduction a la Loi constitutionnelle de 1982, contient en
preambule une clause affirmant que le Canada " est fonde sur des
principes qui reconnaissent la suprematie de Dieu et la primaute du
droit ". Aucun de ces preambules ne definit reellement qui nous
sommes en tant que peuple et ce a quoi nous aspirons.
Le gouvernement du Canada propose qu'une " clause Canada "
soit incorporee dans la Constitution afin d'y affirmer l'identite et les
aspirations du peuple canadien. Le gouvernement du Canada estime
que cet enonce, qui serait consacre dans l'article 2 de la Loi
constitutionnelle de 1867, devrait inclure les caracteristiques et les
valeurs suivantes :
-une federation dont l'identite se nourrit des caracteristiques
particulieres a chaque province, aux territoires et aux
collectivites;
-l'egalite des femmes et des hommes;
-l'attachement des Canadiens aux principes d'equite,
d'ouverture et de pleine participation de tous les citoyens a la
vie de leur pays, quelles que soient leur race, leur couleur,
leurs croyances, leur condition mentale ou physique ou leur
culture;
-la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des peuples
autochtones comme fait historique et la reconnaissance de leurs
droits au sein du Canada;
-la reconnaissance de la responsabilite des gouvernements de
preserver les deux majorites et minorites linguistiques du
Canada;
-la responsabilite particuliere qui incombe au Quebec de
proteger et de promouvoir sa societe distincte;
-la contribution de peuples d'origines culturelles et ethniques
diverses a l'edification d'un Canada fort;
-l'importance de la tolerance, tant pour les individus que pour
les groupes et les collectivites;
-un engagement a l'egard de l'objectif du developpement
durable compte tenu de l'importance du territoire, de l'air et de
l'eau et de la responsabilite que nous avons de les preserver et
de les proteger pour les generations futures;
-le respect des droits individuels et collectifs tels qu'enonces
dans la Charte canadienne des droits et libertes;
-la libre circulation des personnes, des biens, des services et des
capitaux dans l'ensemble de l'union economique canadienne,
et le principe de l'egalite des chances dans l'ensemble du
Canada;
-l'engagement envers le bien-etre de tous les Canadiens;
-l'attachement a un regime de gouvernement parlementaire
democratique;
-l'equilibre typiquement canadien entre les libertes individuelles
et collectives d'une part et, d'autre part, les responsabilites
individuelles et collectives que nous partageons tous.
Propositions
1. Reaffirmation des droits et libertes des citoyens. Le
gouvernement du Canada reaffirme le principe selon lequel les droits
fondamentaux enonces dans la Charte constituent un element essentiel
de la Constitution canadienne. Le gouvernement du Canada propose
que la Charte canadienne des droits et libertes soit modifiee de
maniere a garantir le droit a la propriete. Le gouvernement du Canada
propose egalement que la proportion de votes necessaire au Parlement
ou a une assemblee legislative provinciale pour invoquer la
disposition derogatoire (article 33) ne soit plus la majorite simple,
mais une majorite de 60 pour 100 des deputes du Parlement ou de
l'assemblee legislative.
2. Reconnaissance du caractere distinct du Quebec et de la
dualite linguistique du Canada. Le gouvernement du Canada propose
que soit insere dans la Charte un article prescrivant que la Charte
canadienne des droits et libertes soit interpretee de facon a respecter
le caractere distinct du Quebec au sein du Canada. L'article se lirait
comme suit :
25.1 (1)Toute interpretation de la Charte doit concorder avec :
a) la protection et la promotion du caractere de societe
distincte du Quebec au sein du Canada;
b) la protection de l'existence de Canadiens d'expression
francaise, majoritaires au Quebec mais presents aussi dans le
reste du pays, et de Canadiens d'expression anglaise,
majoritaires dans le reste du pays mais presents aussi au
Quebec.
(2)Pour l'application du paragraphe (1), une societe distincte
comprend notamment :
a) une majorite d'expression francaise;
b) une culture unique en son genre;
c) une tradition de droit civil.
[Voir des extraits de la Charte a l'annexe a la fin de la Partie I : les
articles 1, 25 (le nouvel article 25.1 y compris), 27, 28 et 31.]
3. Participation des autochtones aux deliberations
constitutionnelles en cours. Le gouvernement du Canada entend
s'assurer que les peuples autochtones participent aux deliberations
constitutionnelles en cours.
4. Autonomie gouvernementale des autochtones. Le
gouvernement du Canada propose de modifier la Constitution de
maniere a consacrer un droit general a l'autonomie gouvernementale
autochtone au sein de la federation canadienne qui serait invocable
devant les tribunaux et sujet a la Charte canadienne des droits et
libertes, la nature de ce droit etant decrite de facon a en faciliter
l'interpretation par les tribunaux. Afin d'aider le gouvernement du
Canada, les gouvernements des provinces et des territoires et les
peuples autochtones a s'entendre sur la teneur de ce droit, il ne
deviendrait executoire qu'apres une periode maximale de 10 ans. Le
Comite mixte special devrait se pencher sur les parametres generaux
du droit qui sera inscrit dans la Constitution ainsi que sur les
competences qu'exerceront les administrations gouvernementales
autochtones.
5. Processus constitutionnel autochtone. Le gouvernement du
Canada propose d'inscrire dans la Constitution un processus
constitutionnel particulier pour le traitement des dossiers autochtones
qui ne seront pas abordes pendant l'actuelle ronde de discussions
constitutionnelles et de suivre de pres les progres accomplis dans les
negociations sur l'autonomie gouvernementale.
6. Representation des peuples autochtones au Senat. Le
gouvernement du Canada propose que la representation des
autochtones soit garantie au sein d'un nouveau Senat.
7. Clause Canada dans la Constitution. Le gouvernement du
Canada propose d'inserer a l'article 2 de la Loi constitutionnelle de
1867, une " clause Canada " enoncant ce que nous sommes en tant
que peuple et ce a quoi nous aspirons. Le gouvernement du Canada
croit que cette clause devrait faire etat des caracteristiques et des
valeurs canadiennes suivantes :
-une federation dont l'identite se nourrit des caracteristiques
particulieres a chaque province, aux territoires et aux
collectivites;
-l'egalite des femmes et des hommes;
-l'attachement des Canadiens aux principes d'equite,
d'ouverture et de pleine participation de tous les citoyens a la
vie de leur pays, quelles que soient leur race, leur couleur,
leurs croyances, leur condition mentale ou physique ou leur
culture;
-la reconnaissance de l'autonomie des peuples autochtones
comme fait historique et la reconnaissance de leurs droits au
sein du Canada;
-la reconnaissance de la responsabilite des gouvernements de
preserver les deux majorites et minorites linguistiques du
Canada;
-la responsabilite fondamentale qui incombe au Quebec de
proteger et de promouvoir sa societe distincte;
-la contribution de peuples d'origines culturelles et ethniques
diverses a l'edification d'un Canada fort;
-l'importance de la tolerance, tant pour les individus que pour
les groupes et les collectivites;
-un engagement a l'egard de l'objectif du developpement
durable compte tenu de l'importance du territoire, de l'air et de
l'eau et de la responsabilite que nous avons de les preserver et
de les proteger pour les generations futures;
-le respect des droits individuels et collectifs tels qu'enonces
dans la Charte canadienne des droits et libertes;
-la libre circulation des personnes, des biens, des services et des
capitaux dans l'ensemble de l'union economique canadienne,
et le principe de l'egalite des chances dans l'ensemble du
Canada;
-l'engagement envers le bien-etre de tous les Canadiens;
-l'attachement a un regime de gouvernement parlementaire
democratique;
-l'equilibre typiquement canadien entre les libertes individuelles
et collectives d'une part et, d'autre part, les responsabilites
individuelles et collectives que nous partageons tous.
Annexe
Reconnaissance du caractere distinct du Quebec
dans la charte
Voici le texte des articles 1, 25, 27, 28 et 31 et l'article 25.1 propose :
1. La Charte canadienne des droits et libertes garantit les droits et libertes
qui y sont enonces, dans des limites raisonnables prescrites par la loi et
dont la justification peut se demontrer dans le cadre d'une societe libre
et democratique.
25.Le fait que la presente Charte garantisse certains droits et certaines
libertes ne devra pas etre interprete de facon a abroger ou a porter
atteinte aux droits ou libertes ancestraux, issus de traites ou autres, des
peuples autochtones du Canada, notamment
a) aux droits et libertes reconnus par la Proclamation royale du 7
octobre 1763;
b) aux droits ou libertes issus d'accords sur des revendications
territoriales ou ceux susceptibles d'etre ainsi acquis. (92)
25.1 (1)Toute interpretation de la Charte doit concorder avec :
a) la protection et la promotion du caractere de societe distincte du
Quebec au sein du Canada;
b) la protection de l'existence de Canadiens d'expression francaise,
majoritaires au Quebec, mais presents aussi dans le reste du pays,
et de Canadiens d'expression anglaise, majoritaires dans le reste
du pays, mais presents aussi au Quebec.
(2)Pour l'application du paragraphe (1), une societe distincte
comprend notamment
a) une majorite d'expression francaise;
b) une culture unique en son genre;
c) une tradition de droit civil.
27.Toute interpretation de la presente Charte doit concorder avec l'objectif
de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine culturel des
Canadiens.
28.Independamment des autres dispositions de la presente Charte, les droits
et libertes qui y sont mentionnes sont garantis egalement aux personnes
des deux sexes.
31.La presente Charte n'elargit pas les competences legislatives de quelque
organisme ou autorite que ce soit.
Partie II
Des institutions receptives au
service d'un Canada moderne
Le Canada doit revigorer ses institutions politiques. Le Forum
des citoyens sur l'avenir du Canada concluait entre autres, dans son
rapport, que les citoyens sont de plus en plus preoccupes par
l'efficacite et la receptivite de ces institutions.
Sans perdre de vue nos traditions parlementaires, le Canada doit
donc ameliorer ses institutions. Non seulement faut-il en assurer le
caractere democratique et l'efficacite, il faut encore qu'elles soient
percues par les Canadiens partout au pays comme vraiment
representatives de la diversite des populations et des opinions du pays.
2.1 Reforme de la Chambre des communes
Beaucoup de Canadiens constatent avec inquietude que notre
systeme parlementaire est entache de parti pris, plus enclin a susciter
la rivalite qu'a rechercher la conciliation. Le caractere irritant des
debats conflictuels a la Chambre des communes, notamment lors de
la periode des questions, porte atteinte a la bienseance parlementaire,
ebranle la confiance du peuple a l'egard des institutions
parlementaires, fait naitre le doute quant a l'aptitude des elus a
s'acquitter comme il convient de leur mission de representation.
L'erosion de la confiance publique envers la gestion des affaires
politiques en a meme conduit quelques-uns a exiger que le pouvoir
legislatif soit soustrait aux deputes et desormais exerce par le recours
aux referendums et aux plebiscites.
Le gouvernement croit que l'electorat canadien est mieux servi
quand les citoyens elisent democratiquement leurs representants a
intervalles reguliers, pour agir en leur nom d'une facon qui temoigne
tout a la fois des interets des electeurs et de l'integrite de la personne
qu'ils elisent. C'est un systeme stable, raisonnable et responsable.
Notre priorite doit etre de reformer la Chambre des communes plutot
que de la contourner.
Bien qu'il s'agisse d'une reforme importante, ce n'est pas,
fondamentalement, une question a traiter dans les discussions
federales-provinciales sur les modifications constitutionnelles. Aussi,
le gouvernement du Canada, avec le concours de tous les partis
representes a la Chambre des communes, examinera les moyens a
prendre pour renforcer les pouvoirs representatifs et legislatifs des
deputes. Les Canadiens s'attendent a ce que leurs deputes puissent se
degager suffisamment de la discipline de parti pour pouvoir
representer les interets de leur circonscription et de leur region et
exercer une influence importante sur la legislation. Le gouvernement
elaborera donc diverses propositions visant a permettre un plus grand
nombre de votes libres.
La modification des conventions relatives aux votes de confiance
serait une reforme tres importante. (Perdre un vote de confiance
entraine la defaite du gouvernement, qui doit remettre sa demission.)
Il est possible d'assouplir de telles conventions et de temperer la
discipline de parti, sans entrainer des consequences graves pour la
responsabilite et l'efficacite du gouvernement. Outre les questions de
fiscalite et de credits, les votes de confiance pourraient etre reserves
a un nombre limite de projets de loi dont l'importance est
fondamentale pour le programme gouvernemental et qui seraient
definis explicitement comme etant des mesures de confiance. Il y
aurait ainsi plus de mesures legislatives faisant l'objet d'un " vote
libre " (au cours duquel un depute pourrait voter de facon a servir au
mieux ses electeurs, sans se soucier de la survie du gouvernement).
Au nombre des autres propositions envisagees, signalons celles-ci:
-reserver davantage de temps et accorder une plus grande
priorite a la Chambre aux projets de loi d'initiative
parlementaire;
-deferer plus tot les projets de loi aux comites parlementaires
apres la premiere lecture et avant leur approbation de principe
en deuxieme lecture afin de donner a ces comites plus de
latitude pour modifier les projets de loi;
-exiger que les vacances a la Chambre des communes soient
comblees dans un delai precis, pour tenir compte du besoin des
electeurs d'etre representes.
Le gouvernement s'efforcera en outre de rechercher les meilleurs
moyens d'ameliorer la transparence et la visibilite de la procedure
parlementaire. Dans les conditions actuelles, c'est au sein de son
groupe parlementaire et au Cabinet qu'un depute accomplit une bonne
partie du travail qu'il fait pour ses commettants. Toute procedure qui
permettrait d'attenuer sensiblement la rigueur de la discipline de parti
et de rendre par consequent plus visible l'action des deputes
contribuerait a redonner confiance aux citoyens et a les rassurer quant
a la capacite d'intervention de leurs representants.
2.2 Reforme du Senat
Dans presque toutes les federations, le Parlement federal est
constitue de deux chambres. La premiere est d'habitude une chambre
elue directement, comme l'est la Chambre des communes du Canada,
dans laquelle la representation est fondee sur la population. La
seconde chambre est concue pour donner un poids particulier aux
vues des regions et des minorites dans les decisions federales. Dans
plusieurs federations, la seconde chambre est aussi elue (suivant des
modalites qui varient), ce qui lui confere une legitimite democratique.
Le Senat du Canada, qui n'est pas electif, est un cas unique
parmi les federations. On reclame depuis longtemps une reforme, ce
qui n'a rien d'etonnant. Ce courant reformiste s'est manifeste plus
fortement ces dernieres annees, l'Ouest et les provinces de
l'Atlantique s'etant plaint que la Chambre des communes est dominee
par le poids electoral des provinces plus peuplees.
Le mouvement en faveur de la reforme du Senat vient d'abord et
avant tout du fait que, pour beaucoup de Canadiens, le processus
decisionnel federal ne tient pas assez compte de la diversite des
regions. Ce mouvement s'est amplifie dernierement, les citoyens etant
de plus en plus mecontents de son caractere non electif. L'idee qu'un
Senat non elu puisse s'opposer a la volonte legislative de la Chambre
des communes elue et le fait que les Canadiens reclament un
gouvernement plus democratique et responsable sont devenus
inconciliables.
Le statu quo, c'est-a-dire la nomination des senateurs par Ottawa,
ne peut etre maintenu. L'abolition du Senat n'est pas non plus une
solution acceptable pour l'instant. Les autres federations qui
fonctionnent bien ont toutes cru bon d'avoir une seconde chambre
representative dans leur Parlement federal. L'abolition ne repondrait
pas aux doleances sans cesse exprimees au sujet de la representation
des regions.
Un Senat elu
Le principe voulant que les senateurs soient elus directement par
la population reflete le large consensus qui s'est degage de toutes les
propositions de reforme du Senat depuis la Loi constitutionnelle de
1982. Aussi, le gouvernement du Canada propose un Senat elu
directement par le peuple, concu a la fois pour assurer une meilleure
representation des regions et une plus grande sensibilite aux besoins
et attentes des citoyens.
Un Senat elu pourrait prendre des formes nombreuses et assez
variees. Dans ce contexte, trois questions intimement liees doivent
etre examinees : a) le mode d'election des membres du Senat, b) la
repartition des sieges du Senat et c) les pouvoirs du Senat.
Le gouvernement du Canada propose que les elections au Senat
cooncident avec les elections a la Chambre des communes. La
dissolution de la Chambre signifierait celle du Senat. Cette mesure
ferait ressortir le caractere federal du Senat, tout en reconnaissant le
fait que la Chambre des communes et le Senat ont un programme
legislatif commun.
a) Mode d'election
Les autres regimes federaux oy la seconde chambre est elue
offrent un grand nombre de moyens de choisir les senateurs, depuis
le systeme dont nous nous servons pour elire les deputes a la
Chambre des communes jusqu'aux systemes de representation
proportionnelle plus complexes. Le Comite mixte special est invite a
examiner divers modes d'election des senateurs en tenant compte des
principes suivants :
-Le mode d'election doit tenir compte de la diversite sociale de
la population canadienne et du fait que la representation
politique des femmes, des populations autochtones et des
groupes ethniques a longtemps ete inadequate.
-Comme l'a suggere la Commission royale sur l'unite
economique et sur les possibilites de developpement au Canada
(la Commission Macdonald), les circonscriptions devraient etre
assez grandes pour assurer une representation proportionnelle,
tout en etant assez nombreuses, dans les provinces plus
etendues, pour en representer les diverses regions.
b) Repartition des sieges du Senat
La representation actuelle des provinces au Senat montre une
logique historique depassee qui n'est plus acceptable : l'Ontario et le
Quebec ont 24 sieges chacun, la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau-
Brunswick 10 chacun, les quatre provinces de l'Ouest et Terre-Neuve
6 chacune, l'Ile du Prince-Edouard 4, et le Yukon et les Territoires du
Nord-Ouest 1 chacun, soit un total de 104 sieges. La repartition laisse
a desirer a bien des egards. L'Alberta et la Colombie-Britannique ont
une representation inferieure a celle du Nouveau-Brunswick et de la
Nouvelle-Ecosse, par exemple, meme si leur population est de trois
a cinq fois plus nombreuse. L'Ontario jouit au Senat d'une
representation par habitant plus grande que l'Alberta ou la Colombie-
Britannique.
Bien que la repartition des sieges du Senat ait ete fondee au
depart sur le principe de la representation egale des trois regions du
Canada au moment de la Confederation (les Maritimes, le Quebec et
l'Ontario) la realite politique est qu'aujourd'hui, ce sont les provinces
et territoires, et non les regions, qui forment la base de notre
sentiment d'appartenance commune et de notre identite.
Les provinces devraient donc remplacer les regions en tant
qu'unites de base de representation au Senat. De plus, il faut revoir
la repartition des sieges du Senat de sorte que les provinces soient
representees de facon plus equitable. Cette repartition est un element
cle; il en a ete question sous une forme ou une autre dans tous les
projets de reforme.
La position de la Fondation de l'Ouest canadien a recu un appui
ferme pour ce qui est de la representation equitable des provinces
dans un Senat elu. Comme elle le declarait en 1981 :
" A des fins politiques, le Canada se subdivise en regions
appelees " provinces ", et il faudrait que l'on tienne compte
de cette realite politique grace a une representation egale de
toutes les provinces au Senat... D'autres regimes federaux
(l'Australie, les Etats-Unis, la Suisse) disposent d'une
chambre haute dont les membres proviennent en nombre egal
de chaque unite constituante, quelles que soient les
differences de population. Ces regimes considerent comme
legitime la dualite de la representation requise en regime
federal : la representation des citoyens dans le processus
legislatif sur la base tant de la population que de la region.
"
D'autres ont rejete la representation egale en raison de tres grands
ecarts de population entre les provinces. Ce point de vue a ete repris
par le Comite mixte special du Senat et de la Chambre des communes
sur la reforme du Senat en 1984 en ces termes :
" Aussi en avons-nous conclu que, tout en assurant une
surrepresentation significative des provinces moins
populeuses et des territoires, nous devions proposer une
repartition mieux adaptee a la realite canadienne que l'egalite
absolue. "
On constate d'ailleurs, a la lecture du communique final de la
Conference des premiers ministres de juin 1990 sur la Constitution,
que les onze gouvernements s'etaient entendus sur une representation
plus equitable au Senat des provinces et territoires moins peuples.
Aussi, le gouvernement du Canada propose que la composition du
Senat assure une representation beaucoup plus equitable des
provinces et des territoires. Il invite le Comite mixte special a
determiner le nombre et la repartition des sieges qui conviendraient
le mieux en vue d'une representation beaucoup plus equitable des
provinces et territoires en tenant compte de ce qui suit :
-la dualite linguistique du Canada;
-le rapport de pres de 1 a 80 entre les provinces au chapitre de
la population;
-le petit nombre de provinces au Canada;
-le besoin d'assurer la representation des autochtones;
-le mode d'election des deputes a la Chambre des communes.
Ce faisant, le Comite voudra peut-etre examiner les formules
utilisees dans d'autres regimes federaux comme l'Allemagne qui
prevoit respectivement trois, quatre et cinq sieges au Bundesrat pour
les Ldnder (version allemande de nos provinces) de petite, moyenne
et grande taille. Il voudra peut-etre aussi examiner les propositions de
la Fondation de l'Ouest canadien concernant une representation egale
et celles de la Commission Macdonald favorisant une representation
equitable.
c) Pouvoirs du Senat
La Chambre des communes devrait demeurer le principal organe
legislatif du Canada. Telle est la base de la position du gouvernement
federal a l'egard des pouvoirs que devrait exercer un nouveau senat.
Le Senat ne devrait donc pas etre habilite a voter ou a refuser la
confiance. Autrement dit, le rejet d'un projet de loi au Senat ne
devrait pas entrainer la demission du gouvernement. Il convient
d'eviter la formule adoptee en Australie, oy les deux chambres
peuvent voter ou refuser la confiance, formule qui s'est traduite par
l'instabilite et une crise constitutionnelle. Cependant, une chambre
haute elue doit jouir de pouvoirs reels pour etre efficace et offrir entre
les regions l'equilibre necessaire aux institutions parlementaires
canadiennes.
Pour cette raison, le gouvernement du Canada croit que, en regle
generale, il faille, pour que des mesures deviennent lois, qu'elles
soient approuvees tant par le Senat que par la Chambre des
communes, comme c'est le cas actuellement.
Pour les questions relatives a la langue et a la culture, le
gouvernement du Canada propose que le Senat soit assujetti a une
regle speciale, celle de la majorite double, pour la tenue des votes.
Cette mesure a ete recommandee par le Comite legislatif de l'Alberta
en 1983 et par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador en
1989.
Cependant, le Senat ne devrait pas pouvoir renverser une
decision de la Chambre des communes relative a une question
d'importance nationale particuliere, par exemple la defense nationale
ou les relations internationales. Dans ces cas, le gouvernement du
Canada propose que le Senat dispose d'un veto suspensif de six mois,
a l'expiration duquel la Chambre des communes devrait adopter de
nouveau la mesure legislative pour qu'elle devienne loi.
Le Senat n'etant pas une chambre dotee d'un vote de confiance,
le gouvernement propose qu'il n'ait aucun role legislatif a l'egard
des projets de lois de credits et des mesures de financement, y
compris les pouvoirs d'emprunt.
En vertu de ces propositions, seule la Chambre des communes
serait une chambre dotee d'un vote de confiance.
Le gouvernement du Canada est d'avis qu'un nouveau senat
devrait pouvoir continuer a mener des enquetes speciales (voir le
rapport du Comite special du Senat sur la pauvrete intitule : " La
pauvrete au Canada " et celui des politiques relatives a l'age de la
retraite, " La retraite sans douleur ") afin de fournir des conseils utiles
au gouvernement sur des dossiers importants. Il y aurait egalement
lieu de permettre aux senateurs de faire partie du Cabinet pour y
assurer une representation adequate des regions.
L'instauration d'un equilibre, tel devrait etre le grand objectif
d'une reforme du Senat. Ce que nous devons viser, c'est la creation
d'un senat elu qui dispose de pouvoirs suffisants et qui a la legitimite
necessaire pour assurer une representation efficace, tout en preservant
les rapports actuels du Cabinet avec la Chambre des communes. Il est
possible de trouver cet equilibre. A cet egard, le gouvernement du
Canada s'attend que le Comite mixte special veille a ce que tous les
volets de la reforme du Senat soient examines pendant les audiences
qu'il tiendra dans tout le pays.
Ratification des nominations
Les Canadiens veulent une forme plus transparente de
gouvernement et, en general, des institutions plus sensibles a leurs
besoins; ils veulent aussi que le gouvernement federal soit plus en
mesure de prendre des decisions qui tiennent compte des sensibilites
et interets regionaux. En faisant les nominations aux conseils et
organismes de reglementation, le gouvernement du Canada a le devoir
d'assurer une bonne representation des femmes, des minorites
visibles, des groupes linguistiques, des autochtones et des personnes
handicapees, et de tenir compte des interets regionaux. Pour cette
raison, le gouvernement du Canada propose que le Senat ait le
mandat d'enteriner la nomination du gouverneur de la Banque du
Canada et les nominations aux postes de direction d'institutions
culturelles nationales telles que Radio-Canada, l'Office national du
film, la Bibliotheque nationale, les Archives nationales, les musees
nationaux, la Societe de developpement de l'industrie
cinematographique canadienne, le Conseil des arts du Canada et le
Centre national des arts, de meme que les nominations a la direction
des conseils et organismes de reglementation, comme l'Office
national de l'energie, l'Office national des transports, le Conseil de la
radiodiffusion et des telecommunications canadiennes, la Commission
de l'immigration et du statut de refugie et l'Office canadien d'examen
des evaluations environnementales dont la creation est envisagee.
2.3 La Cour supreme du Canada
La Cour supreme du Canada joue un role constitutionnel
important au niveau des litiges entre les gouvernements federal et
provinciaux au sujet de la repartition constitutionnelle des pouvoirs et
dans le jugement des causes se rapportant a la Charte canadienne des
droits et libertes. Actuellement, elle est le produit d'une loi federale
qui fixe sa composition et ses pouvoirs. La Loi sur la Cour supreme
stipule que trois des neuf juges de la Cour doivent avoir ete membres
du Barreau du Quebec, seule province a avoir un regime de droit
civil. Trois juges viennent habituellement de l'Ontario, deux de
l'Ouest et un de la region de l'Atlantique. Le gouvernement federal
n'est pas tenu de consulter les provinces.
Dans l'Accord du lac Meech, on proposait de consacrer
l'existence de la Cour supreme et sa composition actuelle dans la
Constitution. Une telle modification necessiterait le consentement
unanime du Parlement du Canada et des dix legislatures provinciales.
Le gouvernement du Canada continue d'appuyer ces propositions de
l'Accord et serait dispose a en recommander l'adoption s'il etait juge
souhaitable d'inclure dans les propositions definitives des questions
necessitant l'unanimite.
L'unanimite n'etant pas necessaire lorsqu'il s'agit de faire
participer les provinces et les territoires au processus de nomination,
le gouvernement du Canada propose une modification
constitutionnelle selon laquelle les vacances a la Cour supreme
seraient comblees de la facon suivante :
-le ministre de la Justice demanderait aux ministres de la Justice
et aux procureurs generaux competents de lui soumettre dans
les 90 jours une liste de cinq candidats;
-a partir de cette liste, le gouvernement du Canada nommerait
un ou plusieurs juges avec l'agrement du Conseil prive de la
Reine pour le Canada.
Dans l'eventualite oy cette liste ne serait pas soumise dans le
delai prescrit, le gouvernement du Canada pourrait de son propre chef
nommer un juge de la Cour supreme.
2.4 La formule de modification de la Constitution
La formule de modification de la Constitution elle-meme est l'un
des grands volets du programme constitutionnel. De 1927 a 1981, soit
pendant plus de 50 ans, les premiers ministres se sont reunis
periodiquement afin de tenter, sans succes, de s'entendre sur une
procedure permettant de modifier la Constitution et de la rapatrier. En
novembre 1981, le Premier ministre du Canada et les premiers
ministres de neuf provinces ont convenu d'un ensemble de
dispositions visant le rapatriement qui comprenait une procedure de
modification, mais le gouvernement du Quebec, representant plus du
quart de la population canadienne, n'a pas ete partie a l'entente.
L'Assemblee nationale du Quebec devait par la suite rejeter l'entente.
Bien que lie dorenavant par la Loi constitutionnelle de 1982, le
Quebec continue de contester sa legitimite politique : elle avait eu
pour effet de modifier les pouvoirs constitutionnels de l'Assemblee
nationale sans le consentement de cette derniere.
C'est afin de resoudre cette question de legitimite et de faire en
sorte que le Quebec redevienne un partenaire actif dans l'evolution
constitutionnelle du Canada que l'Accord du lac Meech a ete negocie.
En vertu de cet accord, la formule de modification aurait ete changee
de deux facons :
-on exigerait le consentement unanime du Parlement federal et
des assemblees legislatives de toutes les provinces dans le cas
d'une modification touchant un certain nombre de questions
qui, actuellement, ne necessitent que le consentement du
Parlement et des deux-tiers des assemblees legislatives, comme
la reforme du Senat et la creation de provinces;
-une compensation serait versee a toute province qui deciderait
de se soustraire a une modification transferant un pouvoir
legislatif provincial au Parlement.
Ces deux changements a la formule actuelle de modification ont
ete approuves a l'unanimite par les premiers ministres en avril 1987
et en juin 1990.
A la suite de l'echec de l'Accord du lac Meech, le gouvernement
a mis sur pied le Comite mixte special Beaudoin-Edwards et l'a
charge de revoir le dossier. Celui-ci a recommande l'adoption d'une
formule de modification exigeant, dans le cas de la plupart des
grandes modifications, le consentement du Parlement et des
assemblees legislatives de l'Ontario, du Quebec, d'au moins deux
provinces de l'Atlantique et d'au moins deux provinces de l'Ouest
representant au moins 50 pour 100 de la population de ces regions.
Cette recommandation n'a pas recu l'unanimite necessaire pour
modifier la formule d'amendement.
La plupart des propositions constitutionnelles enoncees dans le
present document, y compris celles qui portent sur la reforme du
Senat, pourraient etre adoptees avec l'appui de sept provinces
representant 50 pour 100 de la population. La situation est differente
dans le cas de la formule de modification. Le gouvernement du
Canada persiste toutefois a appuyer la proposition exposee dans
l'Accord du lac Meech en ce qui concerne la formule de modification
de la Constitution. Le gouvernement serait dispose a aller de l'avant
avec cette proposition si un consensus se degageait au cours des cinq
prochains mois, si l'accession des territoires au statut de provinces
devait se faire en vertu de la formule actuelle, et, enfin, s'il etait juge
souhaitable, dans les propositions definitives, d'inclure l'un ou l'autre
dossier exigeant l'unanimite.
Propositions
8. Chambre des communes. Le gouvernement du Canada
s'engage a poursuivre le processus de reforme parlementaire pour
offrir plus de votes libres aux deputes et limiter le nombre de votes
de censure.
9. Principes a la base de la reforme du Senat : un Senat elu,
efficace et plus equitable. Le gouvernement du Canada propose :
-que le Senat soit elu directement;
-que les elections au Senat cooncident avec les elections a la
Chambre des communes;
-que la composition du Senat assure une representation
beaucoup plus equitable des provinces et des territoires;
-que la Chambre des communes demeure l'organe legislatif
principal;
-qu'en regle generale, il faille, pour que des mesures deviennent
lois, qu'elles soient approuvees tant par le Senat que par la
Chambre des communes, comme c'est le cas actuellement;
-pour les questions relatives a la langue et a la culture, que le
Senat soit assujetti a une regle speciale, celle de la majorite
double, pour la tenue des votes;
-dans le cas des questions d'importance nationale, comme la
defense nationale et les relations internationales, que le Senat
dispose d'un veto suspensif de six mois. Apres expiration d'un
veto suspensif, la Chambre des communes devrait adopter de
nouveau le projet de loi vise par ce veto pour qu'il devienne
loi;
-etant donne qu'il n'est pas une chambre dotee d'un vote de
confiance, que le Senat n'ait aucun role legislatif a l'egard des
projets de loi de credits et des mesures de financement, y
compris les pouvoirs d'emprunt;
-que les autochtones du Canada soient assures d'une
representation au Senat;
-que le Senat continue d'avoir pour mandat de mener des
enquetes speciales sur des questions de politique d'interet
public.
10. Details de la reforme du Senat. Le gouvernement du Canada
propose que le Comite mixte special du Parlement examine les
questions suivantes :
-le mode d'election directe du Senat;
-le nombre et la repartition appropries des sieges au Senat;
-en consultation avec les peuples autochtones, la representation
appropriee des Premieres nations du Canada.
11. Ratification par le Senat des nominations aux conseils et
organismes de reglementation. Le gouvernement du Canada propose
que le Senat ait le mandat d'enteriner la nomination du gouverneur de
la Banque du Canada et les nominations aux postes de direction
d'institutions culturelles nationales telles que Radio-Canada, le
Conseil des arts du Canada, l'Office national du film, la Bibliotheque
nationale, les Archives nationales, les musees nationaux, la Societe de
developpement de l'industrie cinematographique canadienne et le
Centre national des arts, de meme que les nominations a la direction
des conseils et organismes de reglementation, comme l'Office national
de l'energie, l'Office national des transports, le Conseil de la
radiodiffusion et des telecommunications canadiennes, la Commission
de l'immigration et du statut de refugie et l'Office canadien des
evaluations environnementales dont la creation est envisagee.
12. Nominations a la Cour supreme du Canada. Le
gouvernement du Canada apportera a la Constitution une modification
qui conferera aux provinces et territoires un role dans le processus de
nomination a la Cour supreme. Celles-ci seraient faites par le
gouvernement federal a partir de listes de candidats soumises par les
gouvernements provinciaux et territoriaux, le candidat choisi devant
recevoir l'agrement du Conseil prive de la Reine pour le Canada.
Le gouvernement du Canada serait dispose a aller de l'avant avec
la consecration dans la Constitution de l'existence de la Cour supreme
et de sa composition s'il etait juge souhaitable d'inclure dans les
propositions definitives des questions necessitant l'unanimite.
13. La formule de modification de la Constitution. Le
gouvernement serait dispose a aller de l'avant avec les changements
a la formule de modification proposes dans l'Accord du lac Meech si
un consensus sur le sujet devait se degager, si l'accession des
territoires au statut de provinces devait se faire en vertu de la formule
actuelle, et s'il etait juge souhaitable, dans les propositions definitives,
d'inclure des questions necessitant l'unanimite.
Partie III
Preparer un avenir plus
prospere
La federation canadienne a su s'adapter au changement avec
souplesse. Neanmoins, il est temps d'envisager d'apporter certaines
ameliorations a la facon dont nous nous gouvernons et a la facon dont
les gouvernements gerent leurs affaires, de maniere a mieux traduire
les realites du Canada moderne.
De nombreux elements du systeme federal canadien n'ont pas
besoin d'etre changes. Le gouvernement federal doit continuer de
garantir aux Canadiens l'egalite d'acces aux droits que leur confere
leur citoyennete. Cela comprend la redistribution des ressources sous
forme de paiements de perequation, selon l'obligation federale
enoncee a l'article 36 de la Constitution. Cet article engage egalement
les gouvernements federal et provinciaux a promouvoir l'egalite des
chances des Canadiens dans la recherche de leur bien-etre, a favoriser
le developpement economique de facon a reduire l'inegalite des
chances, et a fournir les services publics essentiels, a un niveau de
qualite raisonnable, a tous les Canadiens.
Ces derniers attachent aussi de l'importance au regime de securite
du revenu. En faisant des versements directs aux individus, comme
les prestations de retraite et les allocations familiales, et en soutenant
le regime d'aide sociale des provinces, le gouvernement federal joue
un role crucial dans le bien-etre de chaque Canadien. Le
gouvernement du Canada est conscient que sa capacite d'amoindrir,
par ces mecanismes de redistribution des richesses, les effets des
disparites economiques regionales revet une importance particuliere
pour le Canada atlantique et il continuera de promouvoir des
initiatives de developpement economique dans tout le pays afin que
tous les Canadiens puissent vivre et travailler dans leur propre region
et assurer a leur famille une qualite de vie satisfaisante.
Le gouvernement du Canada entend donc maintenir sa capacite
de faire en sorte que tous les Canadiens continuent de jouir des
avantages de leur citoyennete, independamment de l'endroit oy ils
vivent, ou de leur occupation. Nous sommes unis en tant que societe
parce que nous croyons en notre obligation fondamentale de partager
nos richesses avec nos concitoyens. C'est ce principe que le
gouvernement federal entend defendre, comme il le fait aujourd'hui.
Toutefois, le gouvernement est d'avis que des changements
s'imposent dans un certain nombre de domaines importants afin de
garantir la prosperite future du Canada et de mieux servir les citoyens.
Il s'attaquera plus precisement aux dossiers de la gestion de l'union
economique, de la repartition des pouvoirs entre les gouvernements
federal et provinciaux et de la facon dont les gouvernements
travaillent ensemble. Voici les criteres qui sous-tendent les
propositions de changement dans ces domaines:
-Objectifs communs. Le gouvernement federal doit etre en
mesure de promouvoir l'identite canadienne et de veiller a la
realisation d'objectifs communs canadiens.
-Respect de la diversite. Le federalisme concilie la necessite
d'exercer vigoureusement certains pouvoirs communs avec la
possibilite de tenir compte des divers interets et objectifs des
regions et de les refleter. Les provinces devraient etre en
mesure de definir leurs propres besoins et objectifs.
-Simplicite. Les gouvernements devraient etre aussi pres que
possible de la population. C'est ce que la Communaute
europeenne a appele le principe de la " subsidiarite ", selon
lequel le role du gouvernement federal est d'intervenir lorsque
l'adoption d'une politique commune s'impose ou quand il est
preferable, pour des raisons d'efficacite, qu'il assume certaines
responsabilites.
-Responsabilite partagee. Il existe des secteurs oy ni le
gouvernement federal ni les gouvernements provinciaux ne
peuvent realiser seuls des objectifs communs. Dans ces cas,
une action concertee des gouvernements federal et provinciaux
est essentielle pour gerer leur interdependance dans le meilleur
interet de tous les Canadiens.
3.1 Une union economique plus etroite
L'une des forces agissantes qui ont donne naissance a la
Confederation, il y a bientot plus de cent ans, est cette vision de
quelques Canadiens eclaires qui pensaient pouvoir faire davantage
dans certains domaines en s'unissant qu'en agissant de facon isolee;
que le Canada pouvait assurer un meilleur avenir a ses citoyens en
demeurant uni. On croyait aussi qu'il y avait place au Canada pour
la diversite acceptee et exprimee par des provinces fortes. Et en
decidant de s'unir pour former un pays, les provinces ont cree une
union politique en meme temps qu'une union economique.
Depuis 1867, le monde a toutefois beaucoup change. Le Canada
doit faire face aux nouvelles realites economiques d'un environnement
mondial oy tout change rapidement et oy la concurrence devient de
plus en plus vive. Le Canada ne peut se soustraire a ces forces
internationales. Pour assurer a l'avenir notre bien-etre et notre
prosperite, nous devons donner la chance a notre economie de
s'ajuster et de croitre afin d'ameliorer notre position concurrentielle
sur les marches mondiaux. Il est evident que chaque Canadien aura
un role important a jouer dans cette demarche, car la capacite
d'initiative, les connaissances et la technologie sont les fers de lance
de la competitivite.
Certaines choses sont toutefois demeurees inchangees depuis
1867. En fait, les avantages de l'integration economique qui nous ont
amenes a nous unir deviennent aujourd'hui encore plus evidents a la
lumiere des changements qui transforment constamment l'economie
continentale et planetaire. Et l'objectif ultime du pays demeure, et
sera toujours, de menager un avenir meilleur a ses citoyens en
assurant leur securite et leur bien-etre economiques.
La prosperite dont les Canadiens jouissent aujourd'hui est la
preuve que ces avantages sont realisables. Parmi les principaux pays
industrialises, le Canada occupe le deuxieme rang quant au niveau de
vie. Entre 1961 et 1990, le Japon a ete la seule des sept plus grandes
puissances economiques dont la croissance economique a devance
celle du Canada. Et durant cette meme periode, c'est le Canada qui
a enregistre le plus haut taux de creation d'emplois.
Cependant, ces chiffres masquent certains defis de taille qu'il
nous faudra relever pour assurer notre prosperite : le taux de
croissance de la productivite canadienne s'est ralenti ces dernieres
annees; un tiers des jeunes Canadiens abandonnent leurs etudes sans
avoir meme termine le secondaire; le taux d'analphabetisme est eleve;
et les investissements de l'industrie canadienne dans la recherche et
le developpement sont plus faibles que dans les autres grands pays
industrialises. Nos realisations passees ne sont pas un gage pour
l'avenir. Le Canada doit se doter des outils necessaires pour assurer
aux generations futures la possibilite de jouir du meme niveau de vie
que nous. Pour prosperer, nous devons changer. Nous devons
ameliorer notre facon de gerer nos forces et nos faiblesses
economiques. Nous devons mieux concilier notre activite economique
et nos preoccupations au sujet de l'environnement.
Le Canada ne pourrait continuer d'offrir le meme niveau
d'avantages economiques en l'absence d'une union politique des
provinces. Car une integration economique efficace exige une
integration politique. Seul ce type d'union offre reellement l'avantage
de pouvoir acceder a un marche plus grand, d'avoir un acces garanti
aux matieres premieres et a une nouvelle technologie, et de pouvoir
partager les risques.
Le federalisme a permis aux Canadiens de beneficier d'une union
economique et politique qui, grace a une devise et un systeme
bancaire communs, a favorise la mobilite des facteurs de production
entre les provinces, ainsi qu'un marche financier commun. Nous
avons egalement etabli un reseau de programmes sociaux hautement
developpe, ainsi qu'un regime economique permettant de partager les
richesses entre les regions et les citoyens. En meme temps, le
federalisme a permis de repondre a des besoins et objectifs regionaux
dans d'autres domaines.
Meme si le processus de modification de la Constitution peut
sembler quelque peu eloigne des preoccupations quotidiennes des
Canadiens qui craignent pour leurs emplois et pour ceux de leurs
enfants, ce processus fournit l'occasion de prendre des mesures
propres a renforcer notre union economique. Il nous faut ameliorer le
fonctionnement de notre marche interieur et mieux harmoniser et
coordonner nos politiques economiques. Et les gouvernements doivent
arriver a cooperer plus efficacement dans l'interet des Canadiens afin
de leur assurer a tous un avenir meilleur.
L'amelioration du commerce et de la mobilite au
Canada
Un marche interieur fort et efficace est essentiel au bien-etre de
tous les Canadiens. Les obstacles qui genent actuellement la
circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes
entravent les echanges commerciaux interieurs entre les provinces et
limitent la mobilite individuelle des Canadiens. Et l'incapacite des
Canadiens de profiter pleinement des avantages du marche interieur
affaiblit leur competitivite sur les marches mondiaux.
La Loi constitutionnelle de 1867 contient un article (l'article 121)
dit du " marche commun ", dont l'insertion visait, au moment de la
Confederation, a interdire les entraves au commerce. Cet article
stipule que tous les articles en provenance d'une province seront
admis en franchise dans chacune des autres provinces. Cette clause
ne reflete pas les realites du marche d'aujourd'hui. On n'y trouve
aucune mention de la mobilite des capitaux ou des services. On n'y
prevoit pas, non plus, la pleine mobilite des personnes, element qui
non seulement est important pour le fonctionnement de l'union
economique, mais qui constitue un droit fondamental de tous les
Canadiens.
Pour assurer la libre circulation au Canada des personnes, des
capitaux, des biens et des services, le gouvernement du Canada
propose que l'article 121 soit mis a jour de facon a accroitre la
mobilite des personnes, des capitaux, des services et des biens a
l'interieur du Canada en interdisant au gouvernement federal et aux
provinces d'adopter des lois, des programmes ou des pratiques qui
dresseraient des barrieres ou constitueraient des restrictions a une
telle mobilite. Les Canadiens seraient ainsi libres de pratiquer le
metier de leur choix et de chercher fortune partout au Canada. Le
gouvernement du Canada propose en outre que le nouvel article 121
entre en vigueur le 1er juillet 1995, de facon a ce qu'il y ait une
periode de transition et d'ajustement pour l'elimination de ces
barrieres.
Cette proposition ne devrait pas retarder les efforts en cours pour
eliminer les barrieres commerciales interprovinciales, et les
gouvernements federal et provinciaux devraient poursuivre les efforts
entrepris en ce sens. Car il importe d'adopter des que possible un
processus qui obligera les gouvernements a reduire dans les meilleurs
delais les obstacles au commerce interieur canadien.
Il pourra se trouver des situations oy certains interets
preponderants ou d'autres considerations empecheront les
gouvernements d'eliminer des barrieres commerciales. C'est pourquoi
la modification proposee a l'article 121 prevoit des exceptions dans
l'interet national et ne s'appliquerait pas aux lois favorisant le
developpement regional ou la perequation. Le Comite mixte special
devrait examiner si d'autres exceptions a l'application de l'article
121 seraient appropriees.
Le renforcement de l'union economique
La modification proposee a l'article 121 n'eliminera pas tous les
problemes qui se posent sur le marche interieur du Canada. Les
gouvernements devront continuer de faire preuve de leadership pour
assurer le bon fonctionnement du marche canadien et le maintien
d'une union economique vigoureuse.
Les gouvernements federal et provinciaux ont chacun un role a
jouer dans la gestion de l'union economique. En consequence, si le
gouvernement federal doit avoir les pouvoirs requis pour gerer l'union
economique, ceux-ci ne doivent pas etre illimites. Le defi se situe au
niveau de l'exercice conjoint des responsabilites et seules la
collaboration et la consultation intergouvernementales peuvent aider
a relever ce defi.
Le gouvernement du Canada propose donc que la Constitution
soit modifiee de maniere a accorder au Parlement le nouveau pouvoir
d'adopter les lois necessaires au bon fonctionnement de l'union
economique. La gestion de l'union economique etant, toutefois, un
domaine de responsabilite commune, toute mesure legislative federale
adoptee en vertu de ce nouveau pouvoir ne pourrait entrer en vigueur
sans l'approbation d'au moins sept provinces representant 50 pour
100 de la population.
Une fois approuvee, cette loi lierait toutes les provinces et le
gouvernement federal. Cependant, les provinces qui n'auraient pas
donne leur accord a la loi federale (un maximum de trois selon la
regle 7/50) pourraient exercer un droit de " retrait " pendant trois
ans en adoptant une resolution ayant l'appui de 60 pour cent des
membres de leur assemblee legislative. La loi federale ne
s'appliquerait pas alors a ces provinces. Le gouvernement du Canada
propose que le Comite mixte special examine la question de savoir si
la resolution de retrait devrait etre renouvelable.
Etant donne que ce nouveau pouvoir fournirait un mecanisme de
gestion conjointe de l'union economique par les gouvernements
federal et provinciaux, sa constitutionnalisation permettrait le transfert
ou la decentralisation de pouvoirs et de responsabilites dans un certain
nombre de secteurs precis, afin de rapprocher les processus de
decision de la population.
Ce nouveau pouvoir aidera du meme coup le Canada a faire face
aux defis du XXIe siecle. Il creera un mecanisme pour l'etablissement
de normes et d'objectifs canadiens dans un certain nombre de
domaines essentiels au bon fonctionnement de l'union economique.
De meme, ce nouveau pouvoir pourra aider a renforcer le secteur
financier du Canada de facon a ameliorer le fonctionnement de
l'union economique. Le gouvernement du Canada travaillera
activement avec les provinces a ce chapitre afin de clarifier les
responsabilites de chacun. A cet egard, le gouvernement a l'intention
d'examiner le chevauchement et le double emploi dans la
reglementation des societes de fiducie. Il travaillera egalement de pres
avec les provinces a l'etablissement d'une reglementation des valeurs
mobilieres plus efficace et mieux coordonnee, qui s'avere essentielle
dans un environnement international oy le double emploi risque de
nous faire perdre des investissements. Le Canada devra aussi accroitre
sa presence dans les forums internationaux sur les valeurs financieres.
L'harmonisation des politiques economiques
La coordination efficace des politiques budgetaires de tous les
gouvernements canadiens est importante pour les chances de
croissance economique a long terme du Canada et, partant, pour la
prosperite future de tous les Canadiens.
Les gouvernements federal et provinciaux ont chacun leurs
propres politiques fiscales et financieres destinees a ameliorer le
niveau de vie, a reduire le chomage et a lutter contre l'inflation.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'importance de ces
politiques provinciales et leur incidence sur la gestion de l'union
economique se sont accrues de facon spectaculaire. Cela a augmente
le risque que les politiques fiscales et financieres des provinces aillent
a l'encontre de celles du gouvernement federal et vice versa. Ce
conflit peut reduire la croissance de l'economie et influer sur le
niveau de vie des individus. Une telle divergence rend aussi beaucoup
plus difficile la tache de conserver son efficacite a la politique
monetaire nationale qui, au meme titre que la politique budgetaire, est
le principal instrument pour realiser les objectifs economiques du
pays.
De par sa participation a des organismes internationaux tels
l'Organisation de cooperation et de developpement economiques
(OCDE) et le Fonds monetaire international (FMI), le Canada doit
coordonner ses politiques economiques avec celles des autres grands
pays industrialises en vue de renforcer la croissance de l'economie
mondiale, ce dont profite l'economie de chacun de ces pays. Mais si
une telle coordination internationale constitue le fondement d'une
prosperite a long terme, il faut constater que le Canada ne dispose
d'aucun mecanisme lui permettant de veiller a ce que les politiques
economiques des gouvernements federal et provinciaux soient
coordonnees.
La concertation des politiques budgetaires se ferait beaucoup plus
facilement si le processus budgetaire des deux ordres de
gouvernement etait plus transparent et plus visible. Telle a ete la
conclusion d'autres federations qui ont elabore des procedures
permettant le partage de l'information et les consultations mutuelles
au moment de la preparation de leurs budgets annuels, sans
compromettre pour autant les sauvegardes qui doivent etre prevues
pour proteger le processus contre toute exploitation indue. Le
gouvernement du Canada propose donc d'elaborer avec les provinces
un calendrier annuel permettant l'etablissement de processus
budgetaires federaux et provinciaux plus ouverts et plus visibles qui
comprendraient :
-un cycle budgetaire annuel relativement fixe;
-un calendrier annuel fixe de rencontres des ministres des
Finances;
-la publication par les 11 gouvernements, avant le budget, d'un
apercu economique et budgetaire;
-des conventions de comptabilite commune.
Le gouvernement federal propose aussi d'elaborer avec les
provinces des lignes directrices pour ameliorer la coordination des
politiques budgetaires et leur harmonisation avec la politique
monetaire du Canada. Une fois elaborees, les lignes directrices
pourraient etre integrees dans la legislation federale en vertu du
nouveau pouvoir de gestion de l'union economique. En consequence,
ces lignes directrices exigeraient l'approbation d'au moins sept
provinces representant 50 pour cent de la population et trois
provinces au maximum pourraient se prevaloir d'un droit de retrait.
Le gouvernement du Canada propose egalement de discuter avec
les provinces la creation d'un organisme independant charge de
surveiller et d'evaluer les politiques macro-economiques des
gouvernements federal et provinciaux. Un tel organisme pourrait
jouer, aupres des gouvernements canadiens, un role analogue a celui
que jouent le FMI et l'OCDE aupres de leurs membres. La fonction
de surveillance fournirait une base d'information indispensable et
accessible a tous ceux qui en ont besoin dans leur travail de
coordination et d'harmonisation des lignes de conduite.
Dans le but d'ameliorer l'harmonisation de la politique monetaire
et des politiques budgetaires des deux ordres de gouvernement, le
gouvernement du Canada propose de modifier la Loi sur la Banque
du Canada afin qu'il soit clair que le mandat de la Banque est
d'instaurer et de preserver la stabilite des prix. Pour assurer une
representation regionale au conseil de direction de la Banque, le
gouvernement du Canada demandera l'avis des gouvernements
provinciaux et territoriaux et il les consultera avant de nommer les
membres du conseil de direction. Le gouvernement propose en outre
de creer des comites consultatifs regionaux qui conseilleront les
directeurs de la Banque au sujet de la conjoncture economique dans
les regions. L'avis des gouvernements provinciaux et territoriaux sera
egalement recherche en ce qui concerne la constitution de ces
comites. Qui plus est, comme il est indique ci-dessus, la nomination
du gouverneur de la Banque du Canada serait assujettie a
l'approbation du Senat.
3.2 Mieux servir les Canadiens
Dans un certain nombre de secteurs, les Canadiens seraient mieux
servis si les decisions se prenaient plus pres d'eux. Le federalisme
permet aux gouvernements de poursuivre des objectifs regionaux
differents dans certains domaines et des objectifs communs dans
d'autres.
Le gouvernement du Canada est d'avis qu'il convient de rajuster
la repartition des pouvoirs entre les administrations federale et
provinciales dans certains domaines et de clarifier les responsabilites
de chaque ordre de gouvernement dans d'autres. Il existe aujourd'hui
des champs d'activite dont il n'etait pas question dans la Constitution
de 1867. D'autres ont fait, durant de nombreuses annees, l'objet de
discussions entre les gouvernements. Il importe que chaque ordre de
gouvernement respecte les competences et les responsabilites de
l'autre bien qu'il n'y ait pas beaucoup de secteurs d'activites qui
soient parfaitement etanches dans un monde en rapide evolution. Afin
de mieux servir les Canadiens et d'eviter les chevauchements et le
double emploi, aussi couteux qu'irritants, les gouvernements doivent
donc s'abstenir d'empieter sur le domaine des autres, meme dans les
champs oy, tous deux presents, ils sont appeles a jouer chacun leur
role.
On ne propose pas des changements pour le seul plaisir de
changer; les secteurs qui fonctionnent bien ne doivent pas etre
modifies. Les changements proposes doivent ameliorer les services ou
les programmes que recoivent les Canadiens.
Il existe diverses facons de proceder a des rajustements et de
clarifier les responsabilites; certaines sont d'ordre constitutionnel et
d'autres, d'ordre administratif. Lorsque les spheres de competence ne
sont pas precisees, la Constitution peut etre modifiee de maniere a les
rendre explicites. Dans les domaines oy les deux ordres de
gouvernement ont un role legitime a jouer, les responsabilites
pourraient etre mieux definies dans des ententes bilaterales. On
pourrait alors inscrire de telles ententes dans la Constitution pour en
garantir la permanence. Chacune de ces options sera envisagee dans
les propositions qui suivent.
1. La formation de la main-d'oeuvre
La formation de la main-d'oeuvre est l'une des cles de la future
prosperite du Canada. La formation est aussi un element important de
la mobilite des travailleurs au sein du pays. Elle est essentielle aux
entreprises qui ont de plus en plus besoin d'une main-d'oeuvre
hautement qualifiee pour devenir et demeurer competitives. Par
consequent, les gouvernements federal et provinciaux, les employeurs
et les employes sont tous directement interesses par cette question. En
fait, le role accru du secteur prive en matiere de formation et de
normes est essentiel a la competitivite future du Canada. A l'avenir,
la formation exigera la pleine participation de tous les intervenants
dans l'economie.
La formation de la main-d'oeuvre est intimement liee au systeme
d'education qui est un domaine de competence provinciale exclusive.
Il s'agit aussi d'un secteur oy la prestation des programmes devrait se
faire a l'echelle locale. Le gouvernement du Canada propose donc
une modification a la Constitution qui reconnaitrait clairement que
la formation de la main-d'oeuvre est un domaine de competence
provinciale exclusive.
Etant donne l'importance de la formation de la main-d'oeuvre
pour la competitivite du Canada a l'echelle internationale et sa
prosperite future, le gouvernement federal devrait decider,
conjointement avec les gouvernements provinciaux, d'etablir des
normes en matiere de formation par le biais du nouveau pouvoir de
gestion de l'union economique. Il est essentiel d'etablir des normes
et des objectifs si l'on veut former une main-d'oeuvre competitive a
l'echelle internationale et ameliorer sa mobilite a l'interieur du
Canada.
2. L'immigration
L'immigration est l'un des rares domaines oy la competence
partagee des gouvernements federal et provinciaux est enoncee dans
la Constitution. Cette competence commune est prevue dans la Loi
constitutionnelle de 1867, oy il est cependant precise que le
gouvernement federal a des pouvoirs predominants en cas de conflit.
Le gouvernement du Canada doit conserver la responsabilite
d'attribuer la citoyennete et d'offrir les services a cet egard. Il
determine le nombre total d'immigrants et fixe les normes et les
objectifs nationaux en matiere d'immigration. Dans ce contexte, le
gouvernement du Canada est dispose a negocier avec toute province
qui le desire une entente bilaterale adaptee a sa situation particuliere
afin que les regles de fonctionnement soient etablies. Une entente qui
tient compte a la fois des interets federaux et provinciaux a deja ete
conclue avec le Quebec et des negociations sont en cours avec
d'autres gouvernements provinciaux. Par ailleurs, pour plus de
certitude, le gouvernement du Canada propose que l'entente conclue
avec le Quebec et toute autre entente qui sera negociee soient
inscrites dans la Constitution.
3. La culture
L'identite canadienne est nee de la symbiose des cultures et des
traditions enracinees dans l'histoire et les origines memes du peuple.
La dualite des milieux culturels du Canada contribue a sa richesse
et a la diversite du pays. Notre identite est donc nourrie par deux
realites culturelles tres differentes mais tres dynamiques et enrichie
autant par l'apport des cultures autochtones que par les multiples
traditions culturelles qui se sont ajoutees plus recemment a la realite
canadienne.
Notre defi, par consequent, consiste, d'une part, a maintenir les
institutions qui s'emploient a promouvoir notre identite commune.
D'autre part, le partage des competences et les orientations de
politiques en matiere culturelle au Canada doivent etre suffisamment
souples pour laisser les gouvernements provinciaux jouer sans entrave
les roles qu'ils jugent appropries dans ce domaine.
Les opinions sur le role des gouvernements dans ce secteur sont
tres variees et le partage actuel des responsabilites entre les
gouvernements federal et provinciaux peut repondre aux besoins de
la plupart des provinces. Cependant, la langue et la culture ont
toujours ete l'expression la plus evidente du caractere distinct de la
societe quebecoise. Etant le seul gouvernement d'importance en
Amerique du Nord a representer une population essentiellement
francophone, le gouvernement du Quebec a des responsabilites
particulieres pour ce qui est de la preservation et de l'epanouissement
de l'identite culturelle de cette province, a cause des grandes
pressions qu'exerce sur lui le simple fait que, de 276 millions de
personnes en Amerique du Nord, seulement 7 millions ont le francais
comme langue maternelle.
Par consequent, le gouvernement du Canada negociera avec les
provinces, a leur demande, des accords adaptes a la situation
particuliere de chacune, afin de definir clairement le role de chaque
ordre de gouvernement. S'il y a lieu, ces accords seront inscrits dans
la Constitution. Alors que ces derniers reconnaitront l'importante
dimension communautaire de la culture et la responsabilite
particuliere du gouvernement du Quebec dans ce domaine, le
gouvernement du Canada conservera la responsabilite des institutions
culturelles canadiennes existantes (telles Radio-Canada, les musees
nationaux, l'Office national du film, le Conseil des arts du Canada,
la Bibliotheque nationale, les Archives nationales, Telefilm et le
Centre national des arts) qui permettent l'expression et l'affirmation
de l'identite canadienne tant au Canada qu'a l'etranger.
4. La radiodiffusion
La radiodiffusion est un domaine important tant pour l'identite du
Canada que pour l'expression de sa culture. C'est a juste titre le
gouvernement federal qui doit rendre compte de la reglementation du
secteur de la radiodiffusion parce que les activites dans ce domaine
transcendent toutes les frontieres provinciales et internationales.
Neanmoins, le role des provinces pourrait etre ameliore et certains
sujets de friction pourraient etre elimines.
Le gouvernement du Canada propose donc ce qui suit :
1. consulter les provinces au sujet de l'octroi de nouvelles
licences;
2. donner aux gouvernements provinciaux et a leurs
mandataires la possibilite de devenir des entreprises de
radiodiffusion publiques a part entiere, ayant une
programmation variee, sous reserve des reglements du
CRTC;
3. regionaliser davantage les activites du CRTC et elargir les
roles de ses bureaux regionaux;
4. permettre aux provinces de participer a la nomination des
commissaires regionaux du CRTC.
5. Le pouvoir residuel du gouvernement federal
La clause de la " paix, de l'ordre et du bon gouvernement " a
l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 confere au Parlement
du Canada le pouvoir de legiferer dans trois domaines : ceux qui sont
d'urgence nationale, ceux qui sont de portee nationale et tous les
autres dont la responsabilite n'est pas explicitement attribuee dans la
Constitution. Le gouvernement du Canada propose de se reserver la
disposition relative a " la paix, l'ordre et le bon gouvernement " afin
de preserver sa competence a l'egard des questions et des urgences
nationales. Le gouvernement du Canada est toutefois dispose a
transferer aux provinces les prerogatives concernant les questions qui
ne sont pas de nature nationale ou qui n'ont pas ete specifiquement
attribuees au gouvernement federal en vertu de la Constitution ou
suite a une decision d'un tribunal.
6. Le pouvoir declaratoire du gouvernement federal
Le pouvoir declaratoire (alinea 92(10)c) de la Loi
constitutionnelle de 1867) permet au gouvernement federal de
s'attribuer la competence legislative touchant un " ouvrage " relevant
des provinces en declarant cet ouvrage a l'avantage general du
Canada. Le gouvernement du Canada propose de modifier la
Constitution de facon a abolir ce pouvoir. Cela eliminerait du meme
coup un sujet de friction eventuel avec les provinces.
7. Reconnaissance des spheres de competence
provinciale
Il existe un certain nombre de secteurs oy les provinces ont
meilleure competence pour agir, que ces secteurs soient ou non
assignes dans la Constitution. Le gouvernement federal est present
dans certains de ces secteurs en raison de ses responsabilites propres,
a l'egard notamment des relations internationales, des autochtones, de
la recherche et du developpement. Dans d'autres secteurs de
competence provinciale exclusive, le gouvernement federal est
intervenu par le passe le plus souvent en recourant essentiellement a
son pouvoir de depenser.
Le gouvernement federal est determine a assurer le maintien de
la capacite canadienne actuelle de recherche et de developpement, et
a s'acquitter de ses obligations constitutionnelles a l'egard des
relations internationales et des affaires autochtones. Dans ce contexte,
il est dispose a reconnaitre la competence exclusive des provinces
dans les secteurs suivants et a se retirer de ces secteurs d'une facon
qui convienne dans chaque cas et qui respecte le leadership des
provinces :
En raison de la complexite grandissante des societes
contemporaines, il n'est pas possible de repartir parfaitement toutes
les fonctions entre les divers ordres de gouvernement. Il y a des
domaines oy les gouvernements doivent collaborer pour realiser des
objectifs communs. Dans d'autres, il faut eliminer les chevauchements
et le double emploi decoulant de l'expansion du role des
gouvernements et reduire, dans la mesure du possible, les couts de
fonctionnement.
Ce n'est pas d'hier qu'on se preoccupe des chevauchements et du
double emploi au niveau des programmes gouvernementaux; cela
remonte a la Commission Rowell-Sirois en 1937. Des progres ont ete
realises dans la rationalisation et la coordination des programmes des
deux principaux ordres de gouvernement a la suite de l'examen
federal-provincial de 1978 et des travaux du Groupe de travail
ministeriel sur l'examen des programmes de 1984-1985.
Il reste cependant beaucoup a faire en matiere de rationalisation
et d'harmonisation des programmes federaux et provinciaux. Pour
eviter les couts et les perturbations resultant des chevauchements et
du double emploi, les gouvernements devront respecter le partage des
responsabilites et travailler mieux ensemble dans les secteurs de
competence conjointe.
Il faut viser a abolir des couts inutilement imposes aux citoyens,
aux entreprises ou aux gouvernements. Ces couts proviennent de la
confusion du public, qui ne sait pas quel ordre de gouvernement
assure tel ou tel service, et du fardeau administratif impose aux clients
qui doivent traiter avec plusieurs ordres de gouvernement, remplir une
multitude de formulaires et trouver des moyens de composer avec les
exigences incompatibles de diverses administrations publiques. Ce
genre de situations oy les objectifs des deux gouvernements sont
incompatibles provoque un gaspillage d'argent et une perte
d'efficacite de leurs programmes respectifs.
Delegation de responsabilites administratives
La delegation de responsabilites administratives est une solution
qui pourrait nettement contribuer a la rationalisation et a
l'harmonisation des programmes. Les gouvernements federal et
provinciaux pourraient, par delegation administrative, se transferer des
programmes et activites les uns aux autres, ou encore les transferer
aux administrations locales ou au secteur prive.
Dans l'eventualite d'une delegation de responsabilites
administratives du federal aux autres ordres de gouvernement, par
exemple, les normes applicables aux programmes continueraient d'etre
fixees par le gouvernement federal, mais leur mode d'execution
pourrait varier d'une juridiction a l'autre dans le cadre de lignes
directrices generales. De cette facon, la delegation de responsabilites
administratives permettrait d'accroitre l'efficacite et la souplesse des
programmes.
On recourt deja a cette solution pour rationaliser et harmoniser
les programmes federaux et provinciaux dans certains domaines. Par
exemple, la plupart des provinces deleguent au gouvernement federal
le pouvoir de percevoir en leur nom l'impot sur le revenu des
particuliers et des entreprises. Les inspecteurs federaux de produits de
consommation contribuent, par le biais d'ententes administratives, a
faire respecter les normes alimentaires provinciales. La gestion des
peches en eaux interieures a ete attribuee a la plupart des provinces
en vertu d'ententes administratives.
Delegation de responsabilites legislatives
Une autre solution permettant de rationaliser les responsabilites
federales et provinciales serait la delegation de responsabilites
legislatives. Cette solution rendra obligatoire la modification de la
Constitution pour permettre aux gouvernements federal et provinciaux
de se deleguer des responsabilites legislatives dans un champ de
competence donne afin de faire face rapidement a des circonstances
nouvelles ou de repondre a des conditions particulieres. La delegation
de responsabilites legislatives ne changerait rien a la repartition
actuelle des pouvoirs constitutionnels puisque le gouvernement qui
deleguerait ces responsabilites conserverait son pouvoir de revoquer
toute loi.
Ce mecanisme pourrait etre d'application tres souple. Un
gouvernement pourrait deleguer a un autre un domaine general de
responsabilite avec beaucoup de latitude pour legiferer, ou des
responsabilites tres restreintes soumises a des contraintes precises qui
laisseraient cependant une certaine marge de manoeuvre en matiere
de reglementation. Les modalites de ces delegations de responsabilites
n'auraient pas a etre identiques pour toutes les provinces. Il se peut
que certaines provinces soient mieux placees que d'autres pour voter
des lois et exercer de nouveaux pouvoirs. Par ailleurs, si des
provinces choisissaient de ne pas exercer des pouvoirs qui leur
auraient ete delegues, les lois et reglements federaux continueraient
de s'appliquer. C'est pour ces raisons que, dans son rapport de juin
dernier, le Comite mixte parlementaire Beaudoin-Edwards a vivement
recommande d'apporter ce genre de modification a la Constitution.
Le gouvernement du Canada est donc en faveur de l'inscription
dans la Constitution de dispositions visant a permettre la delegation
de responsabilites legislatives entre les deux ordres de gouvernement
moyennant le consentement mutuel des corps legislatifs en cause.
Secteurs sujets a la rationalisation
Il existe plusieurs secteurs oy le gouvernement federal est dispose
a deleguer ses responsabilites touchant la mise en oeuvre des
programmes, afin d'assurer de meilleurs services aux Canadiens et de
realiser des economies. D'autres secteurs pourraient se preter a une
rationalisation du role des deux ordres de gouvernement. C'est
pourquoi, le gouvernement du Canada propose d'entreprendre au
plus tot avec les provinces dans les secteurs enumeres ci-dessous des
discussions qui porteraient sur la delegation de responsabilites
administratives ou legislatives, selon ce qui conviendrait le mieux
dans chacun des cas :
-les poursuites contre les trafiquants de drogue
-la conservation et la protection de la faune
-le transport de marchandises dangereuses
-la conservation de l'eau et des sols
-les services de traversiers
-les ports pour petites embarcations
-certains aspects de la reglementation du secteur financier
-certains aspects de la Loi sur les faillites
-certains aspects des pratiques commerciales deloyales
-les programmes d'inspection
Il existe des programmes d'inspection dans une foule de
domaines, dont l'alimentation, les medicaments, les peches, les
normes de travail, les poids et mesures et les transports. En general,
il serait possible, dans des domaines d'interet et d'intervention
communs, de rationaliser certaines activites d'inspection en les
attribuant a l'un ou l'autre palier de gouvernement. Dans certains cas,
il serait logique de deleguer des responsabilites aux provinces, tandis
qu'une presence federale elargie serait justifiee en d'autres
circonstances. Le gouvernement federal est dispose a discuter
d'arrangements portant sur la delegation de responsabilites
administratives dans tout domaine d'inspection afin de reduire les
couts des deux ordres de gouvernement et du secteur prive.
3.3 Le pouvoir de depenser du federal
Fournir aux Canadiens les meilleurs services possible exigera que
le gouvernement dissipe les inquietudes au sujet de l'utilisation du
pouvoir federal de depenser dans des domaines de competence
provinciale. Il ne faudrait pas qu'en raison d'une intervention
federale, des gouvernements provinciaux ne puissent appliquer les
politiques souhaitees par leurs propres electorats dans les secteurs de
competence qui leur ont ete attribues.
La Constitution ne traite pas du pouvoir federal de depenser, mais
la Cour supreme l'a confirme de facon tres claire. Il emane du
pouvoir de taxation general du gouvernement federal et de sa
competence sur " la dette et la propriete publiques ".
En pratique, ce pouvoir englobe les depenses engagees par le
gouvernement federal dans un grand nombre de domaines et sous un
grand nombre de formes (par exemple, les programmes cofinances
offerts de concert avec les provinces dans l'ensemble du Canada,
comme les soins medicaux; les ententes federales-provinciales, comme
celles qui touchent le developpement regional; les paiements federaux
a des organismes et a des particuliers comme les subventions du
Conseil des arts du Canada).
L'exercice du pouvoir federal de depenser suscite un debat
serieux, souvent passionne. De nombreux Canadiens considerent que
ce pouvoir est essentiel a l'etablissement et au maintien de normes
canadiennes fondamentales dans le domaine de la politique sociale.
Ses adeptes, surtout du cote du Canada atlantique, y voient un moyen
de repartir equitablement les avantages de l'union economique, de
s'attaquer aux disparites regionales et meme de raffermir l'unite du
Canada. D'autres, au contraire, estiment illegitime l'exercice par le
gouvernement federal de son pouvoir de depenser pour acceder a des
spheres de competence provinciale exclusive. Dans l'histoire, lorsque
le Quebec a demande au gouvernement federal de se retirer d'un
secteur, c'est qu'il s'agissait d'une sphere de competence provinciale
exclusive oy le federal etait intervenu en se servant de son pouvoir de
depenser. Les adversaires de ce pouvoir ont aussi tendance a soutenir
que, lorsque les pouvoirs des gouvernements federal et provinciaux
se chevauchent, l'exercice du pouvoir federal de depenser entraine le
double emploi et l'inefficacite, dispense les gouvernements de
l'obligation de rendre compte et engendre la bureaucratisation.
Certaines de ces preoccupations sont fondees, comme le
gouvernement federal l'a reconnu dans les discussions
constitutionnelles depuis 1969. Pour les apaiser, les deux ordres de
gouvernement doivent etablir de nouvelles regles regissant l'exercice
du pouvoir federal de depenser. Les gouvernements provinciaux
peuvent demander des garanties qui attenueront leurs preoccupations
concernant l'intervention federale dans leurs domaines de competence
propre. Pour sa part, le gouvernement federal doit aussi obtenir des
garanties qui protegeront sa capacite d'assurer que la coherence et
l'accessibilite des services publics dans tout le pays ne seront pas
compromises.
Le gouvernement du Canada doit etre en mesure de continuer a
verser des paiements de transfert aux particuliers et aux organismes.
Il affirme en outre son intention de continuer a verser des subventions
aux gouvernements provinciaux au titre d'ententes bilaterales
negociees avec les provinces, surtout dans le domaine du
developpement regional. La collaboration avec ces gouvernements
releve de la responsabilite federale qui consiste a promouvoir l'egalite
des chances pour le bien des Canadiens et a favoriser le
developpement economique de facon a reduire les inegalites en cette
matiere.
En reponse aux critiques concernant l'exercice du pouvoir federal
de depenser dans les domaines de competence provinciale exclusive,
le gouvernement du Canada s'engage a n'entreprendre aucun
nouveau programme cofinance ni transferts conditionnels dans
l'ensemble du Canada dans des secteurs de competence provinciale
exclusive, sans l'approbation d'au moins sept provinces representant
50 pour 100 de la population. Cette disposition serait inscrite dans
la Constitution. La disposition permettrait une compensation juste aux
provinces qui opteraient de ne pas participer au programme canadien
mais qui opteraient pour l'etablissement de leur propres programmes,
conformes aux objectifs du nouveau programme canadien. De cette
facon, il devrait etre possible de fixer les conditions pour tout
changement au financement federal d'un programme etabli de cette
maniere ainsi que les mecanismes propres a garantir aux Canadiens
le niveau de service requis.
3.4 Travailler ensemble
Une collaboration intergouvernementale efficace sera essentielle
au bien-etre economique futur des Canadiens. Dans bien des
domaines, il existe des objectifs canadiens que le gouvernement du
Canada ne peut realiser seul : les gouvernements provinciaux ont un
role important a jouer. Dans d'autres, il est necessaire de collaborer
et de coordonner les politiques et les programmes de chacun. C'est en
partie la raison pour laquelle plus de cinq cents conferences et
reunions intergouvernementales sont tenues chaque annee, en plus des
conferences des premiers ministres, pour discuter des responsabilites
et des interets des gouvernements tant federal que provinciaux.
Toutes les federations ont juge bon de creer des processus et des
mecanismes en vue de gerer l'interdependance des gouvernements, car
en pratique, leurs pouvoirs ne peuvent etre enfermes dans des
categories etanches. Dans les federations dotees d'institutions a la fois
parlementaires et federales, ce processus de collaboration a surtout ete
realise par voie de consultations entre les dirigeants federaux et
provinciaux.
Notre vaste reseau de consultation intergouvernementale a
d'importantes realisations a son actif, dont l'etablissement de
programmes cofinances a l'echelle nationale et le filet de securite
sociale dont les Canadiens peuvent, a juste titre, s'enorgueillir.
Cependant, ce reseau ne s'est pas revele efficace en matiere de
collaboration et aucune regle de prise de decisions, ni aucun processus
formel de consultation n'existe. Par ailleurs, le systeme actuel a
suscite de nombreuses critiques du public a cause du manque de
transparence de nombreuses discussions intergouvernementales. Ces
problemes ont une portee accrue dans le contexte actuel oy les
gouvernements sont encore plus interdependants qu'auparavant.
Le succes des efforts deployes par le Canada en vue de
moderniser la federation et de veiller a la sante future de l'union
economique dependent de la mise sur pied de mecanismes efficaces
permettant aux gouvernements de concerter leurs efforts. Il nous
faudra en outre mettre a profit le systeme existant de federalisme
executif pour l'ameliorer et le rendre plus accessible a l'examen du
public et a sa contribution.
Le gouvernement du Canada propose donc l'etablissement d'un
Conseil de la federation forme des gouvernements federal,
provinciaux et territoriaux qui se reunirait pour prendre des decisions
concernant des questions de coordination et de collaboration
intergouvernementales. Il en resulterait un processus de relations
intergouvernementales plus visible pour le public, plus productif et
moins agressif. Le Conseil ne constituerait pas un niveau
supplementaire de gouvernement. Son objectif serait d'ameliorer la
gestion de l'interdependance des activites gouvernementales, inherente
a notre systeme federal. Vu l'importance de la collaboration
intergouvernementale, le gouvernement du Canada est dispose a
inscrire le Conseil dans la Constitution.
Le Conseil de la federation aurait pour mandat :
1. de voter sur les mesures legislatives federales prises pour
ameliorer le fonctionnement de l'union economique
canadienne en vertu du nouveau pouvoir;
2. de voter sur les lignes directrices communes destinees a
harmoniser et a coordonner les politiques financieres et de
prendre des decisions quant a la facon de proceder pour
ameliorer la collaboration dans ce secteur;
3. de prendre des decisions sur l'utilisation du pouvoir federal
de depenser dans de nouveaux programmes cofinances pour
l'ensemble du Canada et dans les transferts conditionnels a
des secteurs relevant exclusivement des provinces.
Toutes les decisions du Conseil de la federation necessiteraient
l'approbation du gouvernement federal et d'au moins sept provinces
representant 50 pour 100 de la population.
Ce conseil devra etre concu en etroite collaboration avec les
gouvernements provinciaux et territoriaux de maniere a maximiser
l'efficacite du processus. Le Comite mixte special pourrait se servir
des elements qui suivent, touchant la composition et les procedures
eventuelles du Conseil, lorsqu'il invitera les Canadiens et les
gouvernements provinciaux et territoriaux a participer a l'examen et
a la discussion de cette proposition :
-le Conseil serait forme de representants ministeriels du
gouvernement federal et de chaque gouvernement provincial.
Les representants gouvernementaux pourraient varier selon la
nature des questions etudiees. Les representants des territoires
participeraient en tant que membres n'ayant pas le droit de
vote;
-les representants agiraient au nom des gouvernements qu'ils
representent, chaque province ayant droit a un vote;
-le Conseil n'aurait ni siege ni personnel permanent. Il devrait
s'en remettre aux ressources du Secretariat intergouvernemental
et il se reunirait a tour de role en territoire federal et
provincial.
Propositions
14. L'elargissement de l'article 121, la clause du marche
commun. Le gouvernement du Canada propose que l'article 121 de
la Loi constitutionnelle de 1867 soit modifie pour se lire comme suit
:
121. (1) Le Canada constitue une union economique oy est
assuree la liberte de circulation des personnes, des
biens, des services et des capitaux independamment de
toute barriere ou autre restriction fondee sur les
delimitations provinciales ou territoriales.
(2) Il est interdit au Parlement et au gouvernement du
Canada, de meme qu'aux legislatures et aux gouvernements
des provinces, de contrevenir, par la loi ou dans la
pratique, au principe enonce au paragraphe (1).
(3) Le paragraphe (2) n'a pas pour effet d'invalider :
a) les lois federales edictees pour la mise en oeuvre des
principes de la perequation et du developpement
regional;
b) les lois provinciales edictees en faveur de la
reduction des inegalites economiques entre regions de
la meme province, a condition que ces lois ne creent
pas, a l'egard des personnes, biens, services ou capitaux
d'origine exterieure a la province, des barrieres ou
autres restrictions plus severes qu'a l'egard des
personnes, biens, services ou capitaux provenant d'une
region de la province; ou
c) les lois federales ou provinciales declarees d'interet
national par le Parlement.
(4) La declaration visee a l'alinea (3)c) n'a d'effet que si
elle est agreee par les gouvernements d'au moins deux tiers
des provinces dont la population confondue represente,
selon le recensement general le plus recent a l'epoque, au
moins cinquante pour cent de la population de toutes les
provinces.
(5) Le present article entrera en vigueur le 1er juillet 1995.
15. Le pouvoir de gestion de l'union economique. Le
gouvernement du Canada propose d'ajouter l'article suivant a la Loi
constitutionnelle de 1867, immediatement apres l'article 91 :
91A. (1)Sans que soient modifiees ses autres competences
legislatives, le Parlement du Canada a competence
exclusive pour legiferer en toute matiere qu'il declare
utile a l'efficacite de fonctionnement de l'union
economique.
(2)Une loi federale edictee au titre du present article n'a
d'effet que si elle est agreee par les gouvernements d'au
moins deux tiers des provinces dont la population confondue
represente, selon le recensement general le plus recent a
l'epoque, au moins cinquante pour cent de la population de
toutes les provinces.
(3)L'assemblee legislative d'une province dont le
gouvernement n'approuve pas une loi federale visee au
paragraphe (2) peut, par une resolution adoptee par
soixante pour cent de ses membres, declarer expressement
que la loi federale ne s'applique pas sur son territoire.
(4)La declaration visee au paragraphe (3) cesse d'avoir
effet a la date qui y est precisee ou, au plus tard, trois ans
apres qu'elle a ete faite.
Le gouvernement du Canada propose en outre que le Comite
mixte special examine si la resolution devrait etre renouvelable.
16. L'harmonisation des politiques economiques. Le
gouvernement du Canada propose egalement d'elaborer avec les
provinces un calendrier annuel qui permettra l'etablissement de
processus budgetaires plus ouverts et plus visibles.
Le gouvernement du Canada propose aussi d'etablir avec les
provinces des lignes directrices destinees a ameliorer la coordination
des politiques financieres et leur harmonisation avec les politiques
monetaires du Canada. Une fois approuvees, ces lignes directrices
seraient enoncees dans la legislation federale en vertu du nouveau
pouvoir de gestion de l'union economique. En consequence, ces
lignes directrices exigeraient l'approbation d'au moins sept provinces
representant 50 pour 100 de la population et un maximum de trois
provinces pourraient se prevaloir du droit de retrait.
Le gouvernement propose en outre de discuter avec les provinces
l'etablissement d'un organisme independant charge de surveiller et
d'evaluer les politiques macro-economiques des gouvernements
federal et provinciaux.
17. La reforme de la Banque du Canada. Le gouvernement du
Canada propose de modifier la Loi sur la Banque du Canada afin
qu'il soit clair que le mandat de la Banque est de realiser et de
preserver la stabilite des prix. Afin que les regions soient representees
au conseil d'administration de la Banque du Canada, le gouvernement
demandera l'avis des gouvernements provinciaux et territoriaux et il
les consultera avant de nommer des membres au conseil de direction.
Le gouvernement propose en outre de creer des comites consultatifs
regionaux qui conseilleront les directeurs de la Banque au sujet de la
conjoncture economique dans les regions. Le gouvernement cherchera
aussi l'avis des gouvernements provinciaux et territoriaux concernant
la constitution de ces comites. Qui plus est, la nomination du
gouverneur de la Banque du Canada serait assujettie a la ratification
du Senat.
18. La formation. Le gouvernement du Canada propose la
modification de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour
que la formation de la main-d'oeuvre soit reconnue explicitement
comme etant un domaine de competence provinciale exclusive.
19. L'immigration. Compte tenu du role que doit jouer le
gouvernement du Canada dans l'etablissement de la politique
canadienne et des objectifs nationaux en matiere d'immigration, le
gouvernement du Canada est dispose a negocier avec toute province
des ententes adaptees a la situation particuliere de cette province et a
consigner ces ententes dans la Constitution.
20. La culture. Le gouvernement du Canada negociera avec les
provinces, a leur demande, des accords adaptes a la situation
particuliere de chaque province, afin de definir clairement le role de
chacun des ordres de gouvernement. S'il y a lieu, ces accords seront
inscrits dans la Constitution.
21. La radiodiffusion. Le gouvernement du Canada propose ce
qui suit :
1. consulter les provinces au sujet de l'octroi des nouvelles
licences;
2. donner aux gouvernements provinciaux et a leurs
mandataires la possibilite de devenir des entreprises de
radiodiffusion publiques a part entiere ayant une
programmation variee, sous reserve de la reglementation du
CRTC;
3. regionaliser davantage les activites du CRTC et elargir les
roles de ses bureaux regionaux;
4. permettre aux provinces de participer a la nomination des
commissaires regionaux du CRTC.
22. Le pouvoir residuel. Le gouvernement du Canada propose
de se reserver la disposition relative a " la paix, l'ordre et le bon
gouvernement " de la Loi constitutionnelle de 1867 afin de preserver
sa competence a l'egard des questions ou des urgences nationales. Le
gouvernement du Canada est toutefois dispose a transferer aux
provinces les prerogatives concernant les questions qui ne sont pas de
nature nationale, et qui n'ont pas ete specifiquement attribuees au
gouvernement federal en vertu de la Constitution ou suite a une
decision d'un tribunal.
23. Le pouvoir declaratoire du gouvernement federal. Le
gouvernement du Canada est dispose a appuyer une modification
constitutionnelle destinee a supprimer le pouvoir declaratoire enonce
a l'alinea 92(10)(c).
24. La reconnaissance des spheres de competence provinciale.
Dans ce cadre, le gouvernement du Canada est determine a assurer le
maintien de la capacite canadienne actuelle de recherche et de
developpement et a s'acquitter de ses obligations constitutionnelles a
l'egard des relations internationales et des affaires autochtones. Le
gouvernement du Canada est dispose a reconnaitre la competence
exclusive des provinces et a discuter avec elles de la meilleure facon
d'exercer son role dans les domaines suivants :
25. La delegation de pouvoirs legislatifs. Le gouvernement du
Canada enterine la recommandation du Comite mixte parlementaire
Beaudoin-Edwards voulant que la Constitution soit modifiee de facon
a permettre la delegation de pouvoirs legislatifs entre le Parlement et
les assemblees legislatives et que soient inserees dans la Constitution
des dispositions permettant la delegation de pouvoirs legislatifs d'un
ordre de gouvernement a l'autre avec le consentement mutuel des
corps legislatifs concernes.
26. Secteurs sujets a la rationalisation. Afin de fournir aux
Canadiens le meilleur service au cout le plus faible possible, le
gouvernement federal est dispose a discuter avec les provinces de la
rationalisation des programmes et des services gouvernementaux et
d'examiner avec elles quel ordre de gouvernement est le plus en
mesure d'en assurer la prestation. Toutes les propositions des
provinces seront examinees. Dans un premier temps, le gouvernement
propose d'entamer des discussions avec les provinces dans les
domaines suivants :
-les poursuites contre les trafiquants de drogue
-la conservation et la protection de la faune
-le transport des marchandises dangereuses
-la conservation de l'eau et des sols
-les services de traversiers
-les ports pour petites embarcations
-certains aspects de la reglementation du secteur financier
-certains aspects de la Loi sur les faillites
-certains aspects des pratiques commerciales deloyales
-les programmes d'inspection
27. L'exercice du pouvoir federal de depenser dans les
domaines de competence provinciale exclusive. Le gouvernement du
Canada s'engage a n'entreprendre aucun nouveau programme
cofinance ni transferts condi-tionnels dans les domaines de
competence exclusivement provinciale sans l'approbation d'au moins
sept provinces representant 50 pour 100 de la population. Cet
engagement serait inscrit dans la Constitution. La modification
constitutionnelle prevoirait aussi une compensation juste pour les
provinces non participantes qui etabliraient leurs propres programmes
atteignant les objectifs du nouveau programme national.
28. La gestion de l'interdependance : un Conseil de la
federation. Le gouvernement du Canada propose d'inscrire dans la
Constitution un Conseil de la federation forme des gouvernements
federal, provinciaux et territoriaux qui se reunirait pour prendre des
decisions sur des questions de coordination et de collaboration
intergouvernementales. Le Conseil aurait pour mandat de se prononcer
par vote sur les projets de lois federaux visant a ameliorer le
fonctionnement de l'union economique en vertu du nouveau pouvoir
propose; de se prononcer par vote sur les lignes directrices
d'harmonisation et de coordination financieres, de meme que de
determiner des procedures visant a ameliorer la collaboration dans ce
domaine; de prendre des decisions a l'egard de l'utilisation du
pouvoir federal de depenser en vue de la mise en oeuvre de nouveaux
programmes nationaux cofinances et les transferts conditionnels, dans
les domaines de competence exclusivement provinciale. Toutes les
decisions du Conseil de la federation necessiteraient l'approbation du
gouvernement federal et d'au moins sept provinces representant 50
pour 100 de la population.
Conclusion
Comment parvenir au but
Si, apres etre arrives a cette conclusion, nous ne nous etions
pas sentis obliges de mettre de cote nos opinions
personnelles sur des points de detail, si nous ne nous etions
pas sentis obliges de considerer ce qui etait realisable en
evitant de rejeter systematiquement les opinions des autres
et de maintenir obstinement les notres , si nous ne nous
etions pas reunis dans un esprit de conciliation et avec
l'ardent desir de former un seul peuple ayant un seul
gouvernement, nous n'aurions jamais reussi.
Sir John A. Macdonald, 1865
Les Canadiens, oy qu'ils habitent, se soucient beaucoup de leur
pays, tout comme ils sont attaches aux avantages et aux espoirs que
leur apporte la citoyennete canadienne.
L'occasion leur est maintenant offerte de rendre leur pays
encore meilleur, comme de rendre nos institutions plus receptives,
notre economie plus prospere, nos arrangements politiques plus
efficaces, nos gouvernements plus responsables envers les citoyens.
C'est le moment de reconnaitre et d'exprimer le caractere de nos
identites differentes. Peut-etre pourrons-nous redecouvrir un grand
dessein commun. C'est ainsi que progressent les peuples.
Les propositions mises de l'avant par le gouvernement du
Canada dans le present document ont ete concues pour repondre aux
preoccupations exprimees par des Canadiens et Canadiennes de tous
les milieux. Nos concitoyens autochtones, qui ont ete laisses pour
compte dans le premier pacte confederatif et dont les interets ont ete
souvent negliges depuis, constituent l'un de ces groupes. Un
deuxieme est forme de ceux qui croient que le pacte initial n'a pas ete
entierement respecte; beaucoup de Quebecois pensent en effet que le
Canada a renie ses engagements historiques concernant leur
specificite. Et que dire de nos concitoyens des provinces de
l'Atlantique, dont le revenu moyen est encore nettement inferieur a
celui des autres Canadiens 125 ans plus tard; et de nos concitoyens
de l'Ouest, qui ont souvent denonce, ces dernieres annees,
l'insensibilite a leurs interets d'institutions nationales qui ne refletent
que marginalement la nature regionale de notre pays. De nombreux
Canadiens considerent, quant a eux, que le pacte federal souffre
d'anachronisme, qu'il n'a pas ete remis a jour pour repondre aux
besoins nouveaux. Ils sont convaincus que les modalites de notre
union devraient etre transformees, tout comme l'a ete le Canada, de
sorte que le pays puisse rattraper l'evolution des tendances sociales,
les nouvelles realites economiques, les valeurs changeantes qui sont
porteuses d'avenir.
Ces propositions sont presentees dans un esprit d'ouverture et
dans l'espoir d'engager notre pays sur la voie du renouveau. Nous
les avons voulues exhaustives, mais pas immuables. Elles visent a
susciter un vaste debat public sur des problemes concrets et precis.
Le gouvernement invite donc la population a participer au processus
de definition d'un nouveau consensus pour le Canada, un consensus
auquel il sera possible de donner une expression palpable en apportant
des modifications a notre Constitution, en concluant des ententes entre
gouvernements, en changeant le fonctionnement de nos institutions.
Ces propositions seront soumises a l'examen du Comite mixte
special qui compte s'entretenir directement avec les Canadiens de
diverses regions, de meme qu'avec leurs representants provinciaux et
territoriaux. Chaque Canadien aura le droit, et le devoir, de participer
a ses travaux. Le Comite deposera son rapport au debut de 1992.
Apres avoir etudie les conclusions du Comite mixte, le gouvernement
du Canada proposera au Parlement un projet de renouvellement du
pays.
Le gouvernement a bon espoir qu'au terme de ce debat
national, les Canadiens auront acquis une meilleure connaissance et
une plus grande comprehension du pays. Une fois de plus, il faudra
faire appel au sens du compromis, donc a la tolerance. Nous
pourrons nous appuyer en cela sur des valeurs et les institutions qui
nous sont cheres et qui ont fait leur preuve. Et c'est ainsi que nous
reussirons a batir ensemble un pays qui soit notre et a se doter d'une
constitution qui puisse en etre le fidele reflet.
Annexe I
Liste des propositions
Partie I : Citoyennete commune et diversite
1. Reaffirmation des droits et libertes des citoyens. Le
gouvernement du Canada reaffirme le principe selon lequel les droits
fondamentaux enonces dans la Charte constituent un element essentiel
de la Constitution canadienne. Le gouvernement du Canada propose
que la Charte canadienne des droits et libertes soit modifiee de
maniere a garantir le droit a la propriete. Le gouvernement du Canada
propose egalement que la proportion de votes necessaire au Parlement
ou a une assemblee legislative provinciale pour invoquer la
disposition derogatoire (article 33) ne soit plus la majorite simple,
mais une majorite de 60 pour 100 des deputes du Parlement ou de
l'assemblee legislative.
2. Reconnaissance du caractere distinct du Quebec et de la
dualite linguistique du Canada. Le gouvernement du Canada propose
que soit insere dans la Charte un article prescrivant que la Charte
canadienne des droits et libertes soit interpretee de facon a respecter
le caractere distinct du Quebec au sein du Canada. L'article se lirait
comme suit :
25.1 (1)Toute interpretation de la Charte doit concorder avec :
a) la protection et la promotion du caractere de societe
distincte du Quebec au sein du Canada;
b) la protection de l'existence de Canadiens d'expression
francaise, majoritaires au Quebec mais presents aussi dans le
reste du pays, et de Canadiens d'expression anglaise,
majoritaires dans le reste du pays mais presents aussi au
Quebec.
(2)Pour l'application du paragraphe (1), une societe distincte
comprend notamment :
a) une majorite d'expression francaise;
b) une culture unique en son genre;
c) une tradition de droit civil.
[Voir des extraits de la Charte a l'annexe a la fin de la Partie I : les
articles 1, 25 (le nouvel article 25.1 y compris), 27, 28 et 31.]
3. Participation des autochtones aux deliberations
constitutionnelles en cours. Le gouvernement du Canada entend
s'assurer que les peuples autochtones participent aux deliberations
constitutionnelles en cours.
4. Autonomie gouvernementale des autochtones. Le
gouvernement du Canada propose de modifier la Constitution de
maniere a consacrer un droit general a l'autonomie gouvernementale
autochtone au sein de la federation canadienne qui serait invocable
devant les tribunaux et sujet a la Charte canadienne des droits et
libertes, la nature de ce droit etant decrite de facon a en faciliter
l'interpretation par les tribunaux. Afin d'aider le gouvernement du
Canada, les gouvernements des provinces et des territoires et les
peuples autochtones a s'entendre sur la teneur de ce droit, il ne
deviendrait executoire qu'apres une periode maximale de 10 ans. Le
Comite mixte special devrait se pencher sur les parametres generaux
du droit qui sera inscrit dans la Constitution ainsi que sur les
competences qu'exerceront les administrations gouvernementales
autochtones.
5. Processus constitutionnel autochtone. Le gouvernement du
Canada propose d'inscrire dans la Constitution un processus
constitutionnel particulier pour le traitement des dossiers autochtones
qui ne seront pas abordes pendant l'actuelle ronde de discussions
constitutionnelles et de suivre de pres les progres accomplis dans les
negociations sur l'autonomie gouvernementale.
6. Representation des peuples autochtones au Senat. Le
gouvernement du Canada propose que la representation des
autochtones soit garantie au sein d'un nouveau Senat.
7. Clause Canada dans la Constitution. Le gouvernement du
Canada propose d'inserer a l'article 2 de la Loi constitutionnelle de
1867, une " clause Canada " enoncant ce que nous sommes en tant
que peuple et ce a quoi nous aspirons. Le gouvernement du Canada
croit que cette clause devrait faire etat des caracteristiques et des
valeurs canadiennes suivantes :
-une federation dont l'identite se nourrit des caracteristiques
particulieres a chaque province, aux territoires et aux
collectivites;
-l'egalite des femmes et des hommes;
-l'attachement des Canadiens aux principes d'equite,
d'ouverture et de pleine participation de tous les citoyens a la
vie de leur pays, quelles que soient leur race, leur couleur,
leurs croyances, leur condition mentale ou physique ou leur
culture;
-la reconnaissance de l'autonomie des peuples autochtones
comme fait historique et la reconnaissance de leurs droits au
sein du Canada;
-la reconnaissance de la responsabilite des gouvernements de
preserver les deux majorites et minorites linguistiques du
Canada;
-la responsabilite fondamentale qui incombe au Quebec de
proteger et de promouvoir sa societe distincte;
-la contribution de peuples d'origines culturelles et ethniques
diverses a l'edification d'un Canada fort;
-l'importance de la tolerance, tant pour les individus que pour
les groupes et les collectivites;
-un engagement a l'egard de l'objectif du developpement
durable compte tenu de l'importance du territoire, de l'air et de
l'eau et de la responsabilite que nous avons de les preserver et
de les proteger pour les generations futures;
-le respect des droits individuels et collectifs tels qu'enonces
dans la Charte canadienne des droits et libertes;
-la libre circulation des personnes, des biens, des services et des
capitaux dans l'ensemble de l'union economique canadienne,
et le principe de l'egalite des chances dans l'ensemble du
Canada;
-l'engagement envers le bien-etre de tous les Canadiens;
-l'attachement a un regime de gouvernement parlementaire
democratique;
-l'equilibre typiquement canadien entre les libertes individuelles
et collectives d'une part et, d'autre part, les responsabilites
individuelles et collectives que nous partageons tous.
Partie II : Des institutions receptives au service d'un
Canada moderne
8. Chambre des communes. Le gouvernement du Canada
s'engage a poursuivre le processus de reforme parlementaire pour
offrir plus de votes libres aux deputes et limiter le nombre de votes
de censure.
9. Principes a la base de la reforme du Senat : un Senat elu,
efficace et plus equitable. Le gouvernement du Canada propose :
-que le Senat soit elu directement;
-que les elections au Senat cooncident avec les elections a la
Chambre des communes;
-que la composition du Senat assure une representation
beaucoup plus equitable des provinces et des territoires;
-que la Chambre des communes demeure l'organe legislatif
principal;
-qu'en regle generale, il faille, pour que des mesures deviennent
lois, qu'elles soient approuvees tant par le Senat que par la
Chambre des communes, comme c'est le cas actuellement;
-pour les questions relatives a la langue et a la culture, que le
Senat soit assujetti a une regle speciale, celle de la majorite
double, pour la tenue des votes;
-dans le cas des questions d'importance nationale, comme la
defense nationale et les relations internationales, que le Senat
dispose d'un veto suspensif de six mois. Apres expiration d'un
veto suspensif, la Chambre des communes devrait adopter de
nouveau le projet de loi vise par ce veto pour qu'il devienne
loi;
-etant donne qu'il n'est pas une chambre dotee d'un vote de
confiance, que le Senat n'ait aucun role legislatif a l'egard des
projets de loi de credits et des mesures de financement, y
compris les pouvoirs d'emprunt;
-que les autochtones du Canada soient assures d'une
representation au Senat;
-que le Senat continue d'avoir pour mandat de mener des
enquetes speciales sur des questions de politique d'interet
public.
10. Details de la reforme du Senat. Le gouvernement du Canada
propose que le Comite mixte special du Parlement examine les
questions suivantes :
-le mode d'election directe du Senat;
-le nombre et la repartition appropries des sieges au Senat;
-en consultation avec les peuples autochtones, la representation
appropriee des Premieres nations du Canada.
11. Ratification par le Senat des nominations aux conseils et
organismes de reglementation. Le gouvernement du Canada propose
que le Senat ait le mandat d'enteriner la nomination du gouverneur de
la Banque du Canada et les nominations aux postes de direction
d'institutions culturelles nationales telles que Radio-Canada, le
Conseil des arts du Canada, l'Office national du film, la Bibliotheque
nationale, les Archives nationales, les musees nationaux, la Societe de
developpement de l'industrie cinematographique canadienne et le
Centre national des arts, de meme que les nominations a la direction
des conseils et organismes de reglementation, comme l'Office national
de l'energie, l'Office national des transports, le Conseil de la
radiodiffusion et des telecommunications canadiennes, la Commission
de l'immigration et du statut de refugie et l'Office canadien des
evaluations environnementales dont la creation est envisagee.
12. Nominations a la Cour supreme du Canada. Le
gouvernement du Canada apportera a la Constitution une modification
qui conferera aux provinces et territoires un role dans le processus de
nomination a la Cour supreme. Celles-ci seraient faites par le
gouvernement federal a partir de listes de candidats soumises par les
gouvernements provinciaux et territoriaux, le candidat choisi devant
recevoir l'agrement du Conseil prive de la Reine pour le Canada.
Le gouvernement du Canada serait dispose a aller de l'avant avec
la consecration dans la Constitution de l'existence de la Cour supreme
et de sa composition s'il etait juge souhaitable d'inclure dans les
propositions definitives des questions necessitant l'unanimite.
13. La formule de modification de la Constitution. Le
gouvernement serait dispose a aller de l'avant avec les changements
a la formule de modification proposes dans l'Accord du lac Meech si
un consensus sur le sujet devait se degager, si l'accession des
territoires au statut de provinces devait se faire en vertu de la formule
actuelle, et s'il etait juge souhaitable, dans les propositions definitives,
d'inclure des questions necessitant l'unanimite.
Partie III : Preparer un avenir plus prospere
14. L'elargissement de l'article 121, la clause du marche
commun. Le gouvernement du Canada propose que l'article 121 de
la Loi constitutionnelle de 1867 soit modifie pour se lire comme suit
:
121. (1) Le Canada constitue une union economique oy est
assuree la liberte de circulation des personnes, des
biens, des services et des capitaux independamment de
toute barriere ou autre restriction fondee sur les
delimitations provinciales ou territoriales.
(2) Il est interdit au Parlement et au gouvernement du
Canada, de meme qu'aux legislatures et aux gouvernements
des provinces, de contrevenir, par la loi ou dans la
pratique, au principe enonce au paragraphe (1).
(3) Le paragraphe (2) n'a pas pour effet d'invalider :
a) les lois federales edictees pour la mise en oeuvre des
principes de la perequation et du developpement
regional;
b) les lois provinciales edictees en faveur de la
reduction des inegalites economiques entre regions de
la meme province, a condition que ces lois ne creent
pas, a l'egard des personnes, biens, services ou capitaux
d'origine exterieure a la province, des barrieres ou
autres restrictions plus severes qu'a l'egard des
personnes, biens, services ou capitaux provenant d'une
region de la province; ou
c) les lois federales ou provinciales declarees d'interet
national par le Parlement.
(4) La declaration visee a l'alinea (3)c) n'a d'effet que si
elle est agreee par les gouvernements d'au moins deux tiers
des provinces dont la population confondue represente,
selon le recensement general le plus recent a l'epoque, au
moins cinquante pour cent de la population de toutes les
provinces.
(5) Le present article entrera en vigueur le 1er juillet 1995.
15. Le pouvoir de gestion de l'union economique. Le
gouvernement du Canada propose d'ajouter l'article suivant a la Loi
constitutionnelle de 1867, immediatement apres l'article 91 :
91A. (1)Sans que soient modifiees ses autres competences
legislatives, le Parlement du Canada a competence
exclusive pour legiferer en toute matiere qu'il declare
utile a l'efficacite de fonctionnement de l'union
economique.
(2)Une loi federale edictee au titre du present article n'a
d'effet que si elle est agreee par les gouvernements d'au
moins deux tiers des provinces dont la population confondue
represente, selon le recensement general le plus recent a
l'epoque, au moins cinquante pour cent de la population de
toutes les provinces.
(3)L'assemblee legislative d'une province dont le
gouvernement n'approuve pas une loi federale visee au
paragraphe (2) peut, par une resolution adoptee par
soixante pour cent de ses membres, declarer expressement
que la loi federale ne s'applique pas sur son territoire.
(4)La declaration visee au paragraphe (3) cesse d'avoir
effet a la date qui y est precisee ou, au plus tard, trois ans
apres qu'elle a ete faite.
Le gouvernement du Canada propose en outre que le Comite
mixte special examine si la resolution devrait etre renouvelable.
16. L'harmonisation des politiques economiques. Le
gouvernement du Canada propose egalement d'elaborer avec les
provinces un calendrier annuel qui permettra l'etablissement de
processus budgetaires plus ouverts et plus visibles.
Le gouvernement du Canada propose aussi d'etablir avec les
provinces des lignes directrices destinees a ameliorer la coordination
des politiques financieres et leur harmonisation avec les politiques
monetaires du Canada. Une fois approuvees, ces lignes directrices
seraient enoncees dans la legislation federale en vertu du nouveau
pouvoir de gestion de l'union economique. En consequence, ces
lignes directrices exigeraient l'approbation d'au moins sept provinces
representant 50 pour 100 de la population et un maximum de trois
provinces pourraient se prevaloir du droit de retrait.
Le gouvernement propose en outre de discuter avec les provinces
l'etablissement d'un organisme independant charge de surveiller et
d'evaluer les politiques macro-economiques des gouvernements
federal et provinciaux.
17. La reforme de la Banque du Canada. Le gouvernement du
Canada propose de modifier la Loi sur la Banque du Canada afin
qu'il soit clair que le mandat de la Banque est de realiser et de
preserver la stabilite des prix. Afin que les regions soient representees
au conseil d'administration de la Banque du Canada, le gouvernement
demandera l'avis des gouvernements provinciaux et territoriaux et il
les consultera avant de nommer des membres au conseil de direction.
Le gouvernement propose en outre de creer des comites consultatifs
regionaux qui conseilleront les directeurs de la Banque au sujet de la
conjoncture economique dans les regions. Le gouvernement cherchera
aussi l'avis des gouvernements provinciaux et territoriaux concernant
la constitution de ces comites. Qui plus est, la nomination du
gouverneur de la Banque du Canada serait assujettie a la ratification
du Senat.
18. La formation. Le gouvernement du Canada propose la
modification de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour
que la formation de la main-d'oeuvre soit reconnue explicitement
comme etant un domaine de competence provinciale exclusive.
19. L'immigration. Compte tenu du role que doit jouer le
gouvernement du Canada dans l'etablissement de la politique
canadienne et des objectifs nationaux en matiere d'immigration, le
gouvernement du Canada est dispose a negocier avec toute province
des ententes adaptees a la situation particuliere de cette province et a
consigner ces ententes dans la Constitution.
20. La culture. Le gouvernement du Canada negociera avec les
provinces, a leur demande, des accords adaptes a la situation
particuliere de chaque province, afin de definir clairement le role de
chacun des ordres de gouvernement. S'il y a lieu, ces accords seront
inscrits dans la Constitution.
21. La radiodiffusion. Le gouvernement du Canada propose ce
qui suit :
1. consulter les provinces au sujet de l'octroi des nouvelles
licences;
2. donner aux gouvernements provinciaux et a leurs
mandataires la possibilite de devenir des entreprises de
radiodiffusion publiques a part entiere ayant une
programmation variee, sous reserve de la reglementation du
CRTC;
3. regionaliser davantage les activites du CRTC et elargir les
roles de ses bureaux regionaux;
4. permettre aux provinces de participer a la nomination des
commissaires regionaux du CRTC.
22. Le pouvoir residuel. Le gouvernement du Canada propose
de se reserver la disposition relative a " la paix, l'ordre et le bon
gouvernement " de la Loi constitutionnelle de 1867 afin de preserver
sa competence a l'egard des questions ou des urgences nationales. Le
gouvernement du Canada est toutefois dispose a transferer aux
provinces les prerogatives concernant les questions qui ne sont pas de
nature nationale, et qui n'ont pas ete specifiquement attribuees au
gouvernement federal en vertu de la Constitution ou suite a une
decision d'un tribunal.
23. Le pouvoir declaratoire du gouvernement federal. Le
gouvernement du Canada est dispose a appuyer une modification
constitutionnelle destinee a supprimer le pouvoir declaratoire enonce
a l'alinea 92(10)(c).
24. La reconnaissance des spheres de competence provinciale.
Dans ce cadre, le gouvernement du Canada est determine a assurer le
maintien de la capacite canadienne actuelle de recherche et de
developpement et a s'acquitter de ses obligations constitutionnelles a
l'egard des relations internationales et des affaires autochtones. Le
gouvernement du Canada est dispose a reconnaitre la competence
exclusive des provinces et a discuter avec elles de la meilleure facon
d'exercer son role dans les domaines suivants :
25. La delegation de pouvoirs legislatifs. Le gouvernement du
Canada enterine la recommandation du Comite mixte parlementaire
Beaudoin-Edwards voulant que la Constitution soit modifiee de facon
a permettre la delegation de pouvoirs legislatifs entre le Parlement et
les assemblees legislatives et que soient inserees dans la Constitution
des dispositions permettant la delegation de pouvoirs legislatifs d'un
ordre de gouvernement a l'autre avec le consentement mutuel des
corps legislatifs concernes.
26. Secteurs sujets a la rationalisation. Afin de fournir aux
Canadiens le meilleur service au cout le plus faible possible, le
gouvernement federal est dispose a discuter avec les provinces de la
rationalisation des programmes et des services gouvernementaux et
d'examiner avec elles quel ordre de gouvernement est le plus en
mesure d'en assurer la prestation. Toutes les propositions des
provinces seront examinees. Dans un premier temps, le gouvernement
propose d'entamer des discussions avec les provinces dans les
domaines suivants :
-les poursuites contre les trafiquants de drogue
-la conservation et la protection de la faune
-le transport des marchandises dangereuses
-la conservation de l'eau et des sols
-les services de traversiers
-les ports pour petites embarcations
-certains aspects de la reglementation du secteur financier
-certains aspects de la Loi sur les faillites
-certains aspects des pratiques commerciales deloyales
-les programmes d'inspection
27. L'exercice du pouvoir federal de depenser dans les
domaines de competence provinciale exclusive. Le gouvernement du
Canada s'engage a n'entreprendre aucun nouveau programme
cofinance ni transferts condi-tionnels dans les domaines de
competence exclusivement provinciale sans l'approbation d'au moins
sept provinces representant 50 pour 100 de la population. Cet
engagement serait inscrit dans la Constitution. La modification
constitutionnelle prevoirait aussi une compensation juste pour les
provinces non participantes qui etabliraient leurs propres programmes
atteignant les objectifs du nouveau programme national.
28. La gestion de l'interdependance : un Conseil de la
federation. Le gouvernement du Canada propose d'inscrire dans la
Constitution un Conseil de la federation forme des gouvernements
federal, provinciaux et territoriaux qui se reunirait pour prendre des
decisions sur des questions de coordination et de collaboration
intergouvernementales. Le Conseil aurait pour mandat de se prononcer
par vote sur les projets de lois federaux visant a ameliorer le
fonctionnement de l'union economique en vertu du nouveau pouvoir
propose; de se prononcer par vote sur les lignes directrices
d'harmonisation et de coordination financieres, de meme que de
determiner des procedures visant a ameliorer la collaboration dans ce
domaine; de prendre des decisions a l'egard de l'utilisation du
pouvoir federal de depenser en vue de la mise en oeuvre de nouveaux
programmes nationaux cofinances et les transferts conditionnels, dans
les domaines de competence exclusivement provinciale. Toutes les
decisions du Conseil de la federation necessiteraient l'approbation du
gouvernement federal et d'au moins sept provinces representant 50
pour 100 de la population.
Points saillants
Le contexte
Les Canadiens vivent actuelle-ment une periode qui pose un grand defi, mais
qui offre en meme temps une occasion inesperee.
Le defi, c'est de redefinir le texte juridique fondamental du Canada - la
Constitution - pour que nous puissions tous nous sentir chez nous dans notre
propre pays. L'occasion inesperee, c'est de moderniser une constitution qui a
ete redigee essentiellement au XIXe siecle, afin que le Canada soit en mesure
de mieux relever les defis du XXIe siecle.
La Constitution enonce les modalites de notre vie collective. Bien des
Canadiens, cependant, ne sont pas satisfaits de l'accord constitutionnel
actuel, estimant qu'il ne leur permet pas de realiser leurs aspirations.
La Constitution etablit egalement les fondements des institutions
nationales de gouvernement. Cependant, bien des Canadiens ont l'impression
que leur systeme parlementaire de democratie est loin d'eux et qu'il ne
repond pas a leurs besoins.
L'administration gouverne- mentale, entravee par trop de bureaucratie, de
reglementation et d'inefficacite, est fort couteuse et complexe, au point que
les contri- buables ont peine a s'y retrouver.
Les propositions du gouverne-ment federal visent a renouveler le
federalisme; a instaurer un partenariat entre les gouvernements de la
Confederation; a collaborer a assurer la prosperite du pays et a faire
participer les citoyens aux decisions afin d'assurer l'unite du pays et sa
prosperite.
L'unite et la prosperite se rame-nent a une seule chose : batir un pays
plus fort. Un pays oy chacun puisse se sentir chez soi. L'objet des
discussions constitutionnelles de la " ronde Canada ", c'est de preparer le
pays pour le siecle qui s'annonce.
Les propositions federales : batir l'avenir ensemble
Les propositions federales, intitulees " Batir ensemble l'avenir du
Canada " comportent trois parties.
La premiere partie, " Citoyennete commune et diversite ", porte sur
l'identite et les valeurs des Canadiens. La deuxieme, " Des institutions
receptives au service d'un Canada moderne ", traite essentiellement de la
reforme parlementaire, notamment d'un Senat elu, efficace et plus equitable
ainsi que d'une refonte du reglement de la Chambre des communes. Dans la
troisieme, " Preparer un avenir plus prospere ", le gouvernement propose
d'ameliorer la gestion de l'economie et de rationaliser les services
gouvernementaux, afin de renforcer l'union economique, de fournir de
meilleurs services aux Canadiens et d'eliminer les recoupements et les
doubles emplois souvent couteux.
La partie I, " Citoyennete commune et diversite ", propose de :
- Reaffirmer les libertes fondamentales garanties dans la Charte canadienne
des droits et libertes, notamment la liberte d'expression, la liberte de la
presse et la liberte d'association, et ajouter a la Charte le droit a la
propriete. Avec les changements proposes, il serait plus difficile pour les
gouvernements de passer outre aux droits des citoyens qui sont garantis dans
la Charte, car il faudrait, pour invoquer la " clause nonobstant ", qu'un
Parlement ou les membres d'un corps legislatif recueillent 60 pour 100 des
votes plutot que la majorite simple, comme c'est le cas actuellement.
- Rajouter au debut de la Constitution une " clause Canada " qui nous
definirait en tant que Canadiens et enoncerait nos aspirations ainsi que nos
valeurs communes, notamment le respect de la diversite, que le pays et ses
habitants sont prets a defendre.
- Reconnaitre la societe distincte du
Quebec dans la Charte canadienne des droits et libertes, car cette difference
est reconnue depuis plus de 200 ans dans la Constitution du Canada.
L'Acte de Quebec de 1774 reconnait aux Quebecois le droit de pratiquer leur
religion et de conserver leur langue et leur code civil, assurant de ce fait
la survie de leur langue et de leur culture.
Ces droits ont ete confirmes il y a exactement 200 ans dans la Loi
constitutionnelle de 1791, puis precises de nouveau dans l'Acte de l'Amerique
du Nord britannique de 1867, qui est le fondement de la Confederation, depuis
125 ans.
Le caractere distinct du Quebec fait partie de l'identite du Canada.
Alors que la Charte canadienne des droits et libertes de 1982 temoigne a
maints egards de cette identite en reconnaissant les droits des autochtones,
l'egalite des droits des deux sexes et le multiculturalisme, le caractere
distinct du Quebec n'y est cependant pas reconnu. Maintenant, nous avons
l'occasion de corriger cette lacune tout en protegeant les droits des
minorites de langues officielles du Canada, les anglophones au Quebec et les
francophones hors Quebec.
- Faire justice aux peuples autochtones du Canada : il est inacceptable que
les premiers peuples du Canada, qui etaient ici depuis des milliers d'annees
avant l'arrivee des colons europeens, se retrouvent des siecles plus tard
parmi les plus desavantages du Canada sur le plan social et economique. Les
premiers peuples du Canada, qui se gouvernaient eux-memes avant l'arrivee des
colons, ne reclament rien de plus que les moyens de reprendre en main leur
destinee a l'interieur du Canada.
Les peuples autochtones ont exprime sans equivoque, par la voix de leurs
dirigeants, le desir de se gouverner eux-memes. Le gouvernement federal
propose de reconnaitre dans la Constitution le droit des peuples autochtones
a l'autonomie gouvernementale, droit qu'ils pourront faire appliquer par les
tribunaux. Les peuples autochtones et les gouvernements pourront negocier,
sur une periode de 10 ans, des ententes a cette fin. Le droit a l'autonomie
gouvernementale serait reconnu dans la Constitution des maintenant, mais
serait mis en application par les tribunaux apres cette periode de
transition.
Le gouvernement est determine a assurer aux autochtones le role qui leur
revient dans les discussions de la " ronde Canada " et propose de reconnaitre
dans la Constitution un mecanisme de negociation pour les autres questions
autochtones. Le gouvernement propose aussi d'assurer la representation des
autochtones dans un nouveau Senat.
La partie II, " Des institutions au service d'un Canada
moderne ", propose de
- Repenser entierement la procedure de la Chambre des communes afin de lui
rendre toute son efficacite en tant qu'organe principal de la democratie
canadienne, et notamment :
- modifier les regles concernant les " votes de confiance " de facon a
permettre plus de " votes libres ", pour que les deputes puissent
exprimer librement leurs convictions et mieux representer la
population;
- donner aux comites parlementaires un pouvoir plus etendu pour amender
les projets de loi;
- consacrer plus de temps et accorder une plus grande priorite aux projets
de loi presentes par les deputes;
- combler les vacances a la Chambre des communes dans un delai prescrit.
- Remplacer le Senat, qui est actuellement nomme, par un Senat elu, efficace
et plus equitable.
Election du nouveau Senat : Le gouvernement propose que le Senat soit elu
en meme temps que la Chambre des communes, le mode d'election, le nombre et
la repartition des sieges devant etre etudies par un comite mixte special du
Parlement qui parcourra le Canada pour connaitre l'opinion des Canadiens sur
les propositions gouvernementales.
Pouvoirs d'un Senat elu : Le gouvernement fait les propositions qui
suivent.
- Que l'approbation du Senat soit generalement requise avant que les
projets de loi ne deviennent loi. Toutefois, le Senat n'aurait pas de
role legislatif a l'egard des projets de lois de credits et des mesures
de financement, y compris les pouvoirs d'emprunt. Le Senat aurait
cependant un droit de veto suspensif de six mois sur les questions d'une
importance nationale particuliere, telles que la defense et la politique
etrangere.
- Que le nouveau Senat soit assujetti a la regle speciale de la majorite
double pour les questions de langue et de culture.
- Que le nouveau Senat ait le pouvoir d'approuver la nomination du
gouverneur de la Banque du Canada et celle des dirigeants des
institutions culturelles, et des conseils et organismes federaux.
La Cour supreme : Le gouvernement propose que les provinces puissent
presenter des candidats pour combler les vacances au sein de cette institution
federale vitale, souvent appelee a trancher les differends federaux-provinciaux.
La partie III, " Preparer un avenir plus prospere ", propose
d'etablir un nouveau partenariat pour assurer la prosperite du pays. uvrant
ensemble, les deux ordres de gouvernement renforceraient l'union economique,
elimineraient les obstacles au commerce interprovincial et reduiraient les
chevauchements de services.
Le gouvernement federal fait en outre les propositions qui suivent.
- Moderniser la clause sur le marche commun contenue dans la Loi
constitutionnelle de 1867, afin de renforcer les quatre libertes
economiques : liberte de circulation des personnes, des biens, des
services et des capitaux a l'interieur du marche commun canadien.
Cette intention etait d'ailleurs clairement exprimee au moment de la
Confederation, car l'article 121 de l'Acte de l'Amerique du Nord britannique
de 1867 (AANB) precise que " tous articles du cru, en provenance d'une
province ou qui y sont produits ou fabriques, seront, a dater de l'Union,
admis en franchise dans chacune des autres provinces. "
Cela n'a pas ete le cas, car des centaines d'obstacles et d'autres restrictions
au commerce interprovincial limitent les quatre libertes fondamentales et nuisent au
developpement economique et a la mobilite des Canadiens. Il est clair que le temps
est venu de moderniser cet aspect de notre Constitution afin que tous les Canadiens
jouissent d'une plus grande liberte et d'une plus grande prosperite.
- Mettre en place de nouveaux mecanismes pour faire en sorte que les
gouvernements travaillent ensemble plus efficacement a administrer l'union
economique : le gouvernement propose un pouvoir legislatif federal lui
permettant d'administrer l'union economique en cooperation avec les
provinces.
- Instaurer de nouveaux modes de collaboration avec les provinces pour
assurer des processus budgetaires ouverts et coordonnes. Il s'agirait de
se debarrasser d'inutiles obligations au secret et d'assurer une
consultation plus valable.
Le gouvernement propose en outre de rapprocher les decideurs et le peuple
canadien pour lui offrir des meilleurs services dans les domaines suivants :
- Formation - Attribuer aux provinces la competence de la formation de la
main-d'oeuvre, intimement liee a l'education, qui est aussi un domaine
provincial. Toutefois, etant donne l'importance de la formation pour la
competitivite et la prosperite du Canada, il est vital que le gouvernement
federal et les gouvernements provinciaux s'entendent sur des normes pour
l'ensemble du Canada.
- Immigration - Conclure des ententes avec chaque province, selon la
situation de chacune.
- Culture - Negocier des ententes culturelles appropriees avec les provinces.
Le gouvernement federal reconnait, par exemple, la responsabilite
particuliere du Quebec de veiller a la conservation et a la promotion de
la langue et de la culture francaises.
- Radiodiffusion - Consulter les provinces pour la delivrance de nouveaux
permis et pour la nomination des commissaires regionaux au Conseil de la
radiodiffusion et des telecommunications canadiennes (CRTC).
- Pouvoir residuel - Reserver exclusivement au federal le pouvoir d'assurer
" la paix, l'ordre et le bon gouvernement " institue par l'AANB. Mais le
gouvernement federal est pret a transferer aux provinces le pouvoir
residuel pour les matieres qui ne lui sont pas deja attribuees dans la
Constitution.
- Pouvoir declaratoire - Renoncer au pouvoir declaratoire
qui lui permet de faire relever de sa competence des ouvrages provinciaux
lorsqu'il juge qu'ils sont dans l'interet general du Canada. Le pouvoir
declaratoire pourrait etre une cause de friction empechant le
fonctionnement harmonieux de la federation.
Dans le desir de rapprocher les decideurs des citoyens, le gouvernement
est dispose a reconnaitre la competence provinciale exclusive dans un certain
nombre de domaines, notamment la foresterie et les mines, le tourisme et les
loisirs, le logement et les affaires municipales. Toutefois, le gouvernement
federal continuera d'assumer ses responsabilites dans les affaires
internationales et les questions autochtones. Il s'engage egalement a
conserver la capacite de recherche et developpement du Canada.
Le gouvernement est aussi dispose a discuter de la rationalisation des
services et de quel niveau de gouvernement peut le mieux en assurer la
prestation. Le gouvernement presente une liste des services qui peuvent etre
rationalises, et invite les provinces et les territoires a lui faire part de
leurs suggestions.
Pouvoir federal de depenser : L'utilisation de ce pouvoir a entraine
l'ingerence unilaterale du gouvernement federal dans des domaines de
competence exclusivement provinciale. D'autre part, le gouvernement federal a
des responsabilites a assumer a l'egard de tous les Canadiens, en matiere
d'equite, de partage et de securite sociale.
- Le gouvernement propose de ne pas creer, sans le consentement de sept
provinces representant 50 pour 100 de la population, de nouveaux programmes
nationaux cofinances, ni de programmes avec droit de retrait dans des
domaines de competence provinciale exclusive. Les provinces qui opteraient
pour le retrait recevraient une indemnisation juste, pourvu qu'elles
aient elles- memes des programmes qui repondent aux objectifs du
programme national.
- Creer un Conseil de la federation, compose de representants federaux,
provinciaux et territoriaux et charge de trancher les questions de
coordination et de collaboration qui interessent plus d'un gouvernement.
Le processus
Le Comite mixte special parlementaire, qui est compose de membres de tous
les partis et preside conjointement par le senateur Claude Castonguay, du
Quebec, et par Dorothy Dobbie, deputee du Manitoba, sillonnera le pays pour
recueillir les opinions des Canadiens sur les propositions federales.
Le Comite doit deposer ses recommandations en fevrier 1992. Le
gouvernement presentera plus tard ses propositions officielles.
Voila pour la question du processus. Tous les Canadiens ont le droit et la
responsabilite de participer.
L'unite et la prosperite du pays, durant l'actuelle decennie et au-dela,
dependent des decisions qui seront prises dans les mois a venir.
Il revient a nous tous, Canadiens, de batir une federation renouvelee.
Apres tout, c'est notre Constitution qui est en jeu. Et l'avenir de notre
pays.