C’est avec tristesse que je reprends le titre légèrement modifié d’un
billet de 2013 qui célèbrait la sortie de la première version stable
du portage de ZFS pour le noyau Linux.
J’exprimais alors mon enthousiasme pour les 6 mois d’utilisation que
j’avais derrière moi et mon espoir que son utilisation puisse se
simplifier et se généraliser, malgré l’obstacle initial des licenses.
Sept ans plus tard, je reste très admiratif devant le travail
accompli et le développement de nouvelles fonctionnalités, au point
que toute la communauté d’OpenZFS s’appuie maintenant sur ZFSonLinux
et non plus sur Illumos. Techniquement, je n’ai jamais eu de
problèmes toutes ces années et suis plus que jamais un fan
de ce système de fichiers. BTRFS, qui possède une partie des
fonctionnalités qui m’intéressent, a été pour moi beaucoup plus
capricieux sur la même période. Heureusement, je ne lui confie mes
données qu’avec prudence.
Pourtant, depuis un an, les choses vont assez mal, non techniquement,
mais politiquement. J’avais d’abord accueilli favorablement la
décision de Canonical d’intégrer ZFS dans Ubuntu en invoquant des
arguments juridiques assez vagues. J’avais même espéré que cela
inciterait Oracle, qui avait investi dans le développement de BTRFS
et possédait aussi ZFS depuis son acquisition de Sun, à régler de
manière définitive le problème de la license de ZFS.
Malheureusement, l’initiative de Canonical semble avoir eu l’effet
inverse : 2019 aura été l’année où les développeurs du noyau Linux
ont paru vouloir la peau de ZFSonLinux. Si je comprends parfaitement
que les développeurs du noyau ne veuillent pas intégrer ZFS du fait
de sa license, voire qu’ils s’opposent à l’initiative de Canonical,
j’ai plus de mal avec l’idée que le développement de modules séparés
à compiler soi-même ou à distribuer séparément du noyau leur pose
problème. Les déclarations outrancières de Torvalds et d’autres
développeurs du noyau contre la technologie ZFS indiquent bien qu’il
ne s’agit pas seulement d’une question de license. ZFS vient
d’ailleurs, il est meilleur sur bien des points que les systèmes de
fichiers intégrés au noyau Linux ; il a peut-être nui au succès de
BTRFS ; il doit donc être éradiqué.
L’utilisation de mises à jour du noyau Linux dans le seul but
d’empêcher le bon fonctionnement des modules de ZFS sur ce noyau est
assez évidente et permet aux développeurs d’éviter d’endosser sous
une forme plus juridique (plus coûteuse en termes de finances et
d’image) un procès pour violation de licenses.
Je dois dire que devant l’injonction que semblent nous faire Linus
Torvalds et Christoph Hellwig de choisir entre Linux et ZFS, je suis
assez sûr de rester sur ZFS.
En plus de mon serveur, j’ai déjà un poste de travail sous FreeBSD.
Je perdrai moins à quitter Linux qu’à quitter ZFS. Et plus les années
passent, et plus la querelle entre GPL et BSD, qui me paraissait
byzantine il y a quelques années, m’apparaît comme un véritable enjeu
qui définit l’idée qu’on se fait de la liberté.