Fairphone, la voie de la vertu
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Date: 2019-03-10 16:50
Author: jdn06
Category: Distributions
Tags: Fairphone, BQ, Matériel, Téléphone, Ubuntu, Ubuntu Touch,
UBports

Après presque  trois ans  de bons  et loyaux  services, il  m’a fallu
renoncer  à  mon Aquaris  E5.  Non  qu’il  ait  fini par  manquer  de
puissance ou de fonctionnalités nouvelles,  non que son autonomie ait
réduit,  non que  je m’en  sois lassé.  J’ai même  tout fait  pour le
garder, mais cela n’a pas été possible.

En octobre dernier, en vacances dans la maison de mes grands-parents,
je l’oublie dans la poche de mon pantalon en compagnie d’un trousseau
de vieilles  clés aux formes  baroques et je pars  bravement ramasser
des pommes au verger. Malgré son  étui en tissu matelassé, lorsque je
le ressors de ma poche, l’écran est méchamment brisé, au point que la
dalle  tactile  ne  fonctionne  plus.  Très  contrarié,  je  parviens
pourtant  à l’éteindre  sans qu’il  redémarre (l’opération  n’est pas
aisée sans  la dalle tactile  ; je ne  me souviens même  plus comment
j’ai fait)  afin de  préserver la  batterie, bien  décidé à  le faire
réparer.

Lorsque  je  prends contact,  dans  les  différentes régions  que  je
parcours pendant les vacances, avec divers réparateurs de téléphones,
la réponse est toujours  la même : « Nous ne  travaillons pas avec la
marque  BQ. Essayez  chez un  autre  réparateur. »  J’en conclus  que
décidément, les gens ne doivent  rien acheter d’autre que des Samsung
ou des Apple ; des Wiko pour les plus audacieux.

Lorsque  j’entreprends  de  contacter  BQ France  qui  m’avait  vendu
l’appareil,  j’ai  la désagréable  surprise  de  m’apercevoir que  le
constructeur a fermé  son réseau de distribution en France ;  il faut
contacter directement l’entreprise espagnole. Leur site est très bien
fait et je suis rappelé très  vite par une personne parlant très bien
français. Les nouvelles en revanche n’ont rien de réjouissant :

- La réparation de l’écran coûtera au moins 115 €.

- Les frais d’expédition sont à ma charge.

- Les données du téléphone seront effacées.

Ce dernier point est important car ma dernière sauvegarde remontait à
plusieurs mois. J’allais  donc perdre des données ;  rien de vraiment
essentiel, mais c’est un point qui  me tient à cœur en informatique :
ne jamais perdre de données. Or,  il m’est impossible de me connecter
en USB ou par wifi au téléphone sans la dalle tactile.

Payer donc presque  130 € pour réparer un téléphone  âgé de trois ans
qui coûtait 199 € à l’achat, sans même pouvoir conserver ses données,
ça ne me paraît pas vraiment avantageux.

Je  décide donc  de  jouer  ma dernière  carte  :  tenter de  changer
moi-même l’écran du  téléphone. Après avoir lu  quelques tutoriels en
ligne, je  commande la pièce  sur un  site qui l’expédiera  depuis la
Chine pour une trentaine d’euros.

Un mois plus tard (c’est long un  mois avec un Samsung à clapet…), je
reçois enfin la  pièce et j’attends d’avoir quelques  heures de calme
devant moi pour faire passer le BQ sur le billard. Un ami bien équipé
m’a prêté une machine qui sert  à chauffer la colle, opération qui me
paraissait difficile. Ce  n’est finalement pas ça  qui coincera, mais
une fiche qui,  lors du remontage, ne voudra jamais  rentrer dans son
connecteur  et finira  par  casser,  à force  de  se faire  triturer.
Résultat, le téléphone est définitivement H.S.

Au passage,  le démontage de la  bête et la tentative  malheureuse de
remontage restent  une expérience intéressante.  Rien à voir  avec un
ordinateur d’aujourd’hui. Ces engins ne  sont pas du tout conçus pour
être  bricolés. Malgré  le prix  élevé, tout  y est  imbriqué et  mal
fait  :  colle,  vis  très nombreuses  et  mal  placées,  connecteurs
ésotériques et minuscules. L’esthétique  de l’engin (finesse, rebords
très limités) semble l’emporter  sur toute autre considération. Voilà
qui  ne  va pas  me  réconcilier  avec  ces machines  aujourd’hui  si
populaires.

Me voilà donc à la recherche d’un nouveau portable qui me permettrait
de rester sous UBports. Le choix semble assez simple :

- Trouver un portable d’occasion.

- Acheter neuf un Fairphone 2[1].

Comme  la démarche  de Fairphone  (production équitable  et téléphone
facilement démontable et réparable sans  outil) me paraît encore plus
judicieuse après cette expérience cuisante, je décide, malgré un prix
assez largement  supérieur aux 199 €  de mon  BQ, de leur  donner une
chance et j’achète ce téléphone à la mi-décembre.

Trois mois plus  tard, je ne regrette pas mon choix.  Lorsqu’on ouvre
le téléphone,  c’est clairement le  jour et  la nuit par  rapport aux
entrailles du BQ.  Voilà  un appareil  intelligemment conçu,  qui est
vraiment fait  pour être  facile à bricoler.  De plus,  le processeur
plus véloce et la mémoire qui fait  le double de mon BQ apportent une
fluidité bien appréciable à l’expérience. L’apport de la 4G n’est pas
négligeable non plus.

Tout n’est pas  rose pour autant. La batterie s’épuise  plus vite que
celle de mon BQ, laquelle était restée trois ans à un niveau vraiment
satisfaisant.  UBports  est  moins  bien supporté  qu’il  ne  l’était
sous  le  BQ. Les  bugs  sont  connus et  assez  nombreux :  image  à
l’envers sur  la lentille  avant, flash qui  ne fonctionne  pas, menu
wifi  qui disparaît  parfois  de la  barre  d’état, installateur  qui
plante. Heureusement, aucun n’est vraiment handicapant; les selfies à
l’envers ont même quelque chose d’amusant.

Il n’empêche que  Fairphone et UBports devraient  s’employer à régler
ces problèmes anciens.

- UBports  le devrait car c’est  le téléphone qu’il met  en avant sur
son  site et  le seul  encore vendu  neuf qui  est supporté.  Pour un
utilisateur néophyte, le simple fait que l’installateur récent plante
et qu’il faille utiliser une ancienne version pour pouvoir procéder à
l’installation paraît assez rédhibitoire.

- Fairphone fait l’effort de  faire évoluer la version d’Android avec
laquelle il est  livré et fournit des mises à  jour régulières. C’est
vraiment très  appréciable quand on  voit le comportement  des autres
fabricants. Néanmoins, l’argument du  libre et de l’indépendance face
à Google complèterait bien  l’argumentaire publicitaire du Fairphone.
Maintenant que  Purism va  commercialiser son Librem  5[2], Fairphone
devrait renforcer  un peu UBports  pour pouvoir défendre  son produit
chez sa clientèle libriste.

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Fairphone
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Librem