Title: Mariam Batsashvili
Date: 2017-01-21 15:20
Author: jdn06
Category: Vidéos
Tags: Batsashvili, Liszt

J’ai  fait il  y a  quelques semaines  une découverte  qui m’a  profondément
bouleversé :  il n’est  pas si  fréquent  de découvrir  une personnalité  si
originale, si douée et si attachante,  dans le monde assez standardisé de la
musique  classique. L’effet  de cette  rencontre fut  aussi marquant  que ma
découverte du  jeu d’Hélène Grimaud dans  Brahms, dans les années  90, ou un
peu plus tard des Kreisleriana de la trop rare Ekaterina Dershavina.

Mariam Batsashvili est  en effet tout à fait atypique :  elle est d’abord la
pianiste d’un compositeur, Franz Liszt,  lequel n’est pas particulièrement à
la mode. Quand elle parle de ce  génie, ses yeux se mettent à briller, comme
si le  sentiment qui  l’habitait dépassait  largement la  simple admiration.
Elle s’est fait connaître par deux  concours successifs où elle a interprété
ses œuvres :

-  Le Concours Franz Liszt pour les jeunes pianistes de Weimar où elle a été
récompensée en 2011.
-  Le Concours  international Franz  Liszt d’Utrecht  qu’elle a  remporté en
2014.

Miracle de vivre  à notre époque, on  peut revivre en ligne  sur Youtube son
parcours dans ces compétitions.

C’est pourtant un autre concert qui a attiré initialement mon attention : la
Sonate en si mineur  de Liszt donnée en concert à Hilversum  en 2016 sur une
chaîne  Youtube que  j’aime beaucoup,  celle de  AVROTROS klassiek.  Dans ce
concert hallucinant, l’une des meilleures  interprétations de cette sonate à
mon sens,  la pianiste,  métamorphosée physiquement en  une figure  de jeune
Liszt,  semble  s’immerger entièrement  dans  une  forme de  narration  très
tendue. Lorsqu’elle joue les notes finales, elle paraît porter le deuil d’un
amour perdu ;  les appaudissements  la ramènent  brutalement à  la réalité :
elle  n’est pas  un  héros  maudit de  cette  narration  musicale, mais  une
pianiste  en concert  qui se  doit de  venir saluer  le public,  et on  sent
l’effort pour recoller au monde qui l’entoure.

Si la virtuosité pure est certainement moins impressionnante que ce que peut
donner dans  la même  œuvre une Khatia  Buniatishvili, autre  jeune pianiste
géorgienne, le  propos musical est  beaucoup plus intéressant. Là  où Khatia
interprète une succession de moments paroxystiques très contrastés, qui sont
sensés  évoquer l’esthétique  romantique,  mais  impressionnent plus  qu’ils
n’émeuvent, Mariam offre  à l’auditeur un parcours très  tenu, presque raide
par moments, mais où  son existence même semble en jeu  à chaque instant, ce
qui produit à  la fois un jeu  très élégant et subtil, mais  qui atteint par
moments une dimension  de terreur inexorable très frappante.  Nulle pause ou
détente : l’auditeur reste  suspendu au récit dans  une perpétuelle tension,
tant la pianiste paraît déterminée dans son cheminement.

L’interprétation  de la  même sonate  en 2014,  pour la  finale du  Concours
Liszt, est  elle aussi  remarquable, même  si la conduite  est un  peu moins
tenue et plus hésitante. On retrouve en tout cas la même difficulté à sortir
de l’œuvre au moment des  applaudissements, alors pourtant qu’il s’agit dune
compétition !

Elle a donné un concert à la Cité  de la Musique ce mois de janvier, qui n’a
malheureusement pas été  repris sur Arte, sur  philharmoniedeparis.fr ou sur
Culturebox. En plus de ces précieux  témoignages vidéos sur Youtube, il faut
signaler  l’existence d’un  premier  disque, enregistré  dans  la foulée  du
Concours de 2014 et consacré bien entendu principalement à … Liszt !