Title: Un Brahms heureux !
Date: 2017-05-06 12:10
Author: jdn06
Category: Disques
Tags: Nelsons, Grimaud, Boston

Johannes  Brahms   symbolise  pour   certains  nietzschéens  mal   lunés  la
quintessence  de la  mélancolie brumeuse,  l’aigreur douce-amère  d’un barbu
vieillissant, bien loin de la  conception qu’ils peuvent avoir d’une musique
destinée à  mettre en mouvement le  corps dans une joyeuse  frénésie. Il est
vrai qu’on ne danse guère en écoutant le Requiem allemand…

Je crois cependant  que même ces extrémistes de la  joie peuvent risquer une
oreille à  l’écoute du  nouveau disque d’Andris  Nelsons à  Boston, consacré
cette fois à l’intégrale des symphonies de Brahms. En effet, voilà un Brahms
serein et lumineux, dynamique sans être bousculé, transparent sans perdre en
intensité, bien loin de l’épaisse soupe servie par certains.

Cette interprétation  réconcilie des traditions très  éloignées : les tempos
mesurés  et l’aspect  très organique  de la  construction rappellent  un peu
l’intégrale londonienne  d’un Klemperer,  tandis que  la transparence  et le
travail prodigieux  des textures  évoquent plutôt  les meilleurs  disques de
Dohnányi  à Cleveland.  On  est en  revanche assez  loin  d’un autre  Brahms
solaire et pour  lequel j’ai nettement moins d’affinités,  celui de Riccardo
Chailly à Leipzig.  Si les textures sont allégées dans  les deux cas, celles
du  Gewandhaus  sont  moins  transparentes  et  se  retrouvent  reléguées  à
l’arrière-plan par un chant un peu envahissant des premiers violons, le tout
dans un tempo  beaucoup plus allant. À Boston au  contraire, l’équilibre des
voix permet d’entendre  les entrelacements colorés de toutes  les voix, dans
une prise  de son particulièrement réussie,  en tout cas en  ce qui concerne
les FLAC 24/192.

Après un  disque Sibelius très impressionnant,  j’avais été un peu  déçu par
deux albums  Chostakovitch chez DG,  certes très  soignés, mais un  peu trop
lisses  à  mon  goût.  Voilà  donc de  quoi  raviver  l’intérêt  pour  cette
association d’un  des plus  vénérables orchestres  américains avec  un jeune
chef  charismatique et  débordant d’énergie.  Un seul  regret concernant  ce
disque : qu’il  n’inclue pas  les très  beaux concertos  exécutés à  la même
époque en  compagnie d’Hélène  Grimaud. D’autant  que les  témoignages qu’on
trouve en ligne  (1 & 2) ― ah,  quelle époque heureuse… Mais il  ne faut pas
traîner :  ce  n’est  que  pour  un  temps  limité  ―  laissent  penser  que
l’interprétation est plus  aboutie que dans leur album commun  chez DG. Dans
la même prise  de son que les  symphonies, le bonheur serait  à son comble ;
mais j’imagine que DG n’était pas d’accord…