Chapitre 2
De l'incompatibilité entre l'exercice de la psychothérapie par une agrégée nourrie depuis l'enfance des sublimes pensées de Freud et de Jung, et la surveillance des élèves par un adjudant-chef détaché des cadres de l'Armée pour être reclassé dans l'Éducation Nationale.
Tandis que, soutenu par le censeur, le proviseur se dirigeait vers l'infirmerie, un surveillant vint prendre la place au bureau du professeur.
- Je vais faire l'appel ! annonça-t-il.
Ayant ouvert un registre, il cita le premier nom :
- Sosthène Badoit !
Une réponse fusa :
- Ce n'est pas moi, M'sieur !
Fronçant les sourcils, le surveillant fixa l'élève qui venait de parler :
- Espèce de crétin ! Si ce n'est pas toi, ce n'est pas à toi de répondre !
- Ben, M'sieur ! C'est parce que je n'ai pas voulu qu'il y ait de malentendu entre nous...
- Est-ce que tu te moques de moi ? D'abord, lève-toi quand je te parle !
Conciliant, l'élève se dressa.
Le surveillant le contempla avec stupéfaction.
- Qu'est-ce que c'est que cette tenue ? Tu as mis un habit à queue ?
- Oui, M'sieur ! J'ai trouvé que ça faisait plus chic pour le jour de la rentrée.
- Mais il est trois fois trop grand pour toi !
- C'est forcé, M'sieur. Moi, je porte toujours les vieilles affaires de mon grand frère.
- Il a quel âge, ton frère ?
- Un an de plus que moi, M'sieur.
- Et il est si costaud que ça ?
- Non, M'sieur. Mais c'est parce que mon grand frère, il porte toujours les vieilles affaires de mon père.
- Qu'est-ce qu'il fait donc, ton père ?
- Il est administrateur à l'hôpital Lariboisière, M'sieur.
- Vraiment ? Administrateur ?
- Oui, M'sieur. C'est lui qui administre les lavements aux malades.
Frappant de grands coups de règle sur le bureau pour faire cesser les hurlements des élèves, le surveillant s'étonna :
- C'est pour donner des lavements aux malades ton père achète des habits à queue ?
- Il ne les achète pas, M'sieur. Mais mon père, il porte toujours les vieilles affaires de mon oncle, qui est huissier dans un ministère.
- C'est bon ! Assieds-toi. Non... Puisque je te tiens, dis-moi comment tu t'appelles, que je te pointe sur la liste.
- Désiré Victor, M'sieur.
- Désiré, c'est ton nom ou c'est ton prénom ?
- Je ne sais pas, M'sieur... Si vous voulez, ce soir, je demanderai à ma mère.
- Enfin ! éclata le surveillant. C'est incroyable de voir un abruti pareil ! Et ton père, lui, comment est-ce qu'il s'appelle ?
- Victor Désiré, M'sieur.
- Allons bon ! Ça ne m'avance pas. Parce que, naturellement, tu ne sais pas si Victor c'est son nom ou son prénom ?
- Et non, M'sieur.
- Mais voyons, imbécile ! Ta mère, comment est-ce qu'elle l'appelle, ton père ? Elle l'appelle Désiré, ou elle l'appelle Victor ?
- Ni l'un ni l'autre, M'sieur. Des fois elle l'appelle ivrogne, des fois elle l'appelle feignant^1.
Les rires moqueurs des enfants se faisant de plus en plus bruyants, le surveillant préféra mettre fin au dialogue.
- Assieds-toi ! ordonna-t-il.
Puis, consultant de nouveau le registre :
- Sosthène Badoit, absent... Christian Bertrand ?
Désiré Victor leva le doigt :
- Ce n'est pas moi, M'sieur. Et ce n'est pas mon frère non plus.
Le surveillant eut un geste de découragement :
- Comprends donc, mon ami ! Si ce n'est pas toi que je nomme, il ne faut pas répondre.
- Ben, M'sieur... J'ai eu peur que vous pensiez que c'est mon frère, alors j'ai voulu mettre les choses au point tout de suite.
- C'est idiot ! Pourquoi est-ce que j'aurais pu penser que c'est ton frère ?
- Parce que ce n'est pas moi, M'sieur. Et puisqu'on dit : “Si ce n'est toi, c'est donc ton frère”...
Désiré Victor n'eut pas le loisir de s'exprimer plus longuement, car des cris et des protestations s'étaient élevés dans le fond de la classe.
- Qu'est-ce qu'il se passe, là-bas ? interrogea le surveillant.
Une fille se dressa :
- M'sieur ! Duranteau a écrasé une boule puante !
Celui qu'on avait appelé Duranteau quitta sa place et, se dirigeant vers la chaire en tenant d'une main ses chaussures et de l'autre ses chaussettes, il s'écria d'une voix que l'indignation faisait vibrer :
- Isabelle est une menteuse, M'sieur !
Le surveillant plissa le nez :
- Tu ne peux pas nier ! L'odeur est épouvantable !
- Mais, M'sieur ! expliqua Duranteau. Ce n'est pas une boule puante, c'est parce que je me suis déchaussé.
Pris de nausée, le surveillant détourna la tête :
- Quelle horreur ! Quand on a les pieds pourris comme les tiens, on ne se déchausse pas en classe !
- C'est parce que mes cors me font mal, M'sieur.
- Tes cors ? Et tu ne t'es jamais demandé pourquoi tes cors te faisaienet mal ?
- Ben non, M'sieur.
- M'sieur ! M'sieur ! interpella Mathurin Lahuri en agitant frénétiquement un bras pour attirer l'attention du surveillant.
- Qu'est-ce que tu veux, toi ?
- M'sieur ! Je le sais, pourquoi Duranteau a des cors qui lui font mal.
- Ah ? Tu le sais ? Et bien ! Explique-le-lui !
- C'est à cause de la vague de chaleur, M'sieur.
- Et qu'est-ce qu'il se passe, quand il y a une vague de chaleur ?
- Ça gonfle, M'sieur.
- Oui. Et pourquoi est-ce que ça gonfle ?
- Ben, M'sieur. Parce que la chaleur dilate les cors.
Le surveillant abattit brutalement sa main sur le bureau :
- Rassieds-toi, imbécile ! Si tu demandes encore une fois la parole pour dire des bêtises, tu aura affaire à moi !
Puis, se tournant vers Duranteau :
- Je vais te dire, moi, pourquoi tes cors te font mal : c'est parce que tu ne prends pas suffisamment soin de tes pieds ! Tu ne les laves donc jamais ?
- Ah ben non, M'sieur ! Moi, mes pieds, je tiens à les conserver intacts jusqu'à la fin de ma vie.
- Et alors ! De les laver, ce n'est pas ça qui les userait !
- Ça ne les userait peut-être pas, M'sieur ! Mais les pieds, c'est comme les dents : plus on les lave, plus ça les déchausse. Et puis, l'eau de Paris est trop malsaine : je ne veux pas risquer d'attraper des microbes.
Le surveillant haussa les épaules et, d'un geste découragé, fit signe de regagner sa place.
- M'sieur ! M'sieur ! intervint de nouveau Mathurin Lahuri.
- Quoi encore ?
- M'sieur ! C'est vrai que l'eau de Paris est malsaine ! La preuve, c'est qu'ils l'ont dit l'autre soir à la télé.
Le surveillant se frappa le front de ses mains avec accablement.
- La télé ! Vous ne pensez donc qu'à ça ? Si ça continue, dans dix ans, il n'y aura plus ni livres ni journeaux. Il n'y aura plus que la télé !
- Ah non, M'sieur ! assura doctement Mathurin. La télé ne remplacera jamais les journaux : c'est moi qui vous le dis.
- Vraiment ? C'est toi qui me le dit ! ironisa le surveillant. Et commenet le sais-tu, toi ?
- Je le sais, M'sieur, parce que ma mère est marchande de légumes. Et je vous garantis qu'elle n'acceptera jamais d'envelopper une salade dans un poste de télé.
- Je t'avais promis de te punir si tu m'interrompais encore pour rien ! murmura le surveillant en hochant la tête. Mais ça ne servirait à rien... Je parierais qu'à ton âge, tu bois déjà de l'alcool.
- Comme de juste, M'sieur !
- Petit malheureux ! Tu ne sais pas que l'alcool tue ?
- Oh ! L'eau a sûrement tué plus de gens que l'alcool, croyez-moi !
- L'eau a tué plus de gens que l'alcool ? C'est la première fois que j'entends énoncer une pareille sottise !
- C'est facile à prouver, M'sieur ! Il n'y a qu'à voir le déluge.
- Décidément, conclut le surveillant, tu es irrécupérable ! Mais on ne peut pas t'en vouloir... Tu as du être élevé par un père trop brutal.
À ces mots, Mathurin eut un sursaut d'indignation :
- Je vous défend de dire ça ! vociféra-t-il en brandissant l'index. Mon père est le plus doux des hommes et il préférerait mourir plutôt que de faire du mal à une mouche.
Conscient d'avoir vexé son éllève, le surveillant prit un ton plus bienveillant :
- Allons ! J'en suis bien content ! Et qu'est-ce qu'il fait comme métier, ton père ?
- Ben, M'sieur... Il est tueur aux abattoirs.
L'entrée du censeur, qui était accompagné d'une dame encore jeune mais un peu rébarbative et d'un homme à l'allure martiale, dispensa le surveillant d'une réponse ; il laissa la place aux nouveaux venus.
- Mes enfants, j'ai deux choses à vous dire ! annonça le censeur. Premièrement, Monsieur le Ministre de la Défense nationale ayant décidé de reclasser certains cadres de l'armée dans l'université, Monsieur l'adjudant-chef Flicaille, ici présent, a été nommé surveillant général ; il sera spécialement affecté à votre classe.
Le personnage qui venait d'être ainsi présenté claqua les talons :
- Affirmatif, mon Censeur !
Il y eut quelques cris hostiles.
L'adjudant-chef, qui pour marcher s'appuyait sur une canne, frappa quelques coups sur le plancher.
- Silence ! ordonna-t-il. Je ne tolérerai dans cette classe aucun manquement à la discipline. Désormais, quand vous aurez quelque chose à dire, vous vous tairez.
- Deuxièmement, poursuivit le censeur, nous avons décidé de vous donner un enseignement personnalisé et adapté à chacun de vous. C'est mademoiselle Martin, spécialiste en psychanalyse, qui établira votre quotient intellectuel. Je vous laisse avec elle et avec votre surveillant général...
Mademoiselle Martin consulta le registre des présences :
- Mes enfants, comme vous l'a expliqué Monsieur le Censeur, je vais vous faire passer quelques tests et vous poser quelques questions dans le but de déterminer votre âge mental selon la méthode de Binet-Simon. Toi, Landouillette...
Gontran se leva. Gonflant la poitrine, faisant un large geste du bras, il répondit avec morgue :
- Marquis Gontran Adalbert de Landouillette, comte de Cervelas, prince de Mortadelle et autres lieux... Je descends des croisés, Madame !
Et, présentant le dos de sa main à la psychologue qui s'était approchée :
- Si vous voulez voir mes armoiries sur ma chevalière...
Mademoiselle Martin se pencha :
- En effet, c'est très...
Une giclée de liquide lui jaillit au visage et Gontran, retournant sa main, s'esclaffa :
- Ha ! Ha ! Je vous ai bien eue, pas vrai ? Ce n'est pas une chevalière, c'est un pistolet à eau !
La psychanaliste s'épongea avec son mouchoir.
- Mon enfant, reprocha-t-elle avec douceur, ce que tu as fait là n'est pas digne de toi.
Gontran eut une moue désabusée :
- Ah ! Je sais bien que je ne devrais pas être aussi familier avec les gens du peuple ! Mais qu'est-ce que vous voulez... J'aime la simplicité, moi.
L'adjudant-chef Flicaille se précipita :
- Attends un peu, crétin ! Je vais te montrer que ma canne aussi, elle aime la simplicité !
Pesant sur la nuque de Gontran, il le força à se courber, brandit sa canne et l'abattit rudement au bas des reins du jeune marquis.
- Tiens ! Ça...
Aussi brusquement qu'elle s'était abaissée, la canne se releva et vint violemment heurterle nez du surveillant général.
- Ha ! Ha ! jubila Gontran. Voilà ce qui arrive quand on veut frapper un aristocrate ! Dans notre monde, nous rembourrons toujours nos pantalons avec du caoutchouc-mousse pour isoler nos fesses du contact des meubles rustiques.
Au comble de l'exaspération, Flicaille voulut agripper Gontran, mais mademoiselle Martin s'interposa :
- Ça suffit, Monsieur Flicaille ! Veuillez vous asseoir ! Je vous défends de toucher aux enfants ! Sachez qu'un éducateur digne de ce nom doit refuser le recours aux châtiments. Nous devons en toute circonstance nous référer aux admirables travaux de nos maîtres Freud et Jung et remplacer les punitions par la psychanalyse.
Et s'adressant de nouveau à Gontran :
- Reprenons notre examen, mon enfant ! Est-ce que tu peux me dire quel ests le nom du premier homme ?
- Oui, M'dame. C'est Mérovée.
- Comment cela, Mérovée ? Tu n'as jamais entendu parler d'Adam ?
Gontran eut un geste évasif :
- Adam ? Oui... Bien sûr, si on tient compte des roturiers.
- Hum... Passons à autre chose. Peux-tu me dire quel est l'organe qui te permet d'entendre ?
- Les oreilles, M'dame.
- Très bonne réponse ! Et avec quoi est-ce que tu perçois les odeurs ?
- Avec le nez, M'dame.
Mademoiselle Martin s'extasia :
- Ho, ho ! Sais-tu que c'est très intelligent, ce que tu dis là ? Maintenant, réfléchis bien avant de répondre... Pour voir, qu'est-ce que tu as ?
- Les yeux, M'dame.
- Parfait ! Et qu'est-ce que tu as pour goûter ?
- Ça dépend, M'dame ! Des fois du caviar, mais le plus souvent du foie gras.
- Mais non ! Il fallait répondre la langue !
- Ah ! Pas question, M'dame ! Nous, les aristocrates, on ne mange que les morceaux nobles. La langue, je laisse ça au fils de mon régisseur.
La psychologue inscrivit quelques notes sur un carnet, puis elle appela :
- Désiré Victor !
- Présent, M'dame !
Mademoiselle Martin s'approcha du garçon et lui mettant devant les yeux un tableau quelle venait de retirer de sa serviette :
- Lis tout haut ce qui est écrit ! ordonna-t-elle.
Désiré Victor se mit à ânonner :
- L'EAU BOUT : A - à 1000°. B - à 500°. C - à 200°. D - à 100°. E - à 90°.
- Très bien ! approuva mademoiselle Martin. Une seule de ces cinq réponses est exacte^2. Peut-tu me dire laquelle ?
- Ben, M'dame... C'est la dernière réponse qui est juste.
La plupart des élèves éclatèrent de rire ; Désiré Victor devint tout rouge de confusion.
Mademoiselle Martin se tourna vers des rieurs.
- Ce n'est pas charitable de vous moquer de ce petit ! Toi ! Explique-moi donc pourquoi tu ris.
C'était à Isabelle que la psychologue s'était adressée.
- C'est parce qu'il a dit une bê^tise, M'dame.
- Oui. Et quelle bêtise ?
- Ben... Ce n'est pas l'eau qui bout à quatre-vingt-dix degrés. C'est l'angle droit.
- Tu vois ! conclut mademoiselle Martin en posant sa main sur la tête de Désiré. Elle aussi, elle a dit une sottise... Mais tu vas te rattraper ! Je vais te citer des mots et tu vas me construire des phrases dans lesquelles tu feras entrer ces mots. Tu as bien compris ?
- Non, M'dame.
- Mais voyons, mon enfant ! C'est facile ! Par exemple, si je te donne le mot “sel”, tu pourras construire cette phrase : “J'ai mis du sel dans mon potage”.
- Oh non, M'dame. Mon potage, il était assez salé.
- Mais ça ne fait rien ! repartit brusquement mademoiselle Martin qui commençait à s'énerver.
- Si, ça y fait. Si je mets encore du sel, il ne sera plus mangeable.
- Oh ! C'est bon ! Ne parlons plus de sel ! Tiens... Fais-moi une phrase avec le mot “sucre”.
- Avec du sucre en poudre ou du sucre en morceaux ?
- N'importe quoi ! Fais-moi une phrase ! Dis-moi ce que tu as mangé ce matin, par exemple.
- Du café au lait avec des tartines de beurre, M'dame.
- Mais, imbécile ! Et le sucre là-dedans, où est-ce qu'il est ?
- Ben, M'dame... Dans mon café au lait.
À plusieurs reprises, le surveillant général aavait été sur le point d'intervenir. À la fin, il n'y tint plus :
- Ma psychologue ! exclama-t-il. Votre façon de les interroger est idiote.
Mademoiselle Martin se retourna vivement ; ses yeux flamboyaient de colère. Elle jeta les bras en avant, comme si elle avait voulu protéger son corps du contact d'un monstre hideux :
- Aaaaah ! Pas un mot de plus, Monsieur Flicaille ! proféra-t-elle. En critiquant ces admirables tests, fruits des travaux et des veilles des psychanalystes les plus éminents, vous traînez dans la boue la mémoire de mes maîtres vénérés Freud et Jung. Cela, je ne le supporterai pas !
- Ne vous fâchez pas, ma psychologue ! Mais il faut bien reconnaître que vous leur posez des questions auxquelles vous seriez incapable de répondre vous-même.
La psychanalyste jeta sur l'adjudant-chef un regard plein de commisération :
- Sachez, Monsieur l'adjudant Flicaille, qu'une agrégée de psychologie, nourrie depuis le berceau des sublimes pensées de Freud et de Jung, est en mesure de répondre à n'importe quelle question.
- C'est ce qu'on va voir, ma psychologue ! Est-ce que vous pouvez me dire ce qu'est le bleu de Prusse ?
- Parfaitement. C'est un corps bleu à base de fer et de cyanogène.
- Et le blanc d'Espagne, ma psychologue ! Vous savez ce que c'est ?
- Mais oui, Monsieur l'adjudant Flicaille ! C'est une variété de carbonate de chaux.
- Et bien ! Puisque le bleu est de Prusse, et que le blanc est d'Espagne, pouvez-vous me dire d'où est le rouge ?
- D'où est le rouge ? Euh... Je ne vois pas...
Flicaille prit un ait triompaht :
- Ah ! Vous ne voyez pas ma psychologue ? C'est pourtant facile : le rouge est de Lille !
- Bof... C'est stupide...
- Pas plus stupide que vos tests ! Et voyons un peu si vous pourrez me dire quelle différence il y a entre un cendrier et une théière ?
- Ça n'a aucun rapport ! répliqua dédaigneusement mademoiselle Martin en haussant les épaules.
- Si, ma psychologue ! Il y a un rapport... Car le cendrier, c'est pour des cendres, tandis que la théière, c'est pour mon thé !
Passionnés par l'altercation entre le surveillant général et la psychologue, les élèves s'étaient groupés autour d'eux. Or, à l'instant précis où le proviseur ouvrait la porte de la classe pour laisser le passage à un visiteur auquel il disait : “Voyez, Monsieur le Chef de Cabinet ! En ce moment, le professeur Martin, une psychiatre de renommée mondiale, est en train de calculer leur quotient intellectuel“, mademoiselle Martin abbatait sa main sur la figure de l'adjudant-chef Flicaille en glapissant : “Grossier personnage ! Vous vous croyez dans une chambrée ?”
- Comment ! S'écria le visiteur. C'est là l'exemple que vous donnez aux enfants que nous vous avons confiés ?
- Mais... Mais... Monsieur le Chef de Cabinet... bredouilla le proviseur tout confus.
Et, sur un ton sévère :
- Mademoiselle Martin ! Monsieur Flicaille ! Allez m'attendre dans mon bureau !
Quand les élèves eurent regagnés leurs places, le nouveau personnage, qui exerçait effectivement dans les hautes fonctions de chef de cabinet du ministre de l'Éducation nationale, prit la parole :
- Mes enfants, dit-il, j'espère que vous oublierez ce fâcheux incident. Sachez que Monsieur le Ministre s'intéresse personnellement à votre classe et qu'il sera toujours prêt à écouter vos doléances. En attendant, l'un de vous a peut-être une question à me poser ?
Mathurin Lahuri s'avança :
- Moi, M'sieur !
- Je t'écoute, mon enfant. Parle sans crainte.
- C'est vrai, M'sieur, que vous êtes le chef de cabinet ?
- Oui, mon petit ami. Je suis le chef de cabinet. Pourquoi ?
- Ben, M'sieur... Est-ce que je peux aller faire pipi ?
^1 Oui, feignant et non fainéant.
^2 sans les unités ni tout informations sur la pression atmosphérique, il est impossible de répondre à cette question. 100°C celsius au niveau de la mer, 95°C en haute-montagne. Plus de 300°C au fond de l'océan...